Le taux d’activité des femmes au Maghreb est parmi les plus bas du monde, entre 20 et 22%. Au Maroc, nous sommes sur une tendance baissière : de 30% dans les années 2000, nous sommes passés à 26% aujourd’hui« , constate Xavier Reille, directeur de la Société financière internationale (une organisation du groupe Banque mondiale) pour la région Maghreb. La Tunisie est également à 26%, alors que l’Algérie peine à atteindre les 18% de femmes actives. Au niveau de toute la région MENA, le taux de participation féminine à l’économie est, de loin, le plus bas au monde, à 16%, tandis que la moyenne mondiale enregistre 33%. Selon lui, cela entraîne une triple perte, en capital humain, en croissance, mais aussi en égalité sociale : « c’est par la participation des femmes au travail que l’on augmente la classe moyenne, et donc que l’on réduit les inégalités entre riches et pauvres« .
Selon Paula Tavares, spécialiste des questions de genre à la Banque mondiale, si les femmes participaient autant au marché du travail que les hommes, pas moins de 28 milliards de dollars pourraient être ajoutés à la croissance mondiale. Bien que les discriminations juridiques basées sur le genre régressent au Maghreb, certaines lois constituent des obstacles à l’inclusion économique des femmes.
Le Maroc au 130ème rang sur l’égalité salariale
Sur les 189 pays visés par l’étude de la Banque Mondiale, le Maroc fait figure de cancre en matière d’égalité salariale, placé au 130ème rang mondial. Pourtant, la législation a évolué positivement sur les 15 dernières années, rappelle Leyla Channawi, présidente de la commission financement des entreprises de la CGEM : « La réforme de la Moudawana et du Code du travail en 2004, l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) en 2005 et la garantie constitutionnelle d’égalité hommes/femmes introduites dans la Constitution en 2011 ont mis fin à plusieurs discriminations légales basées sur le genre« .
Certes, les femmes marocaines peuvent « enregistrer une entreprise, ouvrir un compte bancaire et voyager à l’étranger de la même manière que les hommes », ce qui est également le cas des Tunisiennes et des Algériennes. « La base du cadre législatif est là, mais il est perfectible« , admet Karim El Mouttaki, président de la commission juridique de la CGEM. Par exemple, le travail de nuit est légalement accessible aux femmes, mais le texte renvoie à des conventions collectives censées mettre en place des mesures d’accompagnement. « Dans quels secteurs des conventions collectives ont été adoptées en ce sens ? Cela reste minime« , regrette-t-il. De même, le Maroc dispose de recours civils contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, mais quelle application réelle ?
Maternité et éducation, des enjeux clés
La prise en charge de la maternité est aussi un point crucial influant sur le taux d’activité des femmes. Au Maroc, les femmes bénéficient de 14 semaines de congés maternité soit 98 jours, ce qui équivaut à la moyenne mondiale et est supérieur à la moyenne de la région MENA, à 77 jours. La région MENA connaît en la matière de grandes disparités, allant de 30 jours en Tunisie à 280 jours en Iran.
Selon Yasmine Benamour, administrateur directeur général du Groupe HEM, le pré-scolaire doit aussi être pris en compte pour l’activité des femmes. « Aujourd’hui, il n’est pas obligatoire au Maroc et les enfants arrivent directement au CP. Il faudrait rendre le pré-scolaire obligatoire« , propose-t-elle.
Elle pointe également le rôle néfaste du conditionnement des filles à l’école : « le souci est à l’intérieur de la classe, au niveau des manuels scolaires. Tant qu’on apprendra aux enfants que ‘Fatima est dans la cuisine et Hicham est médecin’, on n’avancera pas« , pointe Yasmine Benamour.
Bancarisation et entrepreneuriat, des progrès à faire
Parmi les freins au travail des femmes, leur taux de bancarisation qui au Maroc est inférieur de 30% à celui des hommes. Certains participants à la conférence estiment qu’il faudrait mettre en place des mécanismes de discrimination positive en la matière, ou des offres bancaires spécifiques à destination des femmes, comme l’a fait dernièrement CIH Bank.
L’entrepreneuriat féminin est aussi à la traîne, avec seulement 10% des entrepreneurs qui sont des femmes. « Elles font encore face à des entraves dans ce domaine, et restent confinées à des petites entreprises ou des coopératives. Par ailleurs, la plupart de ces femmes entrepreneures opèrent dans le domaine informel« , rappelle Leyla Channawi.
De même, dans les conseils d’administration des entreprises au Maroc siègent uniquement 10% de femmes. « Une plus grande représentativité des femmes au sein des instances de gouvernance apporterait une plus grande stabilité et une meilleure croissance économique« , considère la responsable de l’institution patronale.
Des constats évidents qui resurgissent à chacune des nombreuses conférences sur l’inclusion féminine dans le marché du travail au Maroc. Mais au-delà des propositions théoriques qui en ressortent, quelles actions concrètes de la part des institutions et des responsables publics ?
« La SFI s’est lancée dans un programme de financement de 5 millions de dollars pour les femmes entrepreneures au Maroc, en Egypte et en Tunisie« , indique Xavier Reille. Financier philosophe, il en appelle à Aragon : « La femme est l’avenir de l’homme…les poètes ont toujours raison, plus que les économistes« .
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