Spoliation: la Daya de Dar Bouazza au cœur d'une polémique

À Dar Bouazza, un propriétaire privé a soumis une demande de réquisition d'un terrain appartenant au domaine public. Les habitants et les associations se mobilisent pour protéger ce site d'intérêt écologique.

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Le lac de Dar Bouazza Crédit: Association GOMAC

Depuis quelques jours, les habitants et militants associatifs de Dar Bouazza tirent la sonnette d’alarme. Un propriétaire privé tente de s’approprier un terrain sur lequel se trouvent les deux sources de la Daya de Dar Bouazza. Or, selon l’article 5-a de la loi 36-15, ces étendues d’eau appartiennent au domaine public hydraulique.

Le 24 janvier 2018, le propriétaire privé en question, répondant au nom de J., un homme d’affaires de la région, a déposé une réquisition pour un terrain de 18 hectares englobant la Daya. Suite à quoi un extrait de la réquisition d’immatriculation a été publié dans le Bulletin officiel n°995.

Vices de procédure

Selon nos informations, la réquisition (5425/63) se base sur un acte adoulaire réalisé en présence de douze témoins et deux adouls le 27 décembre dernier. Or, pour obtenir un certificat de propriété délivré par la conservation foncière, le propriétaire doit également fournir un certificat administratif, signé par les ministères des Habous, de l’Intérieur, de l’Agriculture et des Domaines publics.

Deux mois après le dépôt de la réquisition, les agents du cadastre annoncent publiquement à l’agence de Conservation foncière de Nouaceur leur venue le 19 mars, afin de faire un premier repérage pour le bornage. La publication de la date est importante puisqu’elle permet aux habitants, élus et associations, de participer à la rencontre et de faire opposition.

Or, le jour même, bien que les opposants au projet aient fait le déplacement, les agents du cadastre ne se sont pas présentés. « La mission de repérage a été reportée au 27 mars, sans qu’on le sache. Le report n’a pas été rendu public », nous affirment des habitants.

Mardi 3 avril, l’une des familles de la région a fait opposition à la réquisition auprès de la Conservation foncière, en tant qu’ex-propriétaire. « Avant que les terrains soient accaparés par le ministère des Travaux publics sous le Protectorat, puis donnés au domaine public hydraulique après l’indépendance, nous étions trois familles, la mienne, celle de J. et une autre de la région, à partager ces terres », nous explique l’un des membres de la famille ayant fait opposition.

Selon la loi 36-15, le terrain appartient au domaine public et donc à l’Agence du bassin hydraulique du Bouregreg et de la Chaouia – qui dépend du ministère de l’Agriculture. Contactée par différents biais, l’Agence, frileuse, évite nos questions. Elle ne s’est toujours pas prononcée publiquement sur l’affaire.

Mobilisation des associations de protection de l’environnement

De leur côté, les militants pour la protection de l’environnement rappellent à quel point il est important de conserver ce terrain. « S’il y a construction ou autre, il y a un risque d’assèchement du plan d’eau qui abrite une faune très riche : plus de 180 espèces d’oiseaux, dont 30 espèces patrimoniales », lance Abdeslam Rihane, ornithologue universitaire.

Parmi ces espèces, il y a celles qui ne sont que de passage, les migratrices et celles qui se reproduisent ici, les reproductrices qui sont généralement endémiques du Maroc. « Prenez la Nette rousse ou encore la Fuligule Nyroka. Si le lac disparaît, ce genre d’espèces disparaîtra aussi », ajoute le spécialiste.

Benoît Maire, enseignant et président de l’association GOMAC (Groupe d’ornithologie du Maroc), est lui aussi désolé de voir que le « dernier plan d’eau naturel de la région » pourrait disparaître. « Il y a ici une multitude de services écosystémiques pour la population (réservoir d’eau douce, amortissement des crues, piégeage de carbone, réduction des effets des changements climatiques…). C’est un bel écosystème que j’utilise comme outil pédagogique pour mes cours sur la biodiversité ».

Pour alerter les responsables, les habitants de la région et associations de protection de l’environnement se mobilisent et ont lancé une pétition.

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