Je peux vous confirmer que l’opération de sécurité au (complexe) Dusit s’est achevée il y a environ une heure et que tous les terroristes ont été éliminés », a déclaré M. Kenyatta lors d’une conférence de presse. Le nombre de jihadistes ayant perpétré l’attaque, non précisé par M. Kenyatta, restait toutefois peu clair dans l’immédiat.
Des images de vidéosurveillance diffusées par les médias kényans montrent quatre hommes équipés d’armes automatiques et de grenades progresser calmement dans le complexe. Au moins un jihadiste s’est fait exploser au début de l’attaque. Une source policière a indiqué de son côté que deux assaillants ont été tués mercredi matin au terme d’un échange de tirs prolongé. « Ils portaient tous les deux des foulards rouges sur le front et des cartouches étaient attachées autour de leur poitrine (…) ils avaient chacun un AK-47″.
Le président Kenyatta a précisé qu' »en ce moment, nous avons la confirmation que quatorze vies innocentes ont été perdues (…), d’autres ont été blessés ». Cette attaque a rappelé aux habitants de Nairobi celle, traumatisante, menée en 2013 contre le centre commercial Westgate, faisant 67 morts lors d’un siège de quatre jours. L’intervention des forces de sécurité avait alors été vivement critiquée. Mercredi, M. Kenyatta a salué leur travail: « plus de 700 civils ont été évacués du complexe depuis le début de l’attaque jusqu’aux petites heures du matin ».
De son côté, une source à la morgue a indiqué à l’AFP que quinze dépouilles ont été enregistrées: 11 Kényans, un Américain, un Britannique, et deux personnes dont la nationalité n’a pas pu être établie dans l’immédiat. Des sources policières avaient aussi fait état d’au moins 15 morts. Des proches des victimes s’étaient rassemblés à la morgue mercredi, mais n’ont pas été autorisés à voir les corps. « Ma soeur n’est dans aucun hôpital et la dernière fois que nous nous sommes parlé, elle a soudainement commencé à pleurer et crier, et j’ai pu entendre des coups de feu », a déclaré en larmes une femme nommée Njoki. « Nous n’avons aucun doute, son corps est là ».
L’attaque a été revendiquée par les islamistes somaliens shebab, et son modus operandi rappelle celui d’autres opérations du mouvement à Mogadiscio ces derniers mois: une bombe explose (soit un kamikaze, soit une voiture piégée) et dans la foulée, un commando pénètre dans l’établissement visé. Cette « attaque coordonnée » du complexe DusitD2, selon les termes du chef de la police kényane Joseph Boinnet, avait commencé par une forte explosion entendue à plus de cinq kilomètres à la ronde, suivie de tirs nourris. La brigade antiterroriste était arrivée rapidement sur place, à bord d’un véhicule blindé. M. Boinnet a précisé qu’au moins un kamikaze s’était fait exploser non loin de l’entrée de l’hôtel Dusit, établissement d’une centaine de chambres appartenant au groupe thaïlandais Dusit Thani, situé dans un quartier verdoyant comptant de nombreux immeubles de bureaux. Un photographe de l’AFP a vu les cadavres de cinq victimes, affalés sur leurs tables à la terrasse d’un restaurant du complexe. Non loin gisait le corps d’un kamikaze qui avait fait exploser sa ceinture d’explosifs. Des détonations et coups de feu ont été entendus sporadiquement tout au long du siège.
Dans un communiqué à New York, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres « a condamné fermement » l’attaque, qualifiée de « lâche » par le président de la Commission de l’Union africaine Moussa Faki. En Ouganda, pays visé par le passé par les shebab, le directeur du contre-terrorisme Abas Byakagaba a ordonné aux forces de sécurité de son pays d’être en état de « haute alerte ».
Le Kenya a déjà été la cible d’attentats jihadistes de grande ampleur. Le 7 août 1998, un attentat revendiqué par Al-Qaïda contre l’ambassade américaine à Nairobi avait fait 213 morts et 5.000 blessés. Depuis l’entrée en octobre 2011 de l’armée kényane en Somalie pour combattre les shebab, affiliés à Al-Qaïda, le pays a été durement touché. Après l’attaque du Westgate le 21 septembre 2013, un commando a abattu de sang-froid 148 personnes dans l’université de Garissa (est), pour la plupart des étudiants, le 2 avril 2015. Chassés de Mogadiscio en 2011, les shebab ont ensuite perdu l’essentiel de leurs bastions. Mais ils contrôlent toujours de vastes zones rurales d’où ils mènent des opérations de guérilla et des attentats-suicide. Ils ont juré la perte du gouvernement somalien, soutenu par la communauté internationale et par les 20.000 hommes de la force de l’Union africaine en Somalie (Amisom), à laquelle contribue le Kenya.
L’attaque de mardi à Nairobi est intervenue trois ans jour pour jour après celle de la base militaire kényane d’El Adde, dans le sud de la Somalie. Les shebab, vidéo à l’appui, avaient revendiqué avoir tué près de 200 militaires kényans, ce que les autorités kényanes ont toujours démenti. Lundi, un tribunal kényan avait ordonné que trois hommes soupçonnés de complicité avec les auteurs de l’attaque du Westgate (eux-mêmes tués dans l’assaut de la police) soient prochainement jugés.