Le Covid sans stress

Face à la pandémie, les psychiatres Jamal Chiboub et Nadia Kadiri expliquent les risques de troubles psychologiques et les manières d’y répondre.

Par

L’infiniment petit, un virus, a mis à rude épreuve nos nerfs et ceux de l’humanité entière et a bousculé beaucoup de nos certitudes.”

Des peurs et des hommes, Jamal Chiboub et Nadia Kadiri, Le Fennec, 192 p., 98 DHCrédit: DR

Incertitude générant tout un spectre d’émotions allant du stress à l’angoisse, insomnie, troubles obsessionnels compulsifs, voire syndrome de stress post traumatique… Les manifestations de la perturbation mondialement occasionnée sont nombreuses.

Spécialistes de thérapies cognitives et comportementales, Jamal Chiboub et Nadia Kadiri font, dans ce petit manuel, le tour de ces troubles de la santé mentale, qu’ils expliquent et permettent de reconnaître. Ils proposent également des moyens de prévention et de soulagement.

«Des peurs et des hommes»

Jamal Chiboub, Nadia kadiri

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Ressources en soi

Leur approche de la pandémie s’inscrit dans une analyse globale de son histoire, depuis son apparition en Chine, quand elle était alors perçue comme très lointaine, jusqu’au bouleversement de nos vies imposé par le confinement et les mesures barrière.

Jamal Chiboub
Jamal Chiboub.Crédit: DR

“L’imprédictibilité et le sentiment de manque de contrôle et d’efficacité sur les évènements sont deux facteurs déterminants dans l’acuité du stress”, rappellent-ils, de même que “l’impuissance de la médecine à prévenir et à traiter le mal”.

Ils soulignent également les ravages de discours reposant sur un “réflexe narcissique” de type “ils exagèrent quand même, nous on n’a pas peur”, sur un “mode de pensée intuitive”. Or, insistent-ils, dans les conditions extrêmes, trois conditions sont nécessaires à la survie d’un groupe : avoir un cap, un fonctionnement organisé et un modèle moral.

Le contexte actuel, marqué par la brutalité de cette apparition et l’ampleur de ses conséquences, implique l’enchevêtrement des facteurs de stress : psychologiques, sociaux, économiques et biologiques.

Nadia Kadiri en 2010
Nadia Kadiri est professeure de psychiatrie.Crédit: AFP

Dans une première partie, les auteurs font l’inventaire de différents symptômes, physiques, cognitifs, émotionnels, comportementaux survenus pendant le confinement. Ils identifient les facteurs aggravants et ceux qui en facilitent la maîtrise et en détaillent l’évolution : alarme, résistance au stress, épuisement… Dans la seconde, ils détaillent quelques pathologies, en s’appuyant sur quelques exemples précis.

On regrettera que les auteurs s’étendent trop souvent sur des généralités. De même, l’inventaire des comportements positifs qu’ils invitent à adopter à titre préventif pourra paraître comme un rappel d’évidences pleines de bon sens. Cependant, l’intérêt de ce livre, délibérément grand public, est de rappeler la place centrale de la perception de chacun et de souligner la zone de transition entre un ressenti normal et une pathologie.

“Les professionnels de la santé mentale anticipent que le confinement laissera des séquelles psychologiques à prendre en charge en post-confinement”, concluent-ils, en avertissant qu’il n’y a “aucune recette miracle” et appelant chacun à puiser dans ses ressources pour trouver sa propre réponse.

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Dans le texte: Toc et Non Toc

Le sujet normal : notre responsabilité consiste à faire ce que préconisent les médecins, lavage des mains, distanciation, etc. Nous savons que ces mesures réduisent fortement le risque mais que le risque zéro n’existe pas, on récite quelques prières et on passe à autre chose.

Notre angoisse s’estompe et nous reprenons notre vie normale jusqu’à ce que les médias se chargent de nous rappeler que nous vivons en temps de pandémie. (…)

Dans la rue déjà, le sujet Toc est sur ses gardes, il se sent dans la rue comme on se sentirait dans un service de réanimation Covid-19. Il imagine des nuages de virus qui flottent par ci par là ; une personne se balade sans masque à 30 mètres, il la verrait, un vague bruit évoquant un toussotement, il l’entendrait et en serait terrifié. (…)

Arrivé chez lui, l’idée de contamination le taraude, il pense qu’il a été très probablement contaminé et envisage le pire scénario : transmission du virus, mort…

Ces idées l’assiègent, il les considère comme très probables, il ressent une angoisse insoutenable et il n’a pas d’autre choix que de mettre donc en place pulsions et rituels parfois jusqu’à l’épuisement pour être sûr que ce qu’il craint n’arrivera pas.”