#Mafia_Lekjaa : aux origines d’un hashtag qui inonde les murs casablancais

La roue de la Botola s’apprête à reprendre ce 27 juillet au soir avec un match en retard qui compte pour la 9e journée, opposant le Difâa d’El Jadida au Raja de Casablanca. Avant son coup d’envoi, ce match de la discorde a déclenché une vague de protestations, dont témoignent encore les murs des grandes artères de Casablanca.

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Winners 2005

Samedi dernier, les murs des grandes artères de Casablanca avaient deux points en commun. Leur peinture blanc-pâle habituelle, et un hashtag #Mafia_Lekjaa. Écrite en grand, noir sur blanc, l’inscription tape à l’œil. Mais pourquoi le nom du président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) est-il lié au terme “mafia”, dans un hashtag qui a envahi les réseaux sociaux et plusieurs murs du royaume ?

Dans un communiqué publié ce 25 juillet, les Winners, groupe d’ultras supporters du Wydad, revendiquent les faits sur les réseaux sociaux, et assurent même que ce n’est que le début d’une longue série de protestations contre le président de la FRMF et son entourage, qu’ils qualifient de “corrompus”.

#مافيا_القجع إن كنت مواطنا داخل هذه المملكة السعيدة، أو مهاجرا في بعض الدول بجنوب القارة العجوز، فحتما صادفت عيناك…

Publiée par Winners 2005 sur Samedi 25 juillet 2020

Le match qui fait déborder le vase

Qu’est-ce qui a déclenché cette vague soudaine de protestation ? Pour le savoir, il faut revenir à la période avant coronavirus, et l’histoire d’un match en retard opposant le Difâa d’El Jadida au Raja de Casablanca, rival historique du WAC. En déplacement en Algérie pour affronter le Mouloudia d’Alger pour le compte de la Coupe Mohammed VI, puis la Jeunesse de Kabylie en Ligue des Champions CAF trois jours plus tard, le Raja ne s’est pas présenté pour jouer la rencontre prévue le 7 janvier pour le compte de la 9e journée du championnat.

En revanche, le DHJ ainsi que le corps arbitral étaient bien présents sur la pelouse du stade El Abdi, malgré les multiples demandes de report du club casablancais, qui avait donné un accord pour jouer le match en temps voulu, avant de se rétracter, et créer la discorde.

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Ce dernier a pris cette décision en s’appuyant sur l’article 21 du règlement qui régit les compétitions nationales interclubs. L’article dispose qu’un intervalle de trois jours (minimum) est requis avant la programmation d’une nouvelle rencontre si le club en question a joué à l’étranger. “On se base sur l’article 21 du règlement qui régit les compétitions nationales. On a joué notre dernier match à Blida en Algérie, il nous faut trois jours d’intervalle minimum avant notre prochain match. On a envoyé un courrier à la LNFP le 21 décembre, puis un second le 24 du même mois, avant de faire une troisième requête le 4 janvier, sans réponse”, nous précisait Said Wahbi, le porte-parole du Raja, à l’époque du conflit.

Aucune décision n’avait été rendue publique. La Ligue nationale de football professionnel présidée par Said Naciri (également président du WAC ndlr) n’a pas tranché. À quelques semaines de la reprise, un document officiel actant que le Raja est perdant sur tapis vert fuite sur internet, pour avoir ensuite un effet boule de neige.

Dans la foulée, la FRMF publie un communiqué qui révèle que l’instance a déposé plainte auprès des instances compétentes pour ouvrir une enquête et déterminer les responsables de la fuite, sans confirmer la décision. Quelques jours plus tard, la Fédération annonce que le match en retard sera rejoué ce lundi 27 juillet.

Le DHJ a protesté en tant qu’adversaire direct du club casablancais. Tandis que des supporters du Wydad, leader du championnat (18 matchs joués, 36 points) voient en cette décision une façon de favoriser leur rival historique, qui revient dans la course au titre en cas de victoire alors que pour l’instant le Raja (avec 15 matchs joués) pointe à la 6e place avec 28 points.

Un vase déjà plein

Le communiqué des Winners sous-entend que la décision favorable aux Verts n’est ni plus ni moins qu’une goutte qui a fait déborder un vase plein depuis la finale de la Ligue des Champions 2019, et le scandale de la VAR qui l’avait marqué. Une partie des supporters rouges accuse le président de la FRMF d’avoir délaissé le WAC dans sa bataille juridique contre le camp tunisien qui était fortement soutenu par la fédération de football locale.

Le concerné c’était pourtant défendu dans les colonnes de TelQuel en décembre dernier, estimant qu’il a fait tout son possible pour défendre les intérêts du club marocain. “(…) J’ai pris l’avion pour Paris le jour de l’Aïd Al Fitr, j’ai bataillé pour le WAC alors que les gens profitaient de ce moment en famille. En face, le président de la Fédération tunisienne est arrivé entouré de plus de 15 personnes, dont des avocats. J’avais à cœur de défendre le Wydad et je reste convaincu qu’il est la victime dans cette histoire”.

Concernant son absence remarquée au moment où l’affaire était étudiée au TAS, le patron de la FRMF a expliqué qu’il a tout juste répondu favorablement à une requête du président du Wydad, Said Naciri. “J’ai contacté le président du Wydad et lui ai demandé : “Voulez-vous que je reste et que je porte l’affaire ?” Il m’a répondu que des contacts avaient déjà été noués, et que des choix avaient été faits au niveau du club. J’ai alors formulé une autre proposition : “Avez-vous besoin des avocats de la Fédération ?” On m’a répondu oui, j’ai donc mis nos juristes à la disposition du Wydad. Que pouvais-je faire de plus ? Si je m’immisce davantage, on va dire que c’est Fouzi qui gère le Wydad. On ajoutera ‘d’où vient-il ce Berkani pour gérer un club d’envergure nationale’ ? Les titres de la presse auraient été dans ce sens”, nous révélait Lekjaa, un brin agacé.

Près d’une année plus tard, la décision de rejouer le match du rival contre le DHJ est venue faire déborder un vase déjà plein. “La mafia Lekjaa est un titre large d’une horrible histoire de corruption. Ses héros ? Des personnalités de partis bien connues, des hommes d’État dans des institutions sensibles, accompagnés de leurs enfants, des avocats et des juristes, des défilés et des membres des comités de la Ligue (l’épouvantail fantôme sans intérêt) et la fédération, puis de nombreuses plateformes de presse pitoyables et corrompues. Des médias bon marché. Ces personnes, au lieu de remplir leurs devoirs avec sincérité, dévouement et patriotisme… ont choisi de donner la priorité à leur affiliation verte, ils ont donc continué à agir et à marcher selon leur passion, frappant contre le mur tous les principes professionnels et éthiques”, note une partie du communiqué sanglant des Winners dans lequel le groupe revendique tous les tags qui sont apparus sur les murs de plusieurs villes du royaume.

Tous contre Fouzi Lekjaa

Dans leur communiqué, les Winners crient au scandale et dénoncent des pratiques qui rayent le principe d’équité, au bord des règlements de comptes personnels, dont le plus grand perdant est le football national.

Le groupe Winners, dans un premier temps, a présenté la corruption qui ronge le football marocain à travers une campagne murale, cette dernière était suffisante et adéquate pour pousser chaque citoyen marocain qui lit (mafia Lekjaa) partout, à s’interroger. Ce n’est pas un secret, l’écriture sur les murs est le dernier moyen des masses opprimées pour s’exprimer”, poursuit le communiqué du groupe, qui a déjà utilisé les murs de la capitale économique pour pousser l’ancien président du Wydad, Abdelilah Akram, à démissionner.

D’après des sources proches du groupe supporter des Rouges, ces derniers estiment que le président de la FRMF tire toutes les ficelles, y compris celles de l’arbitrage qui défavorise le club champion du Maroc. Les supporters du Wydad ne sont pas les premiers à pointer du doigt le président de la FRMF, Fouzi Lekjaa en l’accusant de favoritisme. Les supporters de l’AS FAR se sont mêlés au mouvement de protestation initié par les Rouges.

Lekjâa est aujourd’hui accusé de favoriser le Raja pour des raisons “politico-footballistiques”. Sauf que les supporters de l’équipe verte de Casablanca l’accusaient de favoriser le camp rouge, il y a quelques mois, pour les mêmes raisons. On prend donc les mêmes, et on recommence… en attendant la fin du bras de fer.