Deux journalistes du Desk, Omar Radi et Imad Stitou, ont été interpellés avant d’être embarqués par les forces de l’ordre, ce dimanche 5 dans la soirée, devant un établissement casablancais rue Chaouia. D’après la rédaction du Desk, c’est “suite à une altercation avec un caméraman de Chouf TV venu les harceler”, que les deux hommes ont été appréhendés, “moins d’une minute plus tard”, par un fourgon de police “qui se trouvait stationné à l’angle de la rue”.
D’après le porte-parole de la DGSN contacté par l’AFP, Omar Radi et Imad Stitou ont été placés “en garde à vue sur instruction du parquet après un incident survenu hier soir vers 23 h 30” pour des faits d’“ivresse publique” et de “violence”.
Les deux journalistes sont poursuivis en état de liberté et doivent comparaître devant le tribunal de première instance de Casablanca le 24 septembre. Ils sont accusés d’ivresse sur la voie publique, insultes et enregistrement vidéo d’une personne sans son consentement concernant Imad Stitou. Les mêmes chefs d’accusation ont été retenus contre Omar Radi, en plus de faits de violence.
Le cameraman de ChoufTV.ma et son épouse seront quant à eux poursuivis pour insultes et enregistrement vidéo d’une personne sans son consentement en vue de nuire à sa vie privée.
Filature
Le journaliste et militant des droits de l’Homme Omar Radi, 33 ans, est suspecté par les autorités marocaines, depuis le 24 juin, d’entretenir des “liens avec un officier de liaison d’un pays étranger” — britannique en l’occurrence — ainsi que d’avoir bénéficié de “financements de l’étranger”.
Des soupçons largement relayés par une certaine frange de sites électroniques marocains, en marge de la publication d’un rapport d’Amnesty International. L’ONG y relevait que le journaliste et militant avait fait l’objet d’une surveillance numérique accrue entre janvier 2019 et fin janvier 2020.
C’est justement l’un de ces pure-player, ChoufTV.ma, qui est au cœur de la récente arrestation d’Omar Radi, ainsi que de son collègue et confrère Imad Stitou.
D’après LeDesk, c’est devant la porte de l’établissement qu’un caméraman de ChoufTV a essayé de filmer les deux journalistes. “Le caméraman s’était garé à bord d’une Clio à l’entrée du pub en compagnie de son épouse, également journaliste à Chouf TV, et de leur enfant”, écrit LeDesk. “Constatant que le caméraman de Chouf TV avait l’intention de les filmer, les deux journalistes ont tenté de faire de même à l’aide de leurs smartphones, rapportent les témoins de la scène que LeDesk a pu interroger. C’est alors que l’employé de Chouf TV est descendu de sa voiture pour vociférer dans la rue, accusant Radi et Stitou de l’avoir agressé alors qu’il se trouvait en présence de sa famille.”
Dans la foulée, Omar Radi et Imad Stitou ont été très rapidement appréhendés par les forces de l’ordre. Dans un communiqué publié dans la soirée, ChoufTV accuse les deux journalistes du Desk de tentative “d’intimidation” ainsi que de s’en être pris “verbalement et physiquement” à leur caméraman.
Une version que les concernés réfutent. L’après-midi même, Omar Radi avait remarqué qu’un véhicule l’avait pris en filature, comme le mentionne sa rédaction.
Espionnage et demande de preuves
Cette arrestation intervient au lendemain d’un nouvel échange entre le Maroc et Amnesty International, depuis les révélations de l’ONG sur le présumé espionnage dont Omar Radi fait l’objet par les autorités du Royaume.
L’enquête d’Amnesty, reprise par le consortium de médias Forbidden Stories qui comprend entre autres le journal Le Monde, le Washington Post et le Guardian, pose la loupe sur la façon dont le smartphone du militant a été infiltré et la manière dont ses informations personnelles ont été extraites et utilisées à son encontre. Le procédé : une cybersurveillance que permet le très controversé programme israélien “Pegasus”.
Le gouvernement marocain, par l’intermédiaire du ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, avait demandé à Amnesty International de “fournir des preuves claires” sur les “allégations contenues dans ce rapport”. Amnesty International a répondu, sur son site Internet le 4 juillet : “les preuves techniques”, récupérées sur le téléphone d’Omar Radi, indiquent “clairement que Pegasus a été installé avec une forme particulière d’attaque numérique identifiée dans nos rapports comme une injection de réseau”. Un biais qui a nécessité une “influence sur les opérateurs téléphoniques que seul peut exercer un gouvernement pour pouvoir pirater la connexion Internet”.
Le 24 juin, la justice a ouvert une enquête contre Omar Radi sur ses présumés “financements de l’étranger en lien avec des services de renseignement”. Des accusations que le principal intéressé a réfutées dans un communiqué publié le 4 juillet sur son compte Facebook, arguant qu’il n’a “jamais été, et ne serait jamais au service d’un pouvoir étranger”.
“Dans le cadre de cette enquête menée par la BNPJ, j’ai répondu à deux convocations, les 25 juin et 2 juillet 2020. Aucune question sur un supposé agent de renseignement ne m’a été posée”, a-t-il publié. Et d’ajouter : “Il est très courant pour les journalistes, notamment spécialisés dans les affaires économiques, de produire ce type de travaux de due diligence, qui consistent en des enquêtes liées à un secteur ou une entreprise donnés. Ceci n’a rien à voir avec le monde du renseignement.”