L’existence préalable de faiblesses structurelles et de vulnérabilités systémiques dans notre modèle de développement actuel qui a atteint ses limites, a exacerbé les difficultés auxquelles notre pays reste confronté, résultat notamment du retard accumulé dans des chantiers capitaux”. Voici ce que l’on peut lire dès les premières lignes d’une récente étude du Conseil économique, social et environnemental (CESE), adoptée le 22 octobre et mise en ligne ce jeudi 5 novembre.
Intitulé « Les impacts sanitaires, économiques et sociaux de la pandémie de Covid-19 et leviers d’actions envisageables », ce document pose des jalons d’intervention sur la capacité de résilience du pays, mise à nu par la pandémie de coronavirus depuis l’apparition de la crise, en mars. Un moment perçu comme “une opportunité réelle pour un changement radical de nos modes d’organisation, de gestion, de production et de consommation”, dans la redéfinition d’un nouveau modèle de développement. En clair, l’occasion de “poser les bases d’un Maroc plus juste, inclusif, résilient et prospère”.
Redéfinir le rôle de l’État
Issue d’une saisine de la Chambre des représentants, la réflexion fige 149 recommandations réparties en sept axes. 2020 étant ce que l’on sait et 2021 toujours une inconnue, le Conseil recommande avant tout de cohabiter avec le virus et ce, à différents niveaux.
Cette adaptation ne se fera pas sans viser une refonte des secteurs sociaux de base — la santé et l’éducation en tête —, du travail, ainsi que “l’adoption d’une approche active et participative dans la gestion des risques”. Une gestion qui implique tout un chacun, mais également l’entité institutionnelle dans son entièreté, appelée à “consacrer l’État de droit” : “Le souci de garantir l’acceptabilité sociale des décisions difficiles qui pourraient être prises pour faire face à la propagation de la pandémie, doit aller de pair avec le souci de pérenniser la sécurité juridique et judiciaire pendant l’état d’urgence sanitaire, au service des usagers et des justiciables.”
Un rôle nouveau pour l’État après cette crise sanitaire venue “réitérer les appels pour un retour d’un État-providence rénové sur le plan social, à savoir un État qui place le citoyen au centre de ses préoccupations”. La deuxième articulation consacre d’adapter son rôle “aux nouvelles exigences du monde post-Covid”.
Autrement dit, recalibrer les choix de politiques publiques et l’approche de gouvernance sur trois principales missions : un État assureur systémique en temps de crise, avec la mise en place d’un fonds permanent de stabilisation contre les chocs majeurs, “alimenté par différents mécanismes innovants, comme un ‘impôt sur le capital non productif’”, ou encore le prélèvement “sur le chiffre d’affaires des phosphates et dérivés lorsque le prix international dépasse un certain seuil”.
De quoi poser les bases des deux autres prérogatives, un état stratège et investisseur mais aussi “social au service du citoyen”, notamment en repensant un système de partenariat public-privé. Ce dernier permettrait “le recours à la sous-traitance dans les deux sens, la mutualisation des investissements et des ressources humaines”.
Le plus important, c’est la santé
C’est que le secteur de la santé constitue désormais le nerf de la guerre. Un système national caractérisé par une “prédominance de la médecine curative qui ne permettait déjà pas de répondre valablement aux attentes des usagers”. Le système de protection sociale, lui, s’avère “fondamentalement inadapté” et insuffisant pour atténuer “l’aggravation des maladies ou encore la hausse de la consommation des soins”.
Le CESE recommande alors de “passer d’un système de soins à un système de santé”, en revoyant notamment l’organisation du ministère de tutelle, dont les principales attributions seraient focalisées sur les missions stratégiques portant sur la régulation du secteur de la santé, la veille sanitaire, la coordination intersectorielle et la production de normes. D’autre part, de plus grandes prérogatives seraient confiées aux services régionaux de la santé, assurés de piloter les politiques, et aux structures hospitalières.
Un nouveau système dont la vitalité, pour le CESE, passerait par la mise en application d’une “médecine préventive efficace”, tout en garantissant une offre de soins de santé de qualité et une protection sociale universelle “avec pour principes la viabilité et la convergence des régimes, ainsi que des leviers à envisager pour insérer et restructurer les activités vulnérables et informelles”.
Partir de la base, pour mieux relancer
Victime de sa plus forte baisse depuis près de sept années, estimée entre 5,8 % et 6,3 %, la croissance économique nationale doit viser la relance. “Les efforts de restructuration de l’appareil productif n’ont pas permis de régler les problèmes de taille et de sous-capitalisation des entreprises nationales, mentionne le CESE. De plus, les difficultés liées à l’étroitesse de la base fiscale, compromettent les marges budgétaires de l’État et sa capacité à engager des politiques contracycliques.”
La croisée des chemins pour une économie où des “inflexions majeures” devront être opérées. Le CESE préconise alors deux temps, un premier à court terme en actionnant “des mesures préventives pour limiter la destruction des emplois et les faillites des entreprises”. Le second à moyen/long terme en procédant “à un élargissement de la base fiscale”, mais il s’agira aussi de prendre conscience de l’importance de “reconquérir le marché domestique, en identifiant des opportunités de substitution à l’importation”. Parmi les domaines stratégiques ciblés : l’industrie pharmaceutique, le secteur alimentaire ou encore le secteur énergétique, mais aussi l’écosystème de la recherche et du développement, et enfin l’innovation.
Les 7 chantiers listés par le CESE
1. Vivre avec le Covid-19 : entre les impératifs de l’urgence et la nécessité d’adaptation
2. Renforcer les trois missions fondamentales de l’État et réorienter les politiques publiques pour un Maroc plus inclusif et plus résilient
3. Passer d’un système de soins à un système de santé
4. Mettre en place un système de protection sociale généralisée et des stratégies innovantes pour réduire l’informel
5. Relancer l’économie à court terme tout en renforçant sa résilience à moyen terme face aux éventuels chocs futurs
6. Développer les secteurs stratégiques pour renforcer la souveraineté du pays
7. Mettre en place une politique nationale intégrée et globale de transformation digitale