Entre Ecomed et le conseil de la ville, le bras de fer continue

Alors qu'Ecomed, l'ancien gestionnaire délégué de la décharge de Médiouna, menace de poursuivre le Conseil de la ville de Casablanca devant le CIRDI, la mairie contre-attaque, reprochant à la société de ne pas avoir respecté certains termes de leur contrat.

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Le Conseil de la ville de Casablanca Crédit: Yassine Toumi/TelQuel

Le torchon brûle entre la ville de Casablanca et Ecomed, l’ancien gestionnaire délégué de la décharge de Médiouna. La société de gestion des déchets menace de poursuivre le Maroc devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), organisme d’arbitrage rattaché à la Banque mondiale, et lui réclame 75 millions de dollars de dédommagements.

L’information a été révélée, le 25 juillet, par Médias24. « En ce sens, un ‘avis d’intention’ a été adressé le 12 juin à plusieurs départements marocains, dont le chef du gouvernement, le ministère de l’Intérieur, celui de l’Economie ou encore celui des Affaires étrangères », indiquent nos confrères.

Dans cet « avis d’intention », Ecomed reproche au Conseil de la métropole de « n’avoir pas tenu ses promesses » et « la violation d’engagements contractuels » cela « dès le début du contrat (2008, ndlr) ». Ainsi Ecomed, à travers Edgeboro et GESI – les deux sociétés américaines à l’origine de la création en joint venture du gestionnaire de déchets -, jugent « les pertes diverses » découlant de ces « violations » à 75 millions de dollars. D’où la menace de porter l’affaire devant le CIRDI, où elles comptent demander compensation. Edgeboro et GESI « sont accompagnées par Hogan Lovells, cabinet d’avocats américain à vocation mondiale« , ajoute Médias24.

Promesses non tenues

Pour Ecomed, la ville de Casablanca a manqué à « son obligation contractuelle essentielle« , laquelle était de lui fournir « 82 hectares de terrains pour développer la nouvelle décharge de la ville« , et ce « à la date d’entrée en vigueur du contrat (17 novembre 2008)« . Le contrat, offrait aussi à Ecomed une période de transition de deux ans « afin d’établir une nouvelle décharge sur le site et d’arrêter les activités de celle de Mediouna« , rapporte Médias24, citant l’avis d’intention de la société.

Mais, au grand dam de la société, cette période de transition s’est rallongée à dix ans, et le site offert par la ville « ne comptait que 35 hectares, soit moins de la moitié de la superficie de 82 hectares promise dans le cadre du contrat« , se plaint Ecomed dans sa missive.

« Ecomed dit avoir été ‘privée du bénéfice de ses investissements' », la ville ayant refusé « à plusieurs reprises de lui payer des frais dus en vertu du contrat ». La société cite en exemple un « montant de 218 MDH pour les services rendus« , rapporte Médias24. Ajoutez à cela les « frais impayés » concernant « les montants dépensés pour le travail sur l’ancien site d’enfouissement de Mediouna » et « la sécurité dans la décharge« , que la ville a, selon Ecomed, été « incapable de maintenir ». Ici la société fait allusion aux chiffonniers qui vivent de la décharge, et que le Conseil refuse d’expulser par la force.

« Expropriation »

Le gestionnaire accuse également le Conseil de la ville d’avoir résilié de manière « arbitraire » et « illégale » le contrat de gestion déléguée. Alors qu’en premier temps, la ville a approché Ecomed afin d’entamer des discussions autour d’un accord à l’amiable, le Conseil a décidé de résilier le contrat de manière « unilatérale » et « sans compensation pour Ecomed ou pour les investisseurs« , à travers une lettre datée du 31 mai 2018. Pour la société, il s’agit d’une « expropriation« .

L’affaire prend une nouvelle tournure quand la ville entame une procédure judiciaire devant le tribunal administratif de Casablanca dans le but de récupérer la décharge. Elle obtient gain de cause le 7 juin 2018, et s’empresse d’attribuer temporairement la gestion de la décharge à la société SOS-Ndd. Entre temps, la ville lance un appel à manifestation d’intérêt – dont l’ouverture des plis surviendra en septembre prochain – afin de désigner le prochain gestionnaire de la nouvelle décharge.

Le Conseil contre-attaque

Interrogé par Médias24, le 3e vice-président du Conseil chargé de la propreté, Mohamed Haddadi, répond aux griefs portés par Ecomed. Rappelant que la société « n’a jamais contesté les avenants signés chaque année pour prolonger la période transitoire« , il estime que « quand un document est signé, on ne peut pas prétendre être forcé à le faire« .

Mohamed Haddadi reproche également à Ecomed de « ne pas avoir voulu construire le centre de tri sur le nouveau terrain ni régler le problème des lixiviats« , une espèce de « jus de poubelle » résultant du stockage des déchets, ne pouvant être rejeté dans l’environnement.

Mohamed Haddadi : « Nous sommes toujours ouverts à un accord à l’amiable »

Contacté par nos soins, Mohamed Haddadi assure que le Conseil de la ville de Casablanca garde la porte ouverte à un accord à l’amiable avec Ecomed, posant comme seule condition : que la société revoie à la baisse ses exigences financières. « Pour l’instant, les discussions sont au point mort, car les dirigeants d’Ecomed exigent d’être remboursés sur les bénéfices prévus sur les 15 prochaines années, soit la durée restante du contrat qui n’a pas été honorée« , précise-t-il.

Sur la question des chiffonniers, Mohamed Haddadi est sans appel. « Nous ne pouvions pas céder à la pression d’Ecomed, tout simplement parce qu’expulser les chiffonniers de la décharge engendrerait une crise sociale. Il y a 800 familles qui dépendent quotidiennement de la décharge« , tance-t-il, soutenant qu’Ecomed aurait pu remédier elle-même à la situation, en les embauchant dans le cadre de coopératives. « Encore fallait-il qu’ils construisent le centre de tri, qui n’a jamais vu le jour« , se désole-t-il.

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