L’agriculture bio, l'autre parent pauvre du Plan Maroc Vert

Le Plan Maroc Vert, qui se termine en 2020, ne remplit pas ses objectifs de production bio. Mais l'intérêt des investisseurs pourrait enfin faire décoller la filière.

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L’Assurance multirisque climatique est le fruit d’un partenariat entre la MAMDA et le ministère de l’Agriculture. Crédit: AFP

On peut faire beaucoup mieux », affirme Slim Kabbaj, le patron des magasins Green Village à propos de l’agriculture bio. Instauré en 2011 par le ministère de l’Agriculture, le plan Maroc Vert fixait un objectif de 40.000 hectares de cultures biologiques selon les standards européens et marocains. Mais nous voilà quelques mois avant la fin du plan, et seulement 9.850 hectares seraient aptes à la production, selon les plus optimistes. Les cultures bio ont doublé depuis 2010, avec 4.000 hectares à l’époque, mais cette croissance reste à relativiser.

« Le Maroc peut devenir une puissance exportatrice du bio et s’imposer sur le marché mondial. » Sébastien Couasnet, le directeur général de la multinationale du bio Éléphant Vert, producteur des biofertilisants et de biopesticides, est pourtant convaincu du potentiel marocain.

Le Maroc, mauvais élève de l’agriculture bio dans la région

« Pour comparaison, la Tunisie a entre 300.000 et 400.000 hectares de bio, et la Turquie possède le double. On a moins de 5% de croissance au Maroc depuis 10 ans et seulement 400 opérateurs, c’est très peu », déplore Slim Kabbaj, en comparant le pays aux 20% de croissance dans l’Union européenne. A la tête de l’association CBIO, qui a mis en place avec d’autres groupes le premier salon Bio Expo à Casa le week-end du 22 juin dernier, l’homme d’affaire investit également dans l’entreprise Distribio et ses 900 points de vente.

Malgré le retard qu’il souligne au Maroc, la demande semble plus présente que jamais, en interne et en externe. Depuis sa ferme écologique à Dar Bouazza, Djerrari Fettouma, la fondatrice de Terre et Humanisme, explique que le bio « réalise un beau démarrage au Maroc ». De nombreux petits producteurs en permaculture fournissent Casablanca et sa région en fruits et légumes, dans un circuit de proximité. « La demande est de plus en plus exigeante puisque les consommateurs ont des problèmes de santé à cause des pesticides », observe Djerrari Fettouma. Selon cette militante, le vrai changement doit s’opérer chez les petits producteurs, qui s’occupent de 70 % des cultures marocaines : « Il faut les sensibiliser, les former et accompagner leur transition vers le bio. »

Même son de cloche du côté de la Fédération interprofessionnelle du bio, la FIMABIO. Abdelhamid Aboulkassim, le président, sent « un intérêt très important des consommateurs et des investisseurs depuis fin 2017, mais l’offre n’est pas encore élastique, il y a trop d’attente ». Et pour cause, afin de se conformer aux normes d’agriculture bio européenne et à la nouvelle loi marocaine sur la certification des produits, les agriculteurs doivent s’adapter. « Le sevrage des sols pour éliminer les pesticides prend environ deux ans », justifie le président de la fédération, qui travaille dans le bio depuis 11 ans. « L’objectif des 40.000 hectares n’était pas réaliste du tout », reprend-il. Sa fédération FIMABIO, financée par le ministère de l’Agriculture, reposait sur du travail bénévole et n’a pu recruter de l’aide qu’à partir de ces derniers mois. « On a eu peu de temps à consacrer à certains dossiers et on a traversé de nombreuses difficultés techniques », déplore Abdelhamid Aboulkassim.

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Indicateurs au vert pour les investisseurs

Un manque de volonté politique ? Pour le patron de Green Village, il s’agit surtout d’un démarrage tardif. « La réglementation du bio a pris du temps, entre la création d’une commission, la loi, les différents décrets, la mise en place du logo Bio Maroc… », reprend Slim Kabbaj. Il explique que si des pays comme la Tunisie ou la Turquie ont bénéficié de fortes subventions pour entreprendre dans le bio, ce n’était pas encore le cas au Maroc. Pour un producteur, se faire certifier Bio Maroc ou Ecocert par l’Union Européenne coûte cher.

Le ministère devrait cependant commencer à prendre majoritairement en charge la procédure dans les mois qui viennent, selon Slim Kabbaj. « Il ne faut pas oublier d’accompagner les agriculteurs dans la production et les aider financièrement à s’adapter, et je vous garantie qu’ils vont y aller en courant », assure l’entrepreneur. Selon lui, de grands groupes agroalimentaires comme Lukus et ses 1000 hectares, convertissent leurs productions pour se conformer à un marché interne marocain et répondre à la demande du bio dans l’UE.

« On sent que le secteur du bio est pressé et développe une vraie ambition pour rattraper son retard. » Sébastien Couasnet, le directeur général d’Éléphant Vert, affirme avoir « confiance à 200% dans le Maroc, où il y a une vraie prise de conscience dans le secteur du bio. » La multinationale s’est engagée avec la FIMABIO pendant le dernier Salon de l’Agriculture à développer la filière et à encourager les agriculteurs à convertir leurs productions. Optimiste, Elephant Vert a déjà investit plus d’un milliard de dirhams au Maroc depuis 2012 et prévoit d’injecter plus de 300 millions de dirhams supplémentaires dans le marché du bio ces cinq prochaines années.