Après le boycott, Centrale Danone veut faire dans la transparence

En proie à une campagne de boycott sans précèdent, Centrale Danone a organisé jeudi 30 août une visite de presse dans son usine de Fkih Ben Saleh. Objectif : expliquer le processus de fabrication de son lait, de la collecte à la vente au consommateur final.

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Denis Hermant, VP industriel chez Centrale Danone

Centrale Danone veut faire dans la transparence. Après les consultations organisées en août avec les consommateurs dans plusieurs villes du Maroc, et l’ouverture des votes pour fixer le « juste prix » de son lait frais, la firme a ouvert jeudi, son usine de Fkih Ben Saleh, dans la région de Beni-Mellal, à la presse. « Nous sommes dans un moment exceptionnel, c’est la deuxième fois que nous ouvrons nos usines à la presse », prévient d’emblée Denis Hermant, vice-président industriel de Centrale Danone, arrivé au Maroc en mai 2013.

Avec cette action de communication, la filiale marocaine « veut jouer l’ouverture et la transparence », a-t-il assuré, avant de se lancer dans un exposé sur l’usine de Fkih Ben Saleh. En activité depuis 1989, date de la « prise en location de la coopérative Halib Tadla », le site est dédié à la fabrication du beurre, du lait frais et UHT et du lait en poudre. L’usine, qui s’étend sur 5,67 hectares, tourne 7 jours sur 7, avec 328 employés organisés en trois postes, apprend-t-on.

Contrôle qualité : le mode opératoire

Dans l’exposé, une partie était consacrée à la sécurité des effectifs de l’usine. « Cela fait exactement 463 jours qu’il n’y pas eu d’accident de travail sur ce site, le dernier remonte au 24 mai 2017 », souligne Denis Hermant. Le VP industriel s’est lancé ensuite dans l’explication des différentes étapes de contrôle auquel le lait est soumis, de la collecte auprès des éleveurs jusqu’au au produit fini vendu au consommateur. Selon lui, le lait est d’abord analysé chez l’éleveur. Des tests pour détecter la présence d’antibiotiques et « s’assurer que le lait est conforme et sain » sont réalisés sur place par la société. Les techniciens de Danone vérifient ensuite la température du lait, trait à 37 °C, et le place dans les camions qui sont « tous équipés de frigo à 6°C ».

Une fois à l’usine, le lait collecté est encore une fois soumis à des tests dans un laboratoire aménagé sur place. « Nous y contrôlons encore une fois la température du lait qui ne doit pas dépasser les 6°C, aussi sa teneur en matière grasse et son taux d’acidité, entre autres. Nous vérifions ensuite si le lait contient des antibiotiques. Tout lait contenant des antibiotiques est signalé. Un PV de destruction est alors rédigé sur place et le lait est automatiquement détruit », a fait savoir de son côté Hind Azizia, responsable quality monitoring site de Centrale Danone. « Si les analyses sont conformes, un bulletin est réalisé par le technicien et le camion-citerne est dépoté pour passer en tank », ajoute-t-elle.

Selon le management de Centrale Danone, plus de 1.100 analyses sont réalisés tous les jours dans les points de collecte que compte la société dans la zone de Tadla.  Au total, six millions de dirhams sont investis annuellement, depuis 2014, en tests de qualité à la même usine.

Vient ensuite l’étape de l’homogénéisation du lait pour éviter la remontée du beurre. « Il y a 15 ans, cela était considéré comme étant un défaut de fabrication. Aujourd’hui, une partie des Marocains est nostalgique de cette remontée de beurre. On a éliminé quelque chose qui semble-t-il plaisait aux Marocains », souligne toutefois Denis Hermant.

« Pas de poudre dans le lait »

Interrogé sur la présence de conservateurs dans le lait frais, le responsable est catégorique. « Il n’y a ni conservateurs, ni additifs dans nos lait, que ce soit dans le lait frais ou UHT, encore moins dans le beurre qui est un produit très sensible », a-t-il répondu.

Durant la visite de presse, la question qui a été cependant le plus posée concerne le lait en poudre. Le site de Fkih Ben Sleh compte, en effet, la plus grande tour de séchage du lait du Maghreb. Mais selon Denis Hermant, celle-ci n’est en « aucun cas » destinée à alimenter le lait en poudre. « Nous avons une tour à très gros débit. Quand nous sommes dans une période de haute lactation, nous avons plus de lait que nous en avons besoin. Pour le stocker, nous le séchons. Avec les problèmes qui nous sont arrivés cette année, ça nous a été très utile parce que cela nous a permis de continuer à collecter le lait auprès des éleveurs alors que nous n’en avions pas besoin », explique le responsable industriel.

Et de poursuivre : « Non, nous ne mettons pas de lait en poudre dans le lait. La poudre de lait va dans la fabrication des yaourts, dans les usines de Meknès et de Salé. Cela fait partie des formules de ces produits-là, comme il se fait dans le monde entier. Si nous n’en avions pas, on en importerait. Certains de nos concurrents le font. Il y a quelques années, quand nous n’avions pas assez de lait, on importait de la poudre de lait pour nos yaourts. Mais cette poudre-là ne va en aucun cas dans le lait frais, je vous le garantis avec beaucoup de conviction ».

La visite intervient quelques jours après que Centrale Danone ait appelé ses consommateurs à voter en ligne pour choisir parmi plusieurs propositions censées construire le nouveau modèle tarifaire de la marque au Maroc. L’objectif étant de trouver le « juste prix », sans faire de profits sur le lait, comme annoncé par le PDG de la maison mère, Emmanuel Faber, lors de son déplacement au Maroc en juin dernier. Une campagne de consultation baptisée « Ntwaslo w Nwaslo  » (« Dialoguons pour aller de l’avant ») avait également été lancée en juillet pour recueillir les avis des consommateurs, après le boycott de son lait frais.

Pour rappel, Danone publiait le 27 juillet ses résultats financiers au premier semestre 2018. « Les ventes ont chuté de 40 % au Maroc entre avril et juin et les tendances négatives devraient se poursuivre au deuxième semestre », avait fait savoir Cécile Cabanis, la directrice financière du groupe, lors d’une conférence de presse tenue pour l’occasion.

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