L’année 2021 démarre en trombe pour la star de la blockchain. Le 16 février, le bitcoin a dépassé la barre symbolique des 50.000 dollars. Il faut dire que la cryptomonnaie a gagné en légitimité ces derniers mois. En octobre 2020, l’application Paypal l’a intégrée comme moyen de paiement international. Des géants de la finance, comme Fidelity, lancent des fonds d’investissement en bitcoin. De grandes entreprises, à l’image de Tesla, placent une partie de leur trésorerie dans la devise virtuelle. Si certains craignent son aspect spéculatif, d’autres vont jusqu’à définir le bitcoin comme une nouvelle valeur refuge. Dans l’espoir de ne pas se faire dépasser, de plus en plus de gouvernements s’intéressent de près aux cryptomonnaies. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), près de 80 % des banques centrales de la planète étudient la possibilité de créer leur propre monnaie digitale.
Dans l’écosystème bouillonnant de cette nouvelle technologie monétaire, deux Franco-Marocaines se distinguent par leur expertise. Depuis 2016, l’économiste Nadia Filali est directrice des programmes Blockchain de la Caisse des dépôts et pilote LaBChain, un consortium de banques et d’institutions financières dédié à la blockchain. Son objectif consiste notamment à “travailler sur les verrous et les exigences de mise en œuvre d’une blockchain à vocation industrielle”, explique la dirigeante au site de L’Agefi. Depuis 2017, elle est aussi membre du conseil d’administration de l’Agence du développement digital (ADD) du Maroc. Il s’agit d’un “outil et un catalyseur de la stratégie digitale du royaume voulue par le roi”, déroule-t-elle dans une interview pour le média camerounais Africa Presse en 2018. Elle y évoque la mise en place d’un portefeuille monétaire numérique pour permettre aux Marocains les plus pauvres d’acheter des biens de première nécessité.
À 29 ans, sa cadette Sadija Zouarhi a quant à elle été nommée parmi les 10 femmes à suivre dans la tech en 2019 selon l’association StartHer. “Blockchain architect” dans différentes entreprises, elle a fondé le Kidner Project, une initiative basée sur la blockchain pour faciliter les dons de reins, ainsi que de nombreux autres projets à impact social et associations. Une façon de transposer les connaissances acquises dans le domaine de la santé. “La blockchain n’est pas qu’une technologie. C’est aussi, et surtout, une philosophie de conception. Elle se décline sous de nombreuses formes qui permettent un changement de paradigme et comprennent des notions économiques et sociales”, estime la jeune prodige, qui est désormais une figure reconnue dans le domaine.
Les Marocains et leurs descendants, à la pointe de la science informatique ?
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations dépourvue d’organe central de contrôle. Elle permet à ses utilisateurs, connectés en réseau, de partager des données sans intermédiaire. La cryptomonnaie, comme le bitcoin, est une devise basée sur cette technologie. Créée informatiquement par un algorithme et par un protocole très précis, elle ne se matérialise pas physiquement, contrairement aux monnaies traditionnelles. La comprendre requiert donc de maîtriser les sciences informatiques. Les deux actrices du secteur, Françaises d’origine marocaine, illustrent-elles l’appétence historique des Marocains et de leurs descendants pour cette discipline ?
Il y a deux ans, Saloua Karkri-Belkeziz, présidente de l’Apebi, la Fédération marocaine des technologies de l’information, de la communication et de l’offshoring, s’inquiétait par exemple de la fuite des cerveaux du royaume vers la France. Qu’il s’agisse des développeurs, des consultants ou des architectes systèmes, les ingénieurs marocains sont souvent en première ligne. Selon un sondage du portail Rekrute.com, en 2019, 60 % des informaticiens au Maroc avaient déjà été approchés par des recruteurs à l’étranger. Pour les bacs +4, ce chiffre atteignait les 85 %. “Énormément de Marocains ont un goût pour les sciences technologiques, et les mathématiques en général. D’ailleurs, pendant ma scolarité, j’ai eu plusieurs professeurs maghrébins”, fait remarquer Sajida Zouarhi.
Les femmes apportent plus d’inclusivité au secteur des nouvelles technologies
Selon la Française d’origine marocaine, les femmes ne sont pas en reste. “Il y a de plus en plus d’étudiantes qui se tournent vers l’ingénierie. J’ai aussi l’impression que les Marocaines se mettent moins de limites face aux mathématiques. En France, il y a un schéma selon lequel les filles sont bonnes en lettres et mauvaises en maths, et l’inverse pour les garçons. Cette façon de penser impacte forcément les orientations professionnelles.” La consultante note que plus elle a avancé dans ses études et sa carrière, moins les femmes étaient présentes. Celles qui parviennent à s’imposer apportent des projets inclusifs dans un milieu masculin et privilégié.
Et les Marocaines ne sont pas les seules à innover. Sajida Zouarhi cite Jenna Zenk, une Française de 28 ans qui s’est installée à Dubaï et a créé Kindi Capital, un fonds spécialisé dans les investissements en cryptomonnaie conforme à la finance islamique. Ou encore la Camerounaise Nelly Chatue-Diop qui a fondé Ejara, une application mobile d’investissement en blockchain pour les marchés africains. “Ce sont des exemples qui prouvent qu’être en accord avec certains principes de vie ou rester connecté avec l’Afrique n’empêche pas de faire des choses incroyables”, conclut la scientifique, qui n’hésite pas à mettre en avant ses consœurs. Dans le domaine de la blockchain, si la stratégie du Maroc interroge parfois, incontestablement, sa diaspora a de quoi calmer les esprits.
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