Les confessions du pape dans l'avion de la RAM vers Rome

Le pape a conclu son voyage de 27 heures au Maroc avec une allocution de 45 minutes dans l'avion qui le ramenait à Rome. Au menu de cette conférence de presse : la liberté religieuse dans les pays musulmans, la fomentation du populisme et les scandales d'abus sexuels agitant l'Église catholique.

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Le pape François dans l'avion qui le ramenait vers Rome à l'issue de sa visite au Maroc, le 31 mars. Crédit: AFP

Comme le veut la tradition, le pape François a rallié Rome à partir d’un avion appartenant à la compagnie aérienne nationale du pays qu’il a visité le 31 mars. C’est donc à bord d’un avion de la Royal Air Maroc que le souverain pontife s’est rendu vers la capitale italienne à l’issue de sa visite de 27 heures au Maroc. Sur le trajet du retour, le pape s’est prêté au jeu des questions/réponses avec une poignée de journalistes. Au coeur des échanges : l’immigration illégale et la liberté religieuse, des thèmes déjà évoqués lors de ses nombreuses allocutions à Rabat. François Ier s’est aussi exprimé sur les affaires d’abus sexuels dans l’Église catholique. 

L’immigration illégale, la “patate chaude” que les États se refilent

Le pape François a indirectement admonesté le président américain Donald Trump, avertissant que ceux qui ferment les frontières “deviendront prisonniers des murs qu’ils construiront”. Il s’exprimait en ces termes alors que le président américain a menacé vendredi de fermer la frontière avec le Mexique, accusant le pays d’inaction dans la lutte contre l’immigration illégale. Des mots qui font écho au discours du pape dans le centre Caritas diocésain, dans lequel il a longuement parlé du Pacte mondial pour une migration sûre, reprenant sa chère expression de “maison commune” pour décrire la planète.

Le pape François, qui avait suggéré en 2016 que Donald Trump n’était “pas chrétien”, a également été interrogé sur la politique migratoire du gouvernement espagnol. “Je n’arrive pas à accepter autant de cruauté et de noyades en Méditerranée”, a déclaré le souverain pontife. Il a également ajouté qu’il comprenait que certains pays se soient retrouvés avec “la patate chaude”, tandis que les autres tournaient le dos.

Les barbelés et les murs ne sont “pas une façon de résoudre le grave problème de la migration”, a déclaré le pape François. Evoquant sa rencontre avec le Premier ministre grec Alexis Tsipras, il a déclaré: “Il m’a dit cette phrase : ‘les droits de l’Homme passent avant les accords’. Et cette phrase mérite un prix Nobel”.

Liberté religieuse, silence ça pousse

Sur le vol de retour, le pape a avoué que ses visites au Maroc et dans d’autres pays musulmans n’avaient pas encore porté leurs fruits, mais qu’on “voit beaucoup de fleurs qui donneront des fruits”.

Il est notamment revenu sur la déclaration conjointe signée en février à Abou Dhabi comme un signe de paix et de fraternité. Il a aussi évoqué l’appel à conserver le caractère multiconfessionnel de Jérusalem, ville sainte pour les trois grandes religions monothéistes. Un appel qui a fait l’objet d’une déclaration signée avec le roi Mohammed VI, peu après l’arrivée du souverain pontife au Maroc le 30 mars.

Un document signé par “des frères croyants qui souffrent de voir cette ville d’espérance manquer de l’universalité que tous réclament : juifs, musulmans et chrétiens”,  a expliqué le pape François. Le chef de l’Eglise catholique a expliqué qu’au Maroc,  cette fraternité était palpable : “Vos leaders religieux sont fraternels, ouverts, ceci est une grâce”.

Quant aux chrétiens marocains, le pape est resté plutôt vague. “La liberté de culte croît. Et nous aussi, nous devons continuer à croître”, a-t-il commenté, évoquant les schismes au sein de la religion catholique elle-même : “Il y a des gens, des catholiques, qui n’acceptent pas ce que le Vatican II a dit sur la liberté de culte, la liberté de conscience. Nous aussi, nous avons ce problème. Je veux le dire clairement : dans chaque religion, il y a toujours un groupe d’intégristes qui ne veut pas aller de l’avant”. 

Le pape s’est aussi épanché sur la tentation du populisme en Europe, et plus précisément sur les récents propos du ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini. Ce dernier a déclaré que “le véritable danger, c’est l’islam”, lors d’une réunion anti-avortement à Vérone. Ce à quoi le souverain pontife  a répondu, secouant la tête : “La politique italienne, je ne comprends pas”Et de conclure : “La peur est le début de la dictature”.

Abus sexuels dans l’Eglise : assumer la responsabilité 

Une question qui ne pouvait pas être évitée : celle des affaires d’abus sexuels dont les révélations n’en finissent plus de plomber le pontificat du pape François et d’éroder la confiance des fidèles.

Le pape François est revenu sur son rejet de la démission du cardinal Philippe Barbarin, condamné en France à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé des agressions sexuelles commises par un prêtre sur des mineurs. Sur ce dossier, il a notamment invoqué la “présomption d’innocence”.  “Lorsque la sentence du procès en appel arrivera, on verra. Peut-être qu’il n’est pas innocent”, a-t-il ajouté.

Pour la première fois, le pape a explicitement commenté sa décision — qui avait pris tout le monde de court en novembre 2018 — de reporter la Conférence des évêques catholiques des États-Unis qui devait voter les dispositions très attendues de lutte contre la pédophilie dans l’Église.

Il a déclaré que les propositions ressemblaient “trop” à celle d’une ONG et ne prenaient pas en compte la nécessité de faire face au “mystère du mal”, à l’origine de nombreux abus sexuels cléricaux. “C’est un problème concret que nous devons résoudre de manière concrète (…) L’Eglise n’est pas une église congrégationaliste”, a insisté le pape. “C’est une église catholique, où l’évêque doit assumer la responsabilité, à la manière d’un pasteur”.