La Hongrie et l’Iran, trouble-fêtes de la Conférence de Marrakech sur la migration

Nouvelle illustration du "leadership" continental du Maroc dans le domaine, la 5e Conférence euro-africaine sur la migration et le développement, qui s’est tenue ce mercredi à Marrakech, a été marquée par le refus de la Hongrie de signer la déclaration finale. L’Iran, avec qui le Royaume a rompu la veille toute relation diplomatique, s’est également invité au menu des rencontres bilatérales.

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Une quarantaine de ministres ont participé à cette grand-messe euro-africaine de la migration, dont ceux des Affaires étrangères et de l'Intérieur marocains. Crédit: MAECI

C’est pour moi un honneur et un plaisir de vous accueillir pour cette cinquième édition du Processus de Rabat, qui se poursuit aujourd’hui au Maroc, où il a commencé voici de cela douze ans », déclare en ouverture Nasser Bourita, le ministre des Affaires étagères (MAE). Initié par le Maroc, le Sénégal, la France et l’Espagne, le Dialogue euro-africain sur la migration et le développement a effectivement vu le jour en 2006 dans la capitale marocaine.

Rappelant que le phénomène migratoire est avant tout intra-régional, avec moins de 3% de la population africaine vivant à l’étranger et seulement 12% des flux européens provenant d’Afrique, le maître de cérémonie met l’accent sur la nécessité d’une « solidarité intra- et inter-continentale ». « La coopération avec le Sud ne doit pas être exclusivement liée au contrôle des frontières. (…) Si l’intégration européenne a été un facteur de paix, de stabilité et de prospérité sur le continent européen, ne peut-elle pas l’être aussi sur le continent africain? L’exemple de la CEDEAO, qui représente une des communautés économiques régionales les plus dynamiques et les plus intégrées d’Afrique nous répond, ici, avec éloquence », affirme-t-il, avant de céder la parole au président du comité de pilotage.

Pour la Hongrie, migration et terrorisme sont liés

Le MAE belge, Didier Reynders, revient sur les réalisations qui ont marqué son mandat d’un an à la tête du Processus de Rabat. Selon lui, son bilan peut se résumer en trois axes: la définition d’un nouveau cadre stratégique pluri-annuel (voir encadré), une meilleure appropriation par tous les membres de la plateforme de dialogue, ainsi qu’une communication externe améliorée. « J’ai le sentiment du travail accompli », confie à TelQuel.ma le chef de la diplomate belge.

Le ministre de l’Intégration africaine du Burkina Faso, qui prend le relais pour l’année à venir, s’engage à prolonger les actions entreprises pour trouver des solutions « humaines et durables ». État enclavé partageant des frontières avec pas moins de six voisins, le Pays des hommes intègres est devenu un « espace de transit, mais aussi un peu de départ ». « Nous allons saisir l’opportunité de cette présidence pour trouver des solutions aux causes profondes des migrations, comme la pauvreté, le sous-emploi ou le manque d’insertion des femmes et des jeunes. Il ne faut plus que tous ceux qui meurent en Méditerranée aient des raisons de partir », développe le diplomate burkinabè.

Pas moins de 45 – sur une soixantaine – de représentants de pays ou d’organisations internationales s’expriment ensuite, à tour de rôle. Cette série de brèves allocutions est marquée par le refus de la Hongrie de ratifier la Déclaration politique. « L’Europe a connu un afflux massif de dizaine de millions de migrants ces dernières années. En parallèle, le continent a enregistré 29 attaques terroristes qui ont causé plus de 300 morts et 1.300 blessés. Plutôt que de gérer des flux migratoires, nous devons coopérer au niveau du développement et de la sécurité pour les stopper complètement », justifie l’émissaire hongrois, seul intervenant à ne pas être applaudi.

L’Iran, persona non grata

Le sommet est également l’occasion de nombreuses rencontres bilatérales. Nasser Bourita échange notamment avec la Représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU pour les migrations, le Commissaire européen aux migrations, le Secrétaire d’État suisse au département fédéral de justice et de police, ou encore ses homologues togolais et belge. « Nous avons évoqué une importante visite économique à venir, mais aussi un certain nombre de dossiers régionaux, comme la Libye, le Congo et, bien entendu, la rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Iran », détaille ce dernier. Le dossier iranien a par ailleurs fait l’objet d’un briefing avec les journalistes, afin d’étayer les charges contre Téhéran et son allié du Hezbollah, accusés d’avoir fourni des armes et une aide militaire au Front Polisario.

Après plus de cinq heures de discours, l’hôte marocain revient finalement à la tribune pour clore les débats. « Marrakech vous donne rendez-vous dans sept mois pour deux autres événements de cruciale importance: la réunion annuelle du Forum mondial sur la migration et le développement, sous co-présidence maroco-allemande, et la Conférence d’adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », premier document onusien prenant en compte le phénomène dans sa globalité, conclut-il.

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Ce cinquième rendez-vous a abouti à l’adoption de dix objectifs pour les deux années à venir, dans la continuité de ceux définis lors du Sommet de la Valette de novembre 2015 :

-Maximiser l’impact positif de la migration régulière pour le développement, à travers une meilleure connaissance des diasporas, une réduction des coûts de transfert de fonds vers les pays d’origine, et un soutien à l’entreprenariat et à l’investissement.

-Parvenir à une compréhension commune des causes profondes de la migration irrégulière et des personnes déplacées de force.

-Promouvoir la migration régulière et la mobilité, en particulier des jeunes et des femmes, entre l’Europe et l’Afrique et au sein de ces régions, grâce à des réseaux d’échanges entre instituts de formation professionnelle et agences pour l’emploi, la portabilité des droits et la protection sociale des migrants réguliers.

-Encourager la facilitation des procédures de délivrance de visas.

-Promouvoir les mesures visant à renforcer la protection des réfugiés et autres déplacés de force.

-Favoriser l’intégration de ces personnes dans les communautés d’accueil, par des campagnes de sensibilisation et le partage des bonnes pratiques sur leur accès au travail.

-Renforcer les capacités des institutions publiques compétentes en matière de gestion intégrée des frontières, de prévention et de lutte contre le trafic des migrants et la traite d’êtres humains.

-Améliorer la protection des migrants et des victimes de trafics et de traite.

-Renforcer les capacités des autorités pour améliorer les processus d’identification et de délivrance des documents de voyage.

-Encourager les programmes visant à assurer un retour en toute sécurité et la réintégration durable des migrants, dans le respect de leurs droits et de leur dignité.

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