Les enquêtes d’opinion promettent au parti historique de Nelson Mandela de conserver une majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale, synonyme de nouveau mandat à la présidence pour son numéro un Cyril Ramaphosa. Tout au long de la journée, des millions d’électeurs se sont pressés dans les 23.000 bureaux de vote du pays, qui devaient sceller leurs urnes à partir de 21h00 (19h00 GMT).
Le chef de l’Etat sortant a voté en fin de matinée dans son township natal de Soweto, dans la banlieue de Johannesburg, au milieu d’une cohue de partisans et de journalistes. « Je suis passionnément confiant (…) la nation et notre peuple sont enthousiastes à l’idée de voter », a déclaré Cyril Ramaphosa, promettant « une nouvelle aube, un nouveau départ, un nouvel espoir » aux nombreux déçus de son parti.
Vainqueur de tous les scrutins qui ont suivi la chute de l’apartheid et l’avènement de la démocratie il y a un quart de siècle, l’ANC a vu sa popularité plonger sous le règne rythmé de scandales de son prédécesseur Jacob Zuma (2009-2018). « Le parti au pouvoir n’a rien fait pendant vingt-cinq ans« , a résumé Luzuko Bota, un électeur du bidonville de Gugulethu au Cap. « Nous vivons toujours dans des taudis« . Aux élections locales de 2016, l’ANC a réalisé son plus mauvais score national en recueillant 54% des voix, cédant en outre le contrôle de villes comme Johannesburg et Pretoria.
Les sondages créditent le parti au pouvoir de 51 à 60% des voix, moins que les 62,5% recueillis aux législatives de 2014. Depuis qu’il a pris la tête du parti et du pays il y a un peu plus d’un an, Cyril Ramaphosa, 66 ans, a reconnu les « erreurs » de son parti et promis d’éradiquer la corruption et de relancer l’économie, qui souffre d’une croissance atone depuis la crise financière de 2008. Considéré comme intègre, pragmatique et compétent, l’ancien syndicaliste devenu millionnaire, un temps considéré comme le dauphin désigné de Nelson Mandela, a semble-t-il réussi à limiter le déclin de l’ANC. « Il est de loin le candidat le plus populaire« , estime l’analyste Collette Schulz-Herzenberg, de l’université de Stellenbosch. Mais, tout au long de sa campagne, il a été confronté à la déception, voire à la colère d’un pays désenchanté.
Le chômage y a atteint des proportions endémiques (27%), la corruption gagné le plus haut sommet de l’Etat et les inégalités sociales et la pauvreté s’y creusent. L’an dernier, un rapport retentissant de la Banque mondiale a même fait de l’Afrique du Sud « un des pays les plus inégalitaires » de la planète. L’opposition n’a pas manqué de surligner ces échecs et exhorté les électeurs à tourner la page. « J’appelle le peuple de ce pays à voter en masse aujourd’hui. Changeons les choses« , a lancé le chef de file de l’Alliance démocratique (DA) Mmusi Maimane, 38 ans, en votant tôt à Dobsonville, dans la banlieue de Johannesburg.
Le patron des Combattants pour la liberté économique (EFF) Julius Malema, 38 ans, a de son côté prôné une « révolution », notamment par l’expropriation sans indemnisation des terres encore détenues par la minorité blanche. « Si vous avez besoin de changement, les EFF sont la solution« , a lancé leur « commandant en chef » après avoir glissé son bulletin dans une urne de sa ville natale de Sheshogo (nord-est).
Malgré ce terrain favorable, les deux partis ne semblent toutefois pas en mesure de faire tomber l’ANC. Handicapée par son image de « parti de Blancs », la DA peut espérer, selon les enquêtes d’opinion les plus favorables, 24 à 25% des suffrages (contre 22% en 2014). Quant aux EFF, ils ont le vent en poupe chez les jeunes et les plus démunis et pourraient doubler leur score d’il y a cinq ans. Mais leur discours radical ne devrait pas leur permettre de dépasser la barre des 15%.
La seule surprise du scrutin pourrait venir mercredi des élections régionales, où l’ANC est menacé dans plusieurs provinces. Quel que soit le score réalisé par l’ANC, la tâche de Cyril Ramaphosa s’annonce délicate. Les analystes lui prédisent les pires difficultés pour réaliser les réformes qu’il a promises pour relancer l’économie et nettoyer l’Etat de la corruption.
La faute au clan Zuma, anticipent-ils, toujours puissant au sein du parti. « L’ANC que nous présumons victorieux ne relèvera pas ces défis à cause de ses divisions internes », résume Lumkile Mondi, de l’université du Witwatersrand à Johannesburg.
Les premiers résultats du scrutin, sans incident notable, devraient être publiés dès jeudi par la Commission électorale (IEC). Le futur président, élu par les 400 députés, sera investi le 25 mai.