Le ftour avec... Mehdi Mezouari (USFP) : “Nous n’avons jamais été des figurants au sein de ce gouvernement”

Le membre du bureau politique de l’USFP et ancien député de Mohammedia Mehdi Mezouari nous raconte ses petites habitudes ramadanesques à l’heure du ftour, et bien plus. Entretien.

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Mehdi Mezouari, de l'Union socialiste des forces populaires (USFP). Crédit: MAP

TelQuel : L’USFP et le PJD sont à nouveau en rupture de ban, après la dernière sortie de votre Premier secrétaire, Driss Lachgar, qui a tiré à boulets rouges sur le Chef du gouvernement. Le mois béni de ramadan n’aurait pas pu servir de trêve ?

Mehdi Mezouari : Une trêve suit une guerre. Or, on n’est pas dans un esprit de guerre. Dans la démocratie, on accepte la critique de part et d’autre. À mon avis, la sortie de notre Premier secrétaire était sensée. Il a parlé d’un gel de la majorité parlementaire et d’une absence de coordination de la part du Chef du gouvernement qui est, en même temps, chef de cette majorité. Des choses ont été dites dans une circonstance précise. Je pense que Driss Lachgar a dit des choses qu’il sentait vraiment.

C’est tout le parti qui est convaincu que le PJD s’immisce dans ses affaires internes, ou s’agit-il d’un sentiment éprouvé uniquement par votre Premier secrétaire ?

À un certain moment, c’était le sentiment de beaucoup de socialistes. De ce que j’en sais, je pense que Abdelilah Benkirane distribuait des sortes d’indulgences, comme le faisaient les Églises. Il disait que la direction de l’USFP était mauvaise, et que les membres qui n’étaient pas dans les appareils du parti étaient les bons. Il n’avait pas le droit de le faire. Ce sont des choses qu’il disait même durant les assemblées du Parlement.

Tout démocrate refuse l’ingérence. Nous n’avons jamais constaté que l’USFP intervenait dans des affaires internes du PJD ou d’un autre parti.

Lorsque le gouvernement a été formé en 2017, certains observateurs pariaient sur une sortie de l’USFP à tout moment. Mais vous avez tenu bon. Y a-t-il eu durant ces quatre années des voix au sein du parti pour appeler à “lâcher” la majorité de Saâd-Eddine El Othmani ?

Ces dernières années, non. C’était le cas auparavant, surtout dans le gouvernement El Fassi (2007-2011, ndlr). À l’époque, cette réclamation a été à l’ordre du jour à plusieurs reprises et pour plusieurs raisons.

Déjà, les observateurs disaient qu’on ne pouvait intégrer le gouvernement Benkirane, car il était le seul à dire “l’USFP n’a rien à faire dans mon gouvernement”. C’était comme si ce pays et ce gouvernement lui appartenaient à lui seul.

On a vu la suite : l’USFP était partie prenante. Il a réussi à mobiliser une majorité pour la présidence de la première chambre. C’est révélateur à mon sens. Nous n’avons jamais été des figurants.

Revenons à l’atmosphère du ramadan. Avant le ftour, vous êtes plutôt sport ou canapé ?

Je suis en mode sport un jour sur deux ou sur trois. Mon quotidien, c’est d’abord le travail et le parti, du matin jusqu’à 16 h 30. Je fais du sport trois fois par semaine au minimum. Je fais mes dix mille pas de marche en une heure, comme le prescrivent les médecins. Sinon, ce sont des petites randonnées à la périphérie de Mohammedia avec des amis.

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Et lorsque le ftour approche, vous êtes derrière les fourneaux ou déjà à table ?

À table. Je reconnais que c’est l’un de mes défauts majeurs. Les 5 à 10 minutes avant le ftour, je suis devant la télé.

À l’heure du ftour, vous dévorez quoi en premier ?

Une datte, et un jus d’orange.

Vous privilégiez un seul repas ou plusieurs pendant vos soirées ramadanesques ?

Un seul repas suffit.

Et vous vous réveillez pour le shour ?

Je reste éveillé jusqu’à l’appel du Fajr (prière de l’aube, ndlr). La soirée, je fais des parties de cartes avec les amis et les voisins. On joue à Ronda. C’est un rituel du ramadan. Et puis, j’ai presque deux heures de télé avant de me coucher.

Vous regardez des sitcoms ramadanesques ?

Honnêtement, non. Je suis déçu depuis quelques années. Je ne regardais que Hassan El Fad. C’est le seul qui mérite d’être regardé. Ce n’est pas négatif contre les autres, mais le produit n’est pas bon. Par contre, on commence à avoir de bonnes séries dramatiques. Durant le ftour, je regarde surtout les chaînes d’information.

Vous êtes plutôt lectures spirituelles ou littéraires pendant le ramadan ?

Je planifie mes lectures pendant et en dehors du ramadan. Là, je suis sur un beau livre, le dernier de Lionel Jospin, Un temps troublé (éd. du Seuil, ndlr). Je l’ai acheté il y a près de cinq mois, mais je l’ai décalé car j’avais d’autres lectures. C’est une belle autocritique où Jospin fait une rétrospective sur son expérience en tant que leader de gauche et Premier ministre. Il critique les expériences de gauche et donne une perspective sur comment la gauche devrait fonctionner dans l’avenir.

“Les crises des partis de gauche se ressemblent (…) On retrouve l’égoïsme des leaders, les erreurs”

Mehdi Mezouari

Il y a douze ans, j’avais lu trois fois son livre L’impasse (2007, éd. Flammarion). C’était comme s’il parlait de l’USFP. Les crises des partis de gauche se ressemblent. Du moins, entre la France et le Maroc : on retrouve l’égoïsme des leaders, les erreurs, etc.

Vous étiez pour que les cafés restent ouverts après le ftour ?

J’étais en toute responsabilité pour cette décision. La Commission scientifique donnait des arguments pour ne pas basculer dans la troisième vague de la pandémie. C’est surtout parce qu’on n’a pas encore atteint de grandes marges de vaccination. Il fallait fermer les cafés et être un peu sévères pendant la journée. Mais en contrepartie, il fallait bien indemniser ces gens qui travaillent. Cela fait plus d’un an que les gens souffrent de toutes ces décisions.

Le Maroc a enregistré une success story dans le monde. On a réussi à dépasser le stade dangereux de la pandémie, même si on a une structure médicale très fragile. On s’est surpassé, on a maintenu une moyenne de 600 cas par jour, et le nombre de morts a baissé. J’espère qu’on traversera le cap d’ici le mois de juin. Pour le gagne-pain de ces activités arrêtées, c’est l’État qui doit s’en charger. On attend toujours que le gouvernement réagisse par rapport à ça et qu’il les indemnise.

Pareil pour les mosquées ?

L’Ajr (bénédiction divine, ndlr) que j’obtiens en priant à la mosquée est le même si je reste chez moi. Si je prie chez moi en préservant ma vie et celle des gens, c’est mieux.

Est-ce que ramadan change vos habitudes de manière générale ?

C’est un mois que j’adore parce que ça permet de faire un peu de management de la santé (rires). L’estomac se repose, ce qui permet de régénérer beaucoup de choses, et d’avoir une bonne réflexion. Pour moi, c’est le mois des questionnements, des planifications de beaucoup de choses…