Deux scandales de harcèlement et de chantage sexuels ont secoué, à deux ans d’intervalle, la Faculté des sciences de l’éducation de Rabat et l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan. Des affaires qui n’ont entraîné aucune remise en question des établissements. Mécanismes de silenciation des victimes, impunité et pièges judiciaires… éclairage sur un système dysfonctionnel qui échoue à protéger les étudiantes.
Loi du silence
“On ne sait toujours pas où ça en est, pourtant on a déposé plainte”, déplore le père d’une des victimes. En février 2018, Lamia*, étudiante à la Faculté des sciences de l’éducation de Rabat est convoquée dans le bureau d’un de ses professeurs. Il tente de l’embrasser de force. Face à la stupeur de la jeune femme, la réponse est cinglante : “Tu as peur que je t’embrasse, pourtant c’est toi qui devrais en avoir envie.”
“Il m’a dit qu’il était en train de me donner une chance, qu’il fallait que je sache en faire bon usage”
Saisissant le malaise de Lamia, il lui propose alors de la revoir à Rabat ou à Mohammedia, où elle habite. “Il m’a dit qu’il était en train de me donner une chance, qu’il fallait que je sache en faire bon usage, relatait-elle à TelQuel un an plus tard. Ce jour-là, ma sœur m’attendait à la sortie de la faculté, il l’a interpellée en répétant qu’il me donnait une chance et qu’il fallait que je la saisisse.”
Traumatisée au moment des faits, détenant des enregistrements audio de leurs conversations et sachant que ce professeur harcelait d’autres étudiantes, Lamia décide de porter plainte et d’alerter l’administration de l’université. “Le professeur en question nous a soumis un rapport où il réfute les accusations contre lui. On a donc décidé de constituer une commission d’enquête et d’envoyer le résultat de l’enquête à la présidence et au ministère, habilités à prendre les décisions opportunes”, déclarait le doyen de la faculté en 2019.
Trois ans plus tard, force est de constater que l’homme n’a pas été inquiété. Sollicitée par TelQuel, la Faculté des sciences de l’éducation n’a pas souhaité commenter l’affaire ni préciser si le professeur était toujours en poste, arguant que “l’équipe a changé”.