A Agadir, la nomenclature palestinienne des rues fait débat

Un boulevard et 42 rues du quartier Al-Qods dans le centre-ville d’Agadir portent désormais des noms de villes et de localités palestiniennes. La décision prise par le Conseil de la ville, dominé par le PJD, est loin de faire l’unanimité chez les habitants et membres de la société civile locale. Les élus s'en expliquent. 

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Vue d'Agadir
Plage d'Agadir. Crédit : Marcin Sochacki

Gaza, Haiffa, Jénine, Bab Al Hadid, Qalqiliya… Des noms qui évoquent l’histoire et la géographie de la Palestine,  mais qui sont également ceux dont ont été récemment baptisés  42 rues et un boulevard du quartier Al Qods (Jerusalem) situé dans le centre ville d’Agadir.

Des artères urbaines baptisées en honneur de la Palestine, suite à une récente décision du Conseil communal de la ville et qui est loin de faire l’unanimité dans la capitale du Souss.

«Le point a été abordé en Conseil (communal, NDLR), mais il n’a pas été débattu. Le président du Conseil avait affirmé qu’il s’agissait d’une proposition d’une association», raconte Adam Bouhadma, élu local de la Fédération de la gauche démocratique ayant approuvé la liste proposée par le président du conseil communal, Salah El Malouki.  Approuvée par les élus, la décision ne fait toutefois pas l’unanimité chez les Gadiris.

Indignation

«C’est une aberration», lance d’emblée Mounir Kejji, militant du mouvement culturel amazigh. «Les habitants sont mécontents de cette décision qui rentre dans le cadre d’une surenchère politicienne étroite pour exploiter et surfer sur la fibre de la cause palestinienne», affirme-t-il.

«Au vu de la sensibilité amazighe d’Agadir, nous pensons que la ville n’a pas besoin d’importer des noms de rues ou de personnes. Agadir a des personnalités auxquelles le Conseil communal doit rendre hommage comme les écrivains Mohamed Khair-Eddine et Mohamed Mounib qui ont laissé leur empreinte sur la ville et la musique locale, ou encore des résistants», insiste le militant.

Face à cette indignation, l’élu FGD Adama Boudahma propose une solution d’apaisement. «Sans vouloir verser dans le populisme, je comprends parfaitement pourquoi le changement de cette liste ( de rues, NDLR) est réclamé. Il aurait été préférable d’avoir une liste diversifiée», affirme l’élu. Boudahma suggère de baptiser les rues d’autres quartiers de noms évoquant la culture amazighe.

«Les dirigeants de la commune n’aspirent pas à l’apaisement. Pour eux, les personnes qui se sont opposées à cette décision se sont toujours montrées critiques envers le Conseil communal», regrette l’élu du rassemblement de gauche.

Consonance amazighe

Du côté du PJD, le son de cloche est complètement différent. «Pour nous il s’agit d’une affaire normale. La dénomination des rues et des quartiers relève des prérogatives du Conseil communal», estime le vice-président du Conseil communal, Mohamed Bakiri.

Pour l’élu PJD, le Conseil a répondu à une demande émanant de quelques associations et a adopté «une approche participative».  «Depuis que nous avons pris nos fonctions, les rues ont été baptisées en fonction du nom du quartier dans lequel elles se situaient», explique le représentant du parti de la lampe en référence à la récente décision du Conseil communal.

Pour Mohamed Bakiri, la récente polémique entourant les rues du quartier Al-Qods s’explique par une idée selon laquelle « le Conseil communal tenterait tant bien que mal d’étrangler l’identité amazighe. Mais celle-ci fait partie de l’identité marocaine et est protégée par la Constitution et la loi ».  Pour défendre la position du Conseil communal, l’élu précise également « que près de 90% des 150 nouveaux noms attribués aux rues et boulevards d’Agadir sont à consonance amazighe ou proviennent de la culture de la ville d’Agadir et de la région de Souss-Massa ».

L’élu PJD assure même que durant la fameuse session durant laquelle la décision relative aux rues du quartier Al Qods a été prise, le Conseil communal a également adopté les nouveaux noms des rues du quartier Tadart. « Tous étaient amazighs ou inspirés de la région, » assure-t-il. Pour l’élu, FGD Adam Boudahma, les appellations des rues devraient être le dernier des soucis du Conseil de la ville. « Il ne faut pas oublier que la ville est sérieusement handicapée  par de nombreux chantiers qui ont été entamés et sont bloqués en raison de travaux mal étudiés…», déplore-t-il.

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