Stroc industrie au risque d'un redressement judiciaire

Stroc Industrie risque d'être placée en liquidation judiciaire après une plainte d'un ancien salarié non payé. Le management de l'entreprise a demandé, quant à lui, de mettre la société cotée en bourse sous  procédure de sauvegarde, profitant des nouvelles dispositions de la loi sur les entreprises en difficulté.

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Nabil Ziatt, PDG de Stroc Crédit: Capture YouTube

Stroc industrie dans la tourmente. La Société de Travaux de Réalisations d’Ouvrage et de Construction Industrielle risque en effet le redressement judiciaire suite à une demande déposée le 24 avril auprès du tribunal de commerce de Casablanca. A l’origine de cette demande, un ancien salarié de l’entreprise qui n’a pas perçu son salaire depuis huit mois. Stroc Industrie, qui reconnait des difficultés, souhaite sauver les meubles en se mettant sous la procédure de sauvegarde prévue par les dispositions de la nouvelle la loi n°17-73, publiée au bulletin officiel le 23 avril dernier.

« Au début, il a nié l’évidence que son entreprise était en quasi-faillite. Mais quand on lui a demandé de produire les documents sur la situation réelle de l’entreprise, il a demandé lui-même non pas le redressement mais la sauvegarde », nous déclare Me Youssef Chahbi, avocat du salarié plaignant.

Contacté par nos soins, Nabil Ziatt, président directeur général de Stroc Industrie, n’a pas souhaité s’exprimer, nous renvoyant à un communiqué de presse diffusé le 1er juin. « Stroc Industrie souhaite bénéficier de la procédure de sauvegarde conformément à la nouvelle loi sur le traitement des difficultés de l’entreprise, » lit-on dans le document. L’avocat de Stroc, Me Hamid Adsaoui, ajoute que le plaignant «a été incapable de prouver que la société est en cessation de paiement. Stroc continue de payer ses créanciers».

«Nous allons porter plainte et réclamer des dommages et intérêts à la partie adverse qui a porté atteinte à l’image d’une société cotée en bourse», ajoute l’avocat de Stroc. « Il y’a des gens qui ont travaillé depuis plus de vingt ans dans cette entreprise et qui ne touchent plus leur salaire. L’entreprise a coulé, il n’y’a pas d’autres explications », renchérit pour sa part Me Chahbi.

A l’origine de la crise

Depuis son introduction à la bourse de Casablanca en juin 2011 au prix de 357 dirhams par action, le cours de Stroc Industrie a fondu de plus de 90% pour s’établir à 34,85 dirham au 31 mai. Et pour cause : les résultats déficitaires se sont enchainés en 2012, 2015, 2016 et 2017. Le chiffre d’affaires s’est réduit comme peau de chagrin : de 298 millions de dirhams en 2016, il n’est plus que de 138 millions de dirhams au titre de l’exercice 2017. Au titre de l’année 2017, le carnet de commandes n’est plus que de 450 millions dirhams, dont la quasi-totalité des projets confiés par l’OCP.

Les capitaux propres de l’entreprise étaient négatifs de 119 millions de dirhams en 2016. A deux reprises, l’entreprise a alerté le marché sur ses contre-performances, en émettant des profit warning, en 2012 puis en 2015. Trainant une dette colossale, la presse rapporte des saisies à répétition des biens de l’entreprise au cours des trois dernières années, suite à son incapacité d’honorer ses engagements vis-à-vis de ses fournisseurs.

Voulant redresser la barre, Stroc Industries avait mandaté en 2017 un cabinet de conseil marocain basé à Bahreïn avec pour mission de convaincre « un investisseur en particulier du Moyen-Orient d’investir dans Stroc, » expliquait Nabil Ziatt à L’Economiste l’an dernier.

Nouvelle loi de sauvegarde

Stroc Industrie souhaite éviter le redressement judiciaire en se mettant sous le coup de la procédure de sauvegarde. « La procédure de sauvegarde ne va pas changer grand-chose à la réalité de l’entreprise« , réagit Youssef Chahbi. Dans son article 545, la nouvelle loi sur les entreprises en difficulté prévoit, pour l’entreprise en difficulté, un recours à la procédure de sauvegarde « à travers un plan de sauvegarde devant être soumis au tribunal pour approbation ». Les difficultés de l’entreprise sont alors traitées via « un règlement judiciaire, par adoption d’un plan de continuité ou d’un plan de transmission ».

L’entreprise en difficulté est ainsi placée sous prévention externe, ou mise sous tutelle, du tribunal. L’article 549 dispose que le président du tribunal peut dans ce cas nommer « un mandataire privé et le charger de la mission de l’allégement des difficultés que rencontre l’entreprise, ou bien la nomination d’un réconciliateur qui facilitera l’arrivée à un accord avec les débiteurs, selon le cas. »

Les avantages de la procédure de sauvegarde sont nombreux. D’abord, les dirigeants gardent une entière autonomie de gestion. Ensuite, certains de leurs actes ne risquent pas la nullité puisque la procédure de sauvegarde n’est pas concernée par la période suspecte. Enfin, en cas d’échec de la sauvegarde et l’ouverture d’une procédure de redressement, les déclarations de créances se feront dans la limite des sommes convenues conformément au dit plan.

C’est Abderrafii Bouhamria, le magistrat juge-commissaire également en charge du dossier de la liquidation de la Samir, qui doit statuer dans le dossier Stroc. La question de redressement judiciaire ou de la sauvegarde sera tranchée par le tribunal de commerce de Casablanca le 7 juin prochain.

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