Dans un communiqué, le studio a précisé que M. Takahata était mort dans les premières heures de la journée de jeudi dans un hôpital de Tokyo des suites d’un cancer du poumon.
Né en 1935, dans l’actuelle Ise, préfecture de Mie, à quelque 450 kilomètres au sud-ouest de Tokyo, Isao Takahata a débuté sa carrière aux studios d’animation Toei en 1959. C’est là qu’il a rencontré Hayao Miyazaki, avec lequel il a pendant longtemps collaboré étroitement, notamment pour des séries diffusées à la télévision.
Réalisateur engagé, passionné de littérature française et notamment de Jacques Prévert, Isao Takahata avait créé en 1985 le studio japonais d’animation Ghibli avec Hayao Miyazaki, son cadet, complice et parfois aussi rival.
Il s’est d’abord fait un nom avec Le tombeau des lucioles »(1988), histoire à pleurer de deux orphelins durant la guerre, que beaucoup considèrent comme son plus grand film.
Cette oeuvre déchirante lui a été inspirée par sa propre expérience, enfant, du bombardement par les Américains de la région d’Okayama où il vivait en 1945. Terrifié, il avait fui pieds nus en pyjama avec une de ses soeurs, avait-il raconté dans un entretien accordé en septembre 2015 au quotidien de langue anglaise Japan Times.
Le dessin animé révèle dès le début la mort du garçon Seita et de sa petite soeur Setsuko. « Il est traumatisant pour les spectateurs de voir la vie de deux êtres heureux se détruire et de les voir mourir. J’essaye d’alléger la souffrance de mon public en révélant tout dès le départ », avait-il expliqué.
Il avait aussi avoué ses remords de s’être contenté d’un sourire gêné lorsqu’il avait retrouvé sa mère après le bombardement, des regrets qui lui ont inspiré Heidi, fille des Alpes, « au caractère insouciant »: « ce qu’un enfant devrait être, ce que je n’ai pas pu être ».
Cette expérience de la guerre l’a aussi poussé à s’engager contre toute volonté d’amender l’article 9 de la Constitution pacifiste du Japon, qui stipule que « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre« .
Il est également l’auteur de Pompoko (1994), Cristal du meilleur long métrage au festival d’Annecy il y a deux décennies, et de Mes voisins les Yamada (1999).
Plus récemment, il avait mis en images Le Conte de la Princesse Kaguya, une redécouverte de ce classique du répertoire nippon qui lui a valu une nomination en 2015 dans la catégorie du meilleur film d’animation aux Oscars. Il avait annoncé que ce serait là son ultime réalisation.
Sorti au Japon en novembre 2013, ce film est l’adaptation d’un conte populaire datant du Xe siècle, considéré comme l’un des textes fondateurs de la littérature japonaise. Empreint d’une infinie poésie, l’oeuvre tisse son intrigue et déroule les émotions de ses personnages, dessinés au fusain, dans un décor aux tons pastels qui évoque l’aquarelle.
Il avait été projeté en ouverture du Festival international du film d’animation d’Annecy de 2014. La 36e édition de ce festival considéré par les professionnels comme l’épicentre mondial du cinéma d’animation avait rendu un hommage appuyé au réalisateur japonais, lui décernant un Cristal d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
En 2015, il avait été élevé à Tokyo au grade d’officier de l’Ordre des Arts et des Lettres, une reconnaissance d’un travail artistique hautement apprécié en France. « La France est le pays où j’ai le plus voyagé et je suis des plus heureux d’être décoré par la nation dont je me sens le plus proche« , s’était-il réjoui dans son discours d’acceptation.
« Isao Takahata vient de disparaître. Et nous voilà bien seuls« , a réagi dans un tweet la Cinémathèque française.
Le quotidien Asahi Shimbun précisait vendredi que les obsèques auraient lieu prochainement dans l’intimité avant une cérémonie de plus grande envergure le 15 mai.
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