Les dessous du vote prorogeant le mandat de la Minurso

Le Conseil de sécurité a adopté le 27 avril, une résolution prorogeant le mandat de la Minurso pour 6 mois. Le texte, visé par des critiques émanant de plusieurs pays membres, témoigne de la volonté de l’organe décisionnel de l’ONU d'accélérer la résolution du conflit au Sahara.

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Le 27 avril, après plus de deux semaines de négociations, le Conseil de sécurité de l’ONU proroge le mandat de la Mission des Nations Unies au Sahara (Minurso). Une décision qui semble clore un regain de tensions entre le Maroc et le Polisario entamé au début du mois d’avril, mais qui en dit long sur les divergences existantes entre les membres du Conseil de sécurité. Au vu des explications de votes des différents diplomates ayant participé à l’adoption de cette résolution, les récents développements à l’est du mur de défense marocain sont loin de faire l’unanimité. En revanche, le texte adopté par le Conseil de sécurité illustre bien une volonté commune des 15 pays membres de l’organe décisionnel de l’ONU d’accélérer la résolution du conflit au Sahara. Explications.

Contestation russo-ethiopienne

La rédaction de la résolution adoptée par le Conseil de sécurité incombe au Groupe des Amis du Sahara, composé des Etats-Unis, de la France, de l’Espagne, de la Russie et du Royaume-Uni. Au sein de ce groupe, c’est Washington qui fait office de porte-plume puisque les Américains sont littéralement chargés de la rédaction du texte. 13 jours après la présentation du rapport du secrétaire général, des tensions apparaissent déjà au sein de ce groupe de cinq pays. Le 18 avril, après la diffusion d’un premier draft par les Etats-Unis la veille, les cinq pays ne parviennent pas à un consensus lors d’une rencontre. Au sein du groupe, les divergences portent sur la formulation relative aux récentes actions entamées par le Polisario à l’est du mur de défense marocain.

C’est dans l’optique de parvenir à un accord, que les Etats-Unis élargissent la circulation du draft de résolution à l’ensemble des membres du Conseil de sécurité le 20 avril. Un texte quasi-similaire à la version finale adoptée une semaine plus tard, mais qui suscite toujours le débat au sein des pays membres du Conseil. Parmi les plus farouches opposants au texte on retrouve la Russie mais aussi l’Ethiopie.

Du côté de Moscou et d’Addis-Abeba, on craint que la formulation relative à la situation à Guergarat ainsi qu’à l’est du mur « ne mette à l’écart le Front Polisario en vue de potentielles futures négociations » indique le site whatsinblue.org. Pour rappel, la résolution adoptée par le Conseil de sécurité le 27 avril appelle à un « retrait immédiat » du Polisario de la zone tampon située au niveau de Guergarat et exprime l’inquiétude de l’organe décisionnel de l’ONU quant à « l’annonce du Front Polisario de la relocalisation de ses fonctions administratives à Bir Lahlou » et qui constitue, selon le texte, une « action déstabilisatrice ».

(Discret) mécontentement suédois

Si le texte est finalement adopté le 27 avril, cela n’empêche pas Moscou et Addis-Abeba d’afficher leur mécontentement dans le cadre de leur explication de vote. Les deux pays, qui se sont abstenus d’exprimer leur suffrage, y critiquent notamment l’approche prônée par les Etats-Unis, porte-plume du groupe, et dénoncent un manque d’équilibre du texte. En témoigne la déclaration publiée sur Facebook par la représentation éthiopienne auprès des Nations Unies, dans laquelle Addis-Abeba affirme « avoir voulu voter en faveur du texte proposé par les Etats-Unis, » mais déplore le fait que « les points soulevés durant les négociations relatives au draft, visant à rendre le texte plus équilibré et plus neutre n’ont pas été pris en compte ». La diplomatie éthiopienne fait également remarquer dans sa déclaration qu’elle a su se montrer « flexible dans [son] approche et était prête à s’engager dans de véritables négociations afin d’atteindre le consensus désiré mais n’a pas eu l’occasion de le faire ».

Tout comme Addis-Abeba, Moscou s’est abstenu. Du côté russe, on dénonce également le manque d’interaction au sujet du projet de résolution puisqu’on justifie l’absence de vote par le fait que « le processus de préparation et d’approbation de cette résolution n’ont pas été transparents ni soumis au dialogue ». Dans sa déclaration accordée à l’issue du vote, le représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies, Vladimir Sofronkov, affirme également que la Russie ne s’est pas opposée au texte car elle « reconnait la valeur du travail » effectué par la Minurso. Du côté de Moscou, on dénonce néanmoins la présence du mot « réalisme » comme mot d’ordre à la résolution du conflit ce qui peut, selon la diplomatie russe, « ouvrir la voie aux interprétations les plus ambigües ». En somme pour la Russie, la résolution adoptée le 27 avril est un texte « déséquilibré ».

L’avis de Moscou au sujet du manque de consultation est également partagé par Pékin, troisième et dernier abstentionniste, qui par le biais de son représentant Shen Bo, a déclaré que « le Conseil aurait dû consacrer davantage de temps à rechercher le consensus, plutôt que de sombrer dans la précipitation ».

Si la Chine, l’Ethiopie et la Russie se sont abstenus de voter le texte pour afficher leur mécontentement quant à son élaboration, un autre pays a fait savoir son désaccord avec la résolution adoptée le 27 avril même s’il a voté en sa faveur. Il s’agit de la Suède, dont le représentant permanent auprès des Nations Unies, Carl Skau a déclaré qu’il existe « de nouveaux éléments dans cette résolution concernant les actions entreprises par les parties, qui ne sont pas suffisamment équilibrés et ne reflètent pas les développements sur le terrain ». L’ambassadeur suédois auprès de l’ONU note également que « si les craintes de certaines délégations, ayant un caractère mineur, avait été entendues, nous aurions pu atteindre un consensus concernant ce texte » qui comporte, selon Stockholm, des « lacunes ».

Coup d’accélérateur

L’une des principales nouveauté de ce texte est la réduction de la durée du mandat de la Minurso qui passe d’un an à six mois. Selon le site whatsinblue.org, cette réduction avait pour objectif « d’accroitre la pression sur les parties afin de résoudre leurs actuelles tensions et les amener à entamer un cinquième round de négociations formelles ». Le média rappelle d’ailleurs que la résolution appelle le secrétaire général à informer le Conseil de sécurité « sur une base régulière et à n’importe quel moment qui lui semble approprié du statut et du progrès de ces négociations ».

Pour le coordinateur politique de la mission permanente du Royaume-Uni auprès des Nations Unies, Stephen Hickey, cette fenêtre de six mois « est une indication de l’importance que la communauté internationale accorde à cette question ».

Une question dont la résolution est amenée à évouluer comme en témoigne la déclaration de la diplomate américaine Amy Noel Tachco qui, à l’issue du vote, a demandé « aux parties de trouver une solution réaliste et durable en reprenant les négociations sans conditions et de bonne foi, et de respecter leurs obligations en ce qui concerne le cessez-le-feu » tout en insistant sur l’ « absolue » nécessité de « sortir du statu quo ».

Le témoignage le plus franc des intentions du Conseil de sécurité est sans doute à mettre à l’actif du représentant permanent des Pays-Bas, Karel Jan Gustaaf van Oosterom. Dans son explication de vote, le diplomate néerlandais affirme que, bien qu’elle n’ait pas reçu un soutien unanime du Conseil, l’élément le plus important de cette résolution est « la relance du processus politique ». « Notre ambition commune doit être d’aboutir à une solution politique mutuellement acceptable », a précisé le diplomate avant d’exhorter les parties à poursuivre leur engagement de bonne foi avec l’envoyé personnel du secrétaire. Les deux parties, les pays voisins, ainsi que le Conseil de sécurité ont donc rendez-vous au mois d’octobre afin de savoir si la résolution du Conseil de sécurité aura permis de faire avancer celle du conflit.

Imbroglio koweitien

Lors de son intervention devant le Conseil de sécurité, un diplomate koweitien a affirmé que « l’Etat du Koweït réaffirme son soutien complet à l’envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara occidental, Horst Köhler, en vue d’une solution équitable et acceptable pour les deux parties, garantissant le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination ». L’utilisation de l’expression « Sahara occidental » a fait bondir les observateurs du côté de Rabat, y percevant une critique voilée venant de Koweit City. Toutefois, l’agence de presse koweitienne KUNA a évacué tout doute concernant les propos de son diplomate basé à New York à travers une dépêche datée du 29 avril où elle affirme son soutien au Maroc dans le cadre du « dossier du Sahara marocain ».

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