Omar Raddad, condamné sans preuves

Omar Raddad clame toujours son innocence, 28 ans après le meurtre de Ghislaine Marchal, pour lequel il a été condamné à dix-huit ans de prison. Le président Chirac le graciera. Insuffisant. Ses défenseurs, ses soutiens et lui réclament qu’il soit innocenté. Ils veulent aujourd’hui éclairer les zones d’ombre d’un procès où il a fait figure, selon eux, de coupable idéal et de victime d’un engrenage judiciaire.

Par et

Telquel

Ici, un homme est “mort”. De jour, dans une ambiance à perturber l’habituelle quiétude azuréenne où siège le Palais de justice, à quelques encablures de la Méditerranée. Ce 2 février 1994, la Cour d’assises des Alpes-Maritimes, à Nice, condamnait Omar Raddad à dix-huit ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Ghislaine Marchal, son employeur et veuve richissime. Le premier jour du reste de sa vie.

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Au terme de dix jours de débats animés, la vie de cet immigré marocain de 32 ans, funestement devenu le jardinier le plus célèbre de France en deux ans et demi, va s’en trouver changée “Madame (Marchal) est morte, mais moi aussi vous m’avez tué”, suffoquera-t-il, devant l’audience. Lui, a passé plus de deux ans dans une prison de Grasse, les cheveux déjà poivre et sel à 32 ans, le visage blafard. Il a été désigné coupable du meurtre de sa riche patronne, retrouvée morte dans sa villa à Mougins le 24 juin 1991, le corps mutilé et une énigmatique inscription, en lettres de sang, trônant au milieu de la scène du crime : “OMAR M’A TUER”.

La faute d’orthographe fera date. Jugé coupable, sans qu’aucune preuve matérielle n’existe contre lui, uniquement sur la foi de l’intime conviction, il passera sept ans de sa vie en prison avant de bénéficier d’une grâce présidentielle accordée par le président Jacques Chirac, en 1996, après l’intervention de Hassan II. Libéré en 1998, mais jamais innocenté. Une affaire où tous les éléments sont dignes d’un polar. Un homme est “mort” en ce jour de soleil d’hiver. Un honneur assassiné, le respect ne lui était plus dû dès l’ouverture de son procès. Le procureur a lâché “Omar debout”, comme on dit “Médor au pied”, relevait à l’époque Jacques Vergès, son avocat.

Omar Raddad et son avocat de l’époque, Gérard Baudoux, lors de la reconstitution judiciaire du 18 février 1992.Crédit: GERARD JULIEN / AFP

“Cela ne l’empêche pas de savoir égorger un mouton”

“On sent bien qu’il y a eu dans le cas de Omar Raddad une très grande injustice, liée au fait que c’était la personne la plus faible dans la société”

Roger-Marc Moreau, criminaliste

Ce n’est pas une affaire comme les autres”, souligne Roger-Marc Moreau, criminaliste. Rencontré par TelQuel, à la mi-mars à Casablanca, l’homme connaît l’affaire Raddad sur le bout des doigts. Mandaté par Vergès, il a repris l’enquête de A à Z, en septembre 1994, dans le but d’accumuler témoignages et éléments nouveaux pour la requête en révision. “On sent bien qu’il y a eu dans le cas de Omar Raddad une très grande injustice, liée au fait que c’était la personne la plus faible dans la société. Il était déraciné en France, ne parlait pas le français et travaillait au noir chez des milliardaires de la Côte d’Azur. Et le voilà pris dans un engrenage judiciaire”, contextualise le détective.

Ghislaine Marchal est retrouvée morte, le lundi 24 juin 1991 à la Chamade, sa villa de Mougins, sur les hauteurs d’Antibes. Un périmètre calme. Le lieu est habité par l’aristocratie locale, voire de grandes fortunes parisiennes ou internationales venues s’établir sur le balcon de la Méditerranée. Née de Renty, elle est mère de Christian Veilleux d’un premier mariage à 16 ans, avant de se remarier avec Jean-Pierre Marchal, riche industriel français qui a fait fortune dans les phares de voitures. Son fils est élevé par sa sœur, Claude, mariée au bâtonnier de Grasse, Bernard de Bigault du Granrut et ancien avocat du ministère des Affaires étrangères français.

Un monde à des années-lumière de celui de Omar Raddad. Ce dernier est né à Beni Oulichek près de Nador, dans les années 1960, seul illettré d’une fratrie de six enfants. Parti avec un visa de touriste en France, il n’en est jamais revenu. Il travaille comme jardinier, est apprécié du voisinage et épouse Latifa, avec laquelle il a deux enfants. Les origines de Omar Raddad lui ont porté préjudice semble-t-il. Quand son épouse affirme, lors du procès, qu’il est “incapable de tuer une mouche”, le président de la Cour, Armand Djian, lui rétorque : “Oui, mais cela ne l’empêche pas de savoir égorger un mouton.” L’agressivité du président avait frappé à l’époque.

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Reste alors l’épais mystère de la mort de Ghislaine Marchal. Et c’est la date du décès qui pose question. Dimanche 23 juin pour l’accusation, le lendemain pour la contre-expertise menée par la défense. Lorsque le légiste, le docteur Page, arrive le soir, il constate que les yeux sont clairs et humides. Il en conclut que le décès remonterait à entre “plus ou moins six heures” auparavant. Or, le lundi, Omar Raddad a un alibi: il se trouve à Mougins où il fête l’Aïd El Kébir avec ses proches et a, pour cela, fait des extras dimanche.

Ghislaine Marchal a été retrouvée morte à la Chamade, sa villa à Mougins, 
sur les hauteurs d’Antibes.Crédit: Photo by GERARD JULIEN / AFP

Dans le procès-verbal, le légiste avance la date du lundi, avant de faire volte-face. Dans une autre lettre, les médecins légistes prétextent une faute de frappe sur la date, la mort ayant eu lieu le 23 juin. Moins de dix jours après sa découverte, le corps de la victime est incinéré à la demande de la famille. “Tout ça bizarrement orienté et pas explicable naturellement”, commente le criminaliste.

La première part d’ombre d’une longue série. Dans la requête en révision de l’époque, les éléments divergent. Contre Omar Raddad, les gendarmes avaient retenu qu’il fréquentait des prostituées et jouait au bandit-manchot au casino. Interrogé à ce sujet en audience, Omar répondait “oui” à tout, lui analphabète, maîtrisant peu le français et auquel on n’a pas fourni de traducteur. Sur les soucis d’argent et de dette, Roger-Marc Moreau, criminaliste, parle de “contre-mobile”, Raddad gagnant près de 80 francs de l’heure (8000 francs par mois, 1220 euros) alors que seuls 2000 francs ont été volés.

Sur les prostituées, seuls deux témoignages ont été entendus. L’une d’elles, Fatima Baghdadi, évoquait des violences et n’a jamais comparu au tribunal. “Quand je commence la contre-enquête, la première chose que je fais, c’est d’aller sur la Croisette à Cannes, explique Roger-Marc Moreau. Je m’arrête devant une première, je lui pose la question de savoir si c’est Fatima Baghdadi. La deuxième, c’est elle. Je vais l’auditionner et, pourtant, les gendarmes, au procès, ont dit qu’ils ne la retrouvaient pas”. Lui comprend pourquoi. En lui lisant sa déclaration, elle nie avoir dit reconnaître Omar Raddad, avouant même ne pas être sûre de son identité. Elle déclare avoir signé le papier sans l’avoir lu. Pourquoi ne pas l’avoir fait venir? “Car ils savaient bien qu’elle allait leur dire le contraire de ce qui était écrit dans la déclaration”, réagit-il.

Près de 28 ans après les faits, le sang retrouvé sur l’inscription “Omar m’a tuer” pourrait parler.Crédit: DR

Témoins jamais entendus

D’autres témoins oculaires n’ont pas été entendus par la justice, à l’image de Salah El Ouaer, un manutentionnaire tunisien entendu par les gendarmes, avant d’être écarté. “Cité par la défense, il était resté introuvable selon les gendarmes, qui omettaient de préciser que ses papiers n’étant pas en règle, ils lui avaient donné un mois pour quitter la France”, aborde le document fourni par Me Vergès servant à la requête en révision, et dont TelQuel détient une copie.

Retrouvé par Roger-Marc Moreau en Tunisie, il sera entendu par le criminaliste. Ce dernier lui présente une photographie de Liliane Receveau, femme de ménage de la défunte. Salah El Ouaer confiait alors : “La personne dont vous me présentez la photographie semble bien être la femme que je vous ai décrite et qui se trouvait dans la propriété la Chamade le lundi 24 juin 1994.” Par la suite, les témoignages récoltés ont-ils servi ? “Rien, tranche Moreau. Le rapporteur de la commission de révision va se contenter de vérifier les éléments techniques mais il ne fera aucune révision, ni voir aucun des témoignages recueillis et qui sont indispensables à l’éclatement de la vérité.”

L’emploi du temps de la femme de ménage, ainsi que de son amant et de sa propre fille, reste également trouble. D’autant que leurs témoignages, ainsi que celui de son amant et de sa fille, ne concordent pas. Ils prétextent une sortie dans un lac varois, sans se mettre d’accord sur lequel, ni sur le moyen de locomotion utilisé. D’après le document, plusieurs points passent en revue la présence Liliane Receveau à la Chamade les dimanche 23 juin et lundi 24 juin. Le document relève que “selon la confidence de M. Veilleux à une amie proche, le journal intime avait été brûlé par ses assassins; que M. Veilleux a caché ce fait à la cour, qu’un stylet correspondant à l’arme blanche qui a servi à la tuer (Mme Marchal) a disparu, et que la femme de ménage, qui s’en était rendu compte, l’a caché à la Cour”.

En plus, la fameuse inscription “Omar m’a tuer” a également été soumise à des expertises. Des graphologues internationaux ont tous estimé que “Mme Marchal n’est pas l’auteure de l’inscription”, d’après le document. L’étude comparative réalisée fait alors apparaître “plus de discordances”, contrairement à celle menée lors de l’instruction, où les deux graphologues mandatés “avaient dû admettre qu’il s’agissait là d’une identité à 2 tiers 1 tiers (sic)”. L’une des expertes citées dans la requête en révision, Danièle Dumont, conclut à “un ensemble de caractéristiques graphiques (signalant) un auteur en pleine possession de ses moyens et sensible à l’aspect esthétique du message”.

“On ne peut plus attribuer, aujourd’hui, les écrits qui accusent Omar Raddad à Ghislaine Marchal”

Roger-Marc Moreau, criminaliste

Roger-Marc Moreau, à l’initiative de ces expertises diverses, résume : “Pour pouvoir faire une expertise en écriture, il faut alors que les écrits soit comparables. Or, là, il n’y a aucune ressemblance entre les deux écritures car l’on va comparer des mots croisés écrits de manière horizontale dans son lit à des écrits faits avec du sang sur un doigt, de manière verticale, après de nombreux coups et blessures. C’est ce que vont dire les experts de la cour de révision et l’on ne peut plus attribuer, aujourd’hui, les écrits qui accusent Omar Raddad à Ghislaine Marchal.

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Deux experts italiens sont également catégoriques : “L’écriture n’a pas été réalisée dans le noir”. D’autant que l’état dans lequel a été retrouvée la victime sexagénaire laisse circonspect: une dizaine de coups de poignard, frappée avec un chevron côté d’arêtes, un œdème cérébral, la gorge touchée et l’estomac éviscéré. “Difficile de coordonner normalement ses mouvements, surtout pour une écriture aussi droite et nette”, détaille le criminaliste. Et d’ajouter : “Lorsque l’on retrouve le message “Omar m’a tuer”, on s’aperçoit qu’aucune crête digitale n’est présente sur l’inscription. Ce qui sous-entendrait qu’elle a mis des gants avant d’écrire?” De là à penser à une mise en scène ?

Affaire relancée

Aujourd’hui, 28 ans après les faits, Omar Raddad poursuit son combat pour sa réhabilitation. Sa vie à changé et l’affaire est relancée. Sa défense, désormais menée par l’avocate française Sylvie Noachovitch, a obtenu auprès du procureur général d’Aix-en-Provence que de nouvelles recherches soient menées, en juillet 2018. L’avocate avait notamment demandé qu’une contre-expertise soit menée sur quatre empreintes génétiques retrouvées sur les lieux du crime, en 2015, après avoir bataillé un an plus tôt pour pousser une loi facilitant la révision des procès.

Après de premières expertises en 2016 sur ces traces d’ADN, une certitude en est ressortie: aucune ne correspond à Omar Raddad. En parallèle, l’une des empreintes génétiques, retrouvée sur les scellés, a été liée à une empreinte inscrite au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) et localisée dans le département de la Nièvre. “Un ADN que l’on retrouve à différents endroits dans la maison”, expliquait l’avocate de Omar Raddad. Néanmoins, en mars 2018, le procureur niçois, Jean-Michel Prêtre, avait estimé que l’affaire était “finie”, après que de nouvelles analyses de l’empreinte sur les scellés ont mis le suspect hors de cause.

Gracié mais pas innocenté, Omar Raddad, en compagnie de sa nouvelle avocate Sylvie Noachovitch, ne cesse de réclamer un procès en révision.Crédit: MEHDI FEDOUACH / AFP

Dans cette expertise, un allèle était manquant. Je me suis renseignée auprès d’un expert qui affirme qu’on ne peut donc pas certifier que le profil ne correspond pas à l’ADN retrouvé. C’est de l’incompétence!”, fustigeait l’avocate, qui, dès juillet 2018, obtient donc que de nouveaux examens soient effectués, toujours sans nouvelles à l’heure actuelle. “Depuis juillet, on attend les résultats”, nous confie Najwa El Haïté, également rencontrée à Casablanca. Cette militante associative, élue à la mairie d’Évry et en contact permanent avec Me Noachovitch, mobilise depuis l’automne pour “recentrer l’affaire dans la sphère publique” avec l’association Dynamic Maroc.

On ne peut pas laisser se reproduire ce type d’enquête bâclée, pointe Najwa El Haïté. Il reste encore de trop nombreuses zones d’ombre et d’incompréhensions autour de ce dossier”. L’affaire est donc loin d’être close, les passes d’armes également. Début mars, le procureur de Nice a répété “qu’on ne peut pas aller plus loin”. Pour lui, difficile de dater les traces retrouvées, d’autant qu’elles “ont été manipulées par plusieurs dizaines de personnes, y compris à l’audience où on voyait Me Vergès qui redessinait avec son doigt sur les lettres de ‘Omar m’a tuer’”, déclarait-il, lors d’un point presse. Najwa El Haïté évoque une sortie “anormale” d’un procureur qui n’est pourtant plus en charge de l’affaire.

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Elle espère “interpeller les pouvoirs publics au Maroc, car il s’agit d’un ressortissant marocain”. Une pétition, regroupant quelque 2300 signatures, devrait être remise au président Macron. Pour ce faire, elle compte sur l’appui de la communauté marocaine et franco-marocaine pour peser de son poids. Elle parle d’une affaire “qui a profondément touché les Marocains”.

Roger-Marc Moreau, lui, l’explique par une proximité naturelle: “Chaque famille peut connaître un membre de la famille qui a travaillé en France. Ils se sont tous identifiés réellement”. Omar Raddad, lui, reste près de sa famille à Béni Oulichek. Malgré un “état fragile psychologiquement”, d’après la militante, “il reste déterminé à prouver son innocence”. Mais pour l’heure, il préfère ne pas parler aux médias, nous signale Najwa El Haïté. Dans l’attente que la funeste phrase, qui l’a incriminé, s’avère être l’élément qui l’innocente ?

Les personnes clés de l’affaire

Christian Veilleux

Fils de Ghislaine Marchal, il est élevé par sa tante Claude, mariée au bâtonnier de Grasse, Bernard de Bigault du Granrut. Quatre de ses amis suisses seraient venus rendre visite à Ghislaine Marchal, le 23 juin, d’après ce qu’il a confié à Michèle Paysant, son ancienne amie. La requête en révision mentionne le témoignage de Paysant portant sur une part d’ombre de l’affaire. “Quand les policiers sont entrés dans la maison, ils ont trouvé 126 pages arrachées d’un journal, m’avait dit Christian Veilleux. Comment Omar qui ne sait pas lire a-t-il pu arracher ces pages?”, précise Michèle Paysant. Enfin, sur la disparition de la dague constatée par la femme de ménage de Marchal, cette dernière a déclaré que Christian Veilleux lui “a dit de ne pas en parler”.

Mimoun Barkani

Oncle de Omar Raddad ayant travaillé pour Ghislaine Marchal, il “est resté son confident”, d’après ses nouveaux employeurs. Proche d’elle, ils s’appelaient régulièrement. Il témoigne d’un Christian Veilleux souvent “menaçant” envers sa mère à qui il demandait de l’argent fréquemment. Un jour, “j’ai dû intervenir alors que Christian Veilleux tentait d’étrangler Ghislaine Marchal”. Cette dernière l’avait mis dans la confidence: “Si un jour je suis assassinée, ce sera par mon fils”. Jamais entendu dans l’affaire, la partie civile dénonçait un “témoignage invraisemblable”.

Pierre Auribault, dit Pierrot le fou

Il est l’amant, connu de tous, de Liliane Receveau, même si la fille de cette dernière dit aux enquêteurs “ne pas le connaître”. “Il est vrai que je suis violent”, concédait-il à Roger-Marc Moreau. Au détective, il détaille un meurtre qu’il a commis par le passé, et il a fait des séjours fréquents en prison pour violence ou cambriolage. Contrairement au témoignage de Liliane Receveau, il “reconnaît s’être déjà rendu à la Chamade”, le 1er mai 1991, “pour déménager des meubles et des objets divers” et percevant “200 francs”.

Nadège Piscou

Fille d’un premier mariage de Liliane Receveau, c’est de son domicile qu’elle serait partie avec son compagnon, Eric Bohme, sa mère et l’amant de sa mère, Pierrot le fou. C’est leur alibi. Elle se veut “formelle: nous sommes bien partis avec les deux automobiles” pour le lac de Sainte-Croix. Pierrot n’était pas là. D’ailleurs, lors de l’audition, elle dit n’avoir “jamais entendu parler d’un prénommé Pierrot”. Son père biologique dira “penser que Nadège est capable de mentir pour couvrir sa mère”.

Salah El Ouaer

Ancien militaire tunisien, il travaillait clandestinement comme maçon dans une propriété jouxtant la Chamade du 22 au 24 juin. Le lundi, il reconnaît une femme âgée de “35/40 ans, des cheveux de couleur jaune, un peu gris” qu’il avait déjà entendue le vendredi. Plus tard dans la journée, il trouve un 4×4 noir garé, un homme à l’intérieur, “d’une trentaine d’années”. Auditionné par les gendarmes, il raconte la scène avant que ces derniers ne l’interrogent sur sa situation irrégulière. Il signe sa déposition, qu’il n’a ni lue, ni relue et se voit signifier, quelques jours après, qu’il a “un mois pour quitter le pays”.

Liliane Receveau

Femme de ménage de Ghislaine Marchal, elle n’était pas à son poste le jour du meurtre, prétextant un congé légal. Dans l’enquête menée pour la requête en révision, son témoignage apparaît de nombreuses fois contradictoires. À son mari, elle affirmait partir travailler mais rejoignait en réalité son amant – déjà condamné pour meurtre -, sa fille et un ami à elle. Personne ne l’a vue aux endroits qu’elle mentionne. “Très raciste” envers les Maghrébins, selon son concubin de l’époque, elle n’appréciait pas Omar Raddad. “Toujours fauchée” d’après les uns, elle devient à l’aise financièrement de manière inexpliquée après le meurtre, achetant “bijoux”, “soins esthétiques coûteux” et une voiture de marque à sa fille.

Les zones d’ombre

L’arrivée sur les lieux du crime : À leur arrivée, les gendarmes constatent qu’un système de blocage de la porte est “situé sur la partie inférieure”. Ils notent après coup qu’une barre de fer est posée sur un chevron et la présence d’un lit de camp. L’enquête affirme qu’un système de verrouillage intérieur aurait été mis en place par Ghislaine Marchal, la manœuvre étant “impossible de l’extérieur” . Les avocats de Raddad estiment qu’avant de s’enfuir, l’assassin aurait réussi à bloquer la porte de la pièce où le corps a été retrouvé.

L’inscription polémique: Après que des experts graphologues ont réfuté leur attribution à Ghislaine Marchal, les fameux mots en lettres de sang prêtent au doute. L’absence de trace de sang autour de l’écriture implique que la victime n’aurait pris appui ni sur la porte, ni sur le sol pour se redresser après toutes ses blessures et écrire ces mots. D’autre part, la deuxième phrase, “Omar m’a t”, laisse penser que la victime est morte en l’écrivant. Or, son corps se situe à plus de 1m50 de l’inscription, et est tourné dans le sens inverse. Par ailleurs, aucune crête génétique n’est trouvée sur les lettres.

La date : Dans la requête en révision, la défense de Raddad affirme que “rien n’établit que le meurtre de Mme Marchal se situe le dimanche 23 juin entre 12 et 14h”, comme l’ont d’abord affirmé les légistes. Ces derniers avaient fait volte-face, après que le premier légiste arrivé sur la scène du crime, le 24 au soir, a daté la mort à “au moins six heures auparavant”. Les yeux étaient humides, or, après dix heures, ceux-ci deviennent opaques chez toute personne décédée. “La date la plus probable est le 24 juin, alors que Omar Raddad était à Toulon”.

Les photos détruites par les gendarmes: La perquisition a permis la découverte d’un appareil photo avec une pellicule de onze clichés dans la villa de Ghislaine Marchal. Les gendarmes, au lieu d’en faire usage pour les besoins de l’enquête ou les remettre à la famille, les ont détruits sur ordre du juge d’instruction, arguant que les clichés ne revêtaient aucun intérêt pour le dossier. Or, pour les avocats d’Omar Raddad, cette pièce avait incontestablement son importance.

 

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