Massire, "le chemin" d'une nouvelle gestion de l’eau au Maghreb

Au début du mois, était lancé à Rabat un grand projet pour la gestion de l’eau en zone rurale au Maghreb. Baptisé “Massire”, il devrait s’étaler sur quatre ans pour former les populations locales à une utilisation plus fructueuse de l’eau, et à un développement du patrimoine rural.

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Photo d'illustration. Crédit: AFP

Le nom du projet, Massire, est à double sens. Composé de “Ma” pour Maghreb, “ssi” pour système d’innovation, et “re” pour ressources en eau, les porteurs du projets le lie aussi à la notion de “chemin” en arabe. Cet intitulé vise à simplifier des termes trop techniques qui distanceraient le public de ce projet encadré par de nombreux acronymes. Il entend aussi appeler un esprit de solidarité nécessaire à la survie du projet. L’initiative est conduite autour d’une même volonté : développer de manière participative la gestion de la ressource hydrique en zone rurale par la recherche et l’utilisation de technologies innovantes. Le projet, qui couvre l’ensemble de la région du Maghreb, est piloté par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

Une coopération internationale

Financée à 70% par le Fonds International de Développement agricole (FIDA) avec la somme de 2 millions de dollars, l’initiative est née en avril 2016 lors d’un séminaire à Zagora qui avait rassemblé des chercheurs et acteurs du développement. “Nous souhaitions intensifier les projets dans les zones rurales, et cherchions à diriger nos étudiants vers elles plutôt que vers les plaines ou la côte”, explique Marcel Kuper, coordinateur du projet au Maghreb.

Un consortium d’institutions dans tout le Maghreb travaillera en collaboration avec d’autres organismes basés en France. L’École Nationale de l’Agriculture de Meknès (ENA) et l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat (IAV) représenteront le Maroc. Le gouvernement marocain supporte le projet “par le biais de ses institutions nationales”, précise Marcel Kuper.

Une localisation oasienne

La problématique de la gestion de l’eau reste une question vitale dans la région du Maghreb. Au Maroc par exemple, ce que le Conseil économique social et environnemental (CESE) décrit comme “l’hétérogénéité spatiale prononcée” des ressources en eau porte préjudice à nombre de Marocains et particulièrement à ceux vivant en zones rurales et arides. “Les directives issues de l’allocution royale prononcée à l’occasion de la neuvième cession du Conseil supérieur de l’eau et du climat en 2001 s’inscrivent distinctement et explicitement dans la logique de ‘l’eau et l’assainissement, un droit pour tous’. Elles sont incorporées dans une vision stratégique de développement durable, confortées et prônées par divers textes législatifs ou des accords ratifiés par le Maroc”, poursuit le CESE.

L’accès à l’or bleu reste difficile dans certaines parties isolées du pays, et les relevés menés dans le Royaume depuis les années 1970 soulignent un phénomène de réchauffement climatique de 4°C. Le niveau des précipitations quant à lui a baissé de 22% depuis 1970, selon une étude menée par le chercheur Mohammed Hanchane. Le Maroc fait partie des 45 pays les plus touchés par les pénuries d’eau, selon les données de 2016 de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). L’investissement dans la gestion de l’eau est donc urgent.

Un projet en trois étapes

Le projet Massire se décline en trois phases d’actions étalées sur quatre ans. La première étape a débuté ce mois-ci à Rabat. Une grande tournée de benchmarking marquera le début du programme, afin de caractériser et identifier les innovations en irrigation intéressantes pour le projet. “L’innovation ne vient pas forcément de très loin”, précise Marcel Kuper. Le coordinateur du projet souhaite par la même occasion valoriser le patrimoine rural, tout en collaborant avec l’expertise scientifique apportée par les centres de recherche partenaires en France.

La seconde étape validera les initiatives retenues avec les acteurs du terrain. Il sera alors question de procéder à des tests, avant de passer à la phase de mise en œuvre avec formation et accompagnement des jeunes des milieux ruraux. Une réflexion sur les problèmes de pénurie d’eau, mais aussi sur sa qualité sera développée.

Un axe de recherche sur la réutilisation des eaux usées est également prévu. Il en découlerait une utilisation circulaire de la ressource. Marcel Kuper précise que Massire est un projet ‘boîte à idées’, en amont de projets d’investissements : avec une réflexion, des vérifications sur le terrain et une application en fonction de l’efficacité testée.

Un investissement sur le long terme

Les étudiants et acteurs de la ruralité pourront bénéficier de formations gratuites, et potentiellement de bourses pour financer un master dans le domaine”, explique Naoufel Telahigue, directeur du FIDA au Maroc. Cette implication du Fonds s’inscrit sur le long terme, puisqu’il investit dans la formation de jeunes et d’acteurs directs des zones rurales.

Les ateliers et stages sont encore en phase d’organisation. L’ENA de Meknès organisera cependant début juillet un stage collectif dans le sud du Maroc en terre oasienne, dans le cadre de la première composante d’identification benchmarking du projet. Marcel Kuper souligne : “il y aura un développement rural sur l’aspect agricole, mais aussi dans les produits du terroir, pour que les lieux deviennent plus vivants et plus vivables. Il faut comprendre la problématique de l’eau dans sa globalité. L’aspect agroécologique fera également partie du projet.