Fini les sacs de marchandises sur le dos des femmes-mulets

Les porteuses doivent désormais franchir la frontière avec leurs marchandises dans un chariot. Cette mesure, censée alléger le quotidien de ces femmes, ne semble pourtant pas ravir les concernées.

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Des porteuses marocaines, ou "femmes-mulets" au point de passage El Tarajal de Sebta en septembre 2017. Crédit : AFP PHOTO / FADEL SENNA

Depuis le 2 avril, les « femmes-mulets » traversant le poste-frontière de Sebta ne sont plus autorisées à transporter les sacs de marchandise sur leur dos, peut-on lire sur le média local El Faro de Ceuta.

La nouvelle mesure a été instaurée par une loi entrée en vigueur lundi dernier. Elle oblige les porteuses à transporter leur marchandise dans un chariot. La règle ne s’applique par contre ni au textile, ni aux vêtements neufs ou usagés.

Le reste de la marchandise, comme du matériel ou de la nourriture, doit à présent être transporté dans un chariot. Il leur est cependant toujours permis de transporter sur son dos un ballot de 60×40 centimètres.

Les femmes-mulets sont estimées à 10.000. Chaque aller-retour leur rapporte de 100 à 150 dirhams, en fonction du poids du ballot transporté. Avant, les porteuses faisaient plusieurs navettes dans la semaine, voire la journée. « Aujourd’hui c’est devenu impossible », nous confiait l’une d’elles, Karima en janvier dernier.

Un bien pour un mal ?

Le prix du paquet dépend du poids, il n’a donc pas fallu longtemps pour que les porteuses expriment leur mécontentement. Le site d’information Ceutaldia est parti à leur rencontre et les avis sont unanimes. « Même si ça paraît difficile à comprendre, toutes les femmes que nous avons consultées préfèrent transporter leur marchandise sur le dos », rapporte le média.

Deux raisons principales justifient le désarroi des femmes-mulets. Premièrement, les porteuses ont peur que la possession d’un chariot lors de bousculade rende la situation encore plus dangereuse.

Deuxièmement, il leur est impossible de venir depuis Tétouan – où réside la majorité d’entre elles – en taxi avec leur chariot. « Six personnes dans un taxi, ça va. Mais six personnes et six chariots, les taxis refusent. Il n’y a pas la place », explique Maimona. Par ailleurs, la route du chemin du retour n’est pas asphaltée, comment tirer les chariots dans ce cas?

Chers chariots

Le prix des chariots fait également obstacle. Le faible revenu des femmes leur permet de s’offrir un chariot à 10 ou 15 euros. Résulat: ils cassent facilement et ne peuvent pas transporter assez de marchandise. Un chariot à 30 ou 35 euros serait un meilleur investissement, mais les porteuses ne peuvent pas se le permettre. Selon les femmes interrogées, la solution c’est « d’oublier cette histoire de chariot » et de simplement réduire la taille des ballots qu’elles transportent sur leur dos.

A ce propos, Bilal Dadi Mizziam, président des polygones (vastes zones de hangars où les femmes vont acheter la marchandise) de Tarajal, a déclaré vouloir être didactique et rendre le travail des porteuses moins pénible. Il explique que le but de cette loi est « d’humaniser les conditions dans lesquelles travaillent les centaines de personnes qui, du lundi au jeudi, franchissent la frontière à travers le passage de marchandises Tarajal II, mais aussi de pallier la cruauté d’un trafic commercial qui viole les droits humains ». Le président a dès lors décidé d’instaurer une « semaine d’adaptation ».

Rappelons que 4 femmes-mulets ont perdu la vie depuis août 2017, dans des bousculades au poste-frontière.

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