Général Trinquand, ex-conseiller de Macron : "Ce qui se passe au Sahel a un impact en Europe"

Dans cet entretien, le général Dominique Trinquant, ancien conseiller d’Emmanuel Macron et ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU et de l’OTAN, livre sa vision sur la situation sécuritaire au Sahel, évalue son impact sur la rive méditerranéenne et évoque la coopération sécuritaire entre Rabat et Paris.

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Conseiller en sécurité du Président français Emmanuel Macron

Les enjeux sécuritaires à l’échelle mondiale ont figuré parmi les principaux sujets évoqués à l’occasion de la 7e édition des Atlantic Dialogues organisés par le think-tank Policy Center for the New South (ex-OCP Policy Center) du 13 au 15 décembre à Marrakech.

C’est en marge de cette rencontre, ayant rassemblé 350 experts du monde entier, que le général Dominique Trinquand s’est exprimé pour parler de la situation sécuritaire dans les régions du Sahel ainsi que de la menace qui pèse sur la région. Rencontré par TelQuel, cet ancien conseiller sécuritaire du président français Emmanuel Macron et fin connaisseur du commandement militaire expose sa vision sur ces thématiques ainsi que sur la coopération sécuritaire entre le Maroc et la France.

TelQuel : Quel regard portez-vous sur la situation sécuritaire dans la région du Sahel ?

Dominique Trinquand : La situation sécuritaire au Sahel est toujours compliquée, et ce pour deux raisons. D’abord la menace est toujours présente dans cette région qui est l’une des plus pauvres d’Afrique. La deuxième est de nature structurelle puisque les forces du G5 Sahel (composées de soldats venus de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad et du Mali, ndlr) sont toujours en cours de formation et d’organisation. Par conséquent la Mission des Nations unies au Mali (Minusma, chargée du maintien de la paix depuis 2013, ndlr) peine à s’imposer et à faire taire les armes.

Quelles solutions faut-il envisager pour mettre fin à cette menace ?

Il faut savoir que cette menace ne concerne pas uniquement la région du Sahel, mais aussi les pays avoisinants. Pour ce qui est des solutions, il est important de combattre les racines du mal en résolvant les problèmes liés à l’organisation territoriale et à la distribution pouvoir. Il faut également mettre fin à la lutte religieuse. L’islam est une question de conviction personnelle et non un outil pour combattre les autres. Il faut également œuvrer à l’adéquation entre des mesures de sécurité et des forces de sécurité à la nature de la menace.

Pourquoi la France est-elle fortement impliquée dans la résolution du problème sécuritaire dans la région du Sahel ?  

La plupart des citoyens européens sont focalisés sur la Méditerranée, mais c’est au sud de cette zone qu’il faut déployer un effort pour contrôler l’immigration, et non pas l’arrêter. C’est dans cette région qu’il faut lutter contre toutes les formes d’insécurité qui favorisent l’immigration. Ce qui se passe dans cette zone a un impact très important sur l’Europe et c’est pour cela que la France, à travers l’opération Barkhane, mais aussi d’autres pays européens comme la Belgique et l’Italie, sont impliqués dans la bande sahélienne.

Quel regard portez-vous sur la coopération entre la France et le Maroc dans le domaine sécuritaire ?

La coopération entre les deux pays se conçoit de deux manières. D’une part, le Maroc est très présent en Afrique et cela est fortement apprécié du côté de la France qui souhaite que les pays africains prennent en charge les problèmes de leur continent. D’autre part, le Maroc exerce une forte influence en France notamment en ce qui concerne le plan religieux. Le Maroc a su instaurer un islam modéré à même d’assurer la coexistence avec les autres religions. La relation entre les deux pays est le fruit d’un travail permanent. L’exemple des imams, formés au Maroc sur la base d’un islam modéré, et qui sont envoyés en France pour la prêche, est très parlant dans ce sens.