La réalisatrice est absolument partout, mais surtout au sommet du Haut-Atlas où elle finit le tournage de la deuxième partie de Sawlo Hdidane. TelQuel l’a suivie lors du tournage. Action !
Le Haut-Atlas se dresse majestueux, couvert d’une brume épaisse. Le village de Tlet N’yacoub peine à sortir de sa torpeur. C’est une nouvelle journée qui commence pour Fatima Boubekdi, une femme au caractère bien trempé, une campagnarde qui s’intègre aux décors qu’elle imagine, crée et perfectionne. Dans une ambiance naïve et légère, l’équipe de tournage se prépare à des heures de dur labeur. Ce matin-là, elle s’apprête à tourner un épisode de Sawlo Hdidane, des capsules de 7 minutes, prévues pour la 2ème chaîne. Acteurs, figurants, techniciens, caméramans, tous sont à pied d’œuvre. Une fourmilière silencieuse de jeunes gens consciencieux, menés d’une main de maître par cette dame de fer. Il est 10 h tapantes. Les acteurs révisent leurs dialogues dans un silence religieux, en attendant le coup de clap. Installée dans un fauteuil pliant, scénario à la main, yeux rivés sur son moniteur, Fatima Boubekdi examine le décor général. Elle ne lâche rien, tout doit être impeccable. Et ce n’est pas Kamal Kadimi, alias Hdidane, qui va dire le contraire. “Elle est perfectionniste. Son très grand sens de l’observation la pousse à être des plus méticuleuses, sur chaque détail. Elle aspire à ce que son travail frôle la perfection, alors elle nous encourage à donner le meilleur de nous-mêmes”, atteste-t-il, l’air comblé. Un perfectionnisme qui témoigne de la sensibilité de cette artiste. Une finesse qu’elle a acquise au fil de son expérience professionnelle auprès de nombre de réalisateurs marocains.
Une artiste est née
Après une courte formation théâtrale à Casablanca, Fatima Boubekdi se découvre un penchant pour la mise en scène. Elle travaille aux côtés de Farida Bourquia en 1995 en tant qu’assistante à la réalisation. Et c’est le déclic. Une année plus tard, elle enchaîne les collaborations en travaillant en tant que scripte avec les cinéastes Mohamed Ismaïl, Hassan Benjelloun ou encore Abdelmajid R’chich. “Travailler avec ces professionnels m’a permis de développer ma sensibilité artistique et d’acquérir une confiance en moi. Je me considère comme une autodidacte parce que j’ai beaucoup appris en scrutant leur manière de travailler. J’essayais d’apprendre de ce qu’ils faisaient. Pour moi, c’est la meilleure école”, nous raconte-t-elle, un brin espiègle.
Au contact de ces professionnels, Fatima Boubekdi se sent une âme de réalisatrice. En 1999, elle signe son premier téléfilm, La porte de l’espoir, pour la première chaîne. Son aventure cinématographique commence sur les chapeaux de roue. En 2000, elle décide de se spécialiser dans le cinéma patrimonial, un cinéma qu’elle affectionne particulièrement, compte tenu de son amour pour l’histoire. Elle accorde beaucoup d’importance aux contes populaires et aux évènements historiques et, aujourd’hui, son nom est associé à ce type de cinéma.
Du retour aux sources…
Si vous avez déjà été amené à visionner les productions de cette femme, vous n’aurez certainement pas manqué de remarquer une continuité dans les paysages mis en scène : kasbahs, ksours, montagnes et dunes. Fatima Boubekdi est une amoureuse avérée de la nature. Son endroit fétiche : le Haut-Atlas. Cette quadragénaire, originaire de la ville de Taroudant, est très liée à cette région. C’est d’ailleurs là-bas qu’elle a tourné la plupart de ses productions, notamment Aïcha Douiba, Souq N’sa, Romana ou Bartal ou Hdidane. Les villages se confondent avec la couleur ocre de la montagne. Quelques belles kasbahs à l’abandon s’érigent telles des forteresses imprenables.
Quand elle en parle, c’est une Fatima particulièrement attachée à ses origines que l’on découvre. “Je suis très heureuse de travailler ici. La région me parle, je la sens. Au téléphone, mes proches me disent qu’ils me plaignent, je leur réponds que c’est moi qui les plains parce qu’ils ratent des paysages féeriques”, ajoute-t-elle. La cinéaste est fascinée par ses coutumes ancestrales, ses ornements et l’histoire de ce lieu qu’elle connaît sur le bout des doigts. “Cette région regorge d’histoire. Je crains que les générations futures se détachent de leur culture. J’essaie, à travers mes productions, de préserver ne serait-ce qu’une infime partie de ce grand patrimoine. Je me sens concernée, responsable. L’audiovisuel atteint tous les foyers. Puisque je dispose d’outils de travail, il est impératif que je m’en serve”, précise-t-elle.
Quoique cette région inspire la réalisatrice, elle n’en demeure pas moins difficile d’accès. Lors du tournage d’un long-métrage, Fatima Boubekdi a dû faire face à l’effroi de certaines actrices qui se sont obstinées à rebrousser chemin au plus vite. La réalisatrice raconte l’anecdote en éclatant de rire : “Elles ont demandé au chauffeur de les ramener chez elles. J’ai dû intervenir pour les rassurer”. Et elles ont bien raison ! Avec une route en serpentin, particulièrement étroite et aux abords très dégradés, la conduite n’est pas aisée et le danger éminemment présent. Nerfs à fleur de peau, s’abstenir !
…Aux projets en cours
La réalisatrice ne chôme pas et cela se voit. Avec son équipe, elle travaille d’arrache-pied sur le tournage de la deuxième partie de Sawlo Hdidane, dont la diffusion est prévue au ramadan prochain. De quoi s’agit-il exactement ? Il s’agit de capsules de jeux-concours, divisées en deux parties : la première partie est consacrée à l’explication d’une citation populaire tandis que la seconde est sous forme de devinette adressée aux téléspectateurs. Par ailleurs, la réalisatrice a terminé le tournage de son dernier opus, Tes larmes Ô Friha, qui aborde la question des Marocains séquestrés dans les camps de Tindouf. Les évènements se déroulent au milieu des années 70. Le téléfilm raconte la vie de Friha et de son cousin Nasr El Kafia (incarné par Yassine Ahjam), deux amoureux dont le seul rêve est de se marier. Tout s’effondre lorsque Nasr El Kafia quitte sa tribu natale pour rejoindre le Front Polisario. Il décide alors de fuir les camps de Tindouf pour retourner chez lui. Selon la cinéaste, cette production, programmée à deux reprises sur la première chaîne, n’a pas été diffusée. Fatima Boubekdi a donc décidé de boycotter Al Aoula, face à la “mise au tombeau” de son œuvre.
La réalisatrice ne s’arrête pas là pour autant. Une nouvelle série au concept original, Zher ou Mrecha, sera en tournage en mars-avril prochains et diffusée sur 2M. Fatima Boubekdi souhaite démontrer l’impact qu’a la chance sur notre vie et pour cause, elle compte la personnifier. Du coup, les téléspectateurs verront un personnage, “Zher”, dans des situations cocasses et intrigantes. Une idée que la réalisatrice a parachevée avec son frère, Brahim Boubekdi, avec qui elle travaille ses scénarios depuis ses débuts. A suivre.
Voyage. Connaissez-vous Tlet N’yacoub ? A une centaine de kilomètres de Marrakech se trouve Tlet N’yacoub, une petite agglomération dominant la vallée verdoyante de l’oued N’fis. C’est ici que le caïd « El Goundafi » avait érigé son château. Les murs de cet édifice, aujourd’hui en ruines, écoutent les gémissements de cette rivière jadis glorifiée par la puissance de ce seigneur de l’Atlas. La kasbah de “Tagoundaft”, construite non loin sur un piton, semble conserver ses allures d’antan. Elle se dresse en gardienne imperturbable du passé glorieux qu’a connu cette vallée. Les constructions, associant béton et pisé, témoignent de l’agression rampante d’une civilisation déformatrice. L’infrastructure hôtelière y est timidement présente. L’on n’aperçoit guère que quelques maisons d’hôtes mêlant calme, verdure, chants d’oiseaux et croassements de crapauds. La restauration est toutefois marquée par des mets locaux succulents. Les odeurs de la nature et la pureté de l’air permettent cependant au visiteur de ressentir une étrange sérénité… |
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