Circulant impunément depuis toujours dans l’économie nationale, le “virus” de l’informel gangrène la société marocaine et, dans les cas les plus extrêmes, peut s’avérer mortel, comme lors du récent drame survenu à Tanger où 28 ouvriers d’une unité clandestine de textile ont trouvé la mort suite à des inondations.
L’occasion pour le Haut-Commissariat au Plan (HCP) de revenir sur ce fléau et sur les caractéristiques et les raisons qui permettent son évolution sur le sol marocain. Dans une étude publiée le 2 mars intitulée “Le secteur informel au Maroc : principales caractéristiques et tendances d’évolution”, basée sur trois précédentes enquêtes, le HCP dresse une synthèse expliquant les facteurs liés au développement de l’informel et introduit un élément nouveau : l’indicateur composite de l’informalité.
Aux origines de l’informel au Maroc
Entre 2013 et 2014, la part du secteur informel dans le volume total des emplois créés s’est élevée à 28,7 %, et sa contribution au PIB a atteint 11 %. Des chiffres qui montrent bien la présence non négligeable de cette économie souterraine dont le Maroc semble avoir du mal à se défaire.
Un mal qui ronge le Maroc depuis bien longtemps et qui a connu un pic entre 1999 et 2006, période où les créations d’unités de production informelles (UPI) ont été les plus soutenues avec une progression de 2,9 % en moyenne par an.
Une progression des UPI qui concerne principalement les secteurs des services, particulièrement la branche des transports et communications, ainsi que la restauration. Une confirmation de la tertiarisation de l’informel. Le commerce représente ainsi toujours le principal vecteur de l’économie informelle au Maroc, avec une part de 50,6 % des effectifs employés en 2013.
Caractéristiques des UPI
Les UPI sont chose courante au Maroc. Beaucoup d’usines du royaume sous-traitent une partie de leurs commandes à ces unités informelles pour s’approvisionner au prix le moins cher. Ces UPI ne sont donc pas de simples alternatives, mais semblent être véritablement intégrées aux mentalités marocaines.
Si, au cours des trois dernières décennies, les UPI ont connu une légère évolution dans la structure de leurs effectifs employés, selon le HCP, les indépendants y sont toutefois restés la catégorie professionnelle la plus importante. Ces UPI sont ainsi constituées essentiellement d’indépendants auto-employés : en 2013, 74,9 % des UPI comptaient une seule personne. Le salariat est resté faible au sein du secteur informel, note le HCP, avec une part de salariés informels ne dépassant pas 9 % de la population active totale des salariés en 2013.
Les actifs employés dans l’informel ont également conservé leur statut d’emploi, l’emploi permanent représentant 94,62 % en 2013. Des tendances qui montrent que les personnes qui intègrent l’informel le choisissent comme principale source de revenus. Ces travailleurs de l’informel étant en général des hommes, pères de famille de plus de 35 ans.
Les facteurs de développement des UPI
Pour mieux cerner les fluctuations du secteur de l’informel, le HCP a mis en place un indicateur composite de l’informalité. Cet indicateur concerne les principaux motifs de création de ces UPI. Ainsi, le HCP note que certaines variables constituent les principaux facteurs du développement de cette activité au Maroc.
La TVA est la principale composante fiscale qui influence le secteur de l’informel. Les chefs d’UPI, qui s’approvisionnent en amont auprès de fournisseurs qui eux-mêmes sous-déclarent ou travaillent dans l’informel, échappent ainsi à la facturation en mode TVA.
Les ajustements du SMIG influencent également le secteur de l’informel. L’augmentation du SMIG contraint en effet souvent les entreprises, en l’occurrence les TPE et les PME, dont les charges salariales pèsent lourdement sur le résultat net, à réduire leurs effectifs ou à ne pas les déclarer.
En revanche, une amélioration du RNB par habitant et une meilleure qualité de réglementation, qui serait moins complexe, pourraient voir l’informalité se réduire, selon le HCP.