Reportage. I have a dream

Par Nina Kozlowski

Le casting marocain pour la deuxième saison d’Arab Idol (qui s’est tenu à Casablanca les 28 et 29 octobre) a connu une forte affluence. Rencontre avec ces apprentis chanteurs qui rêvent de tenir le haut de l’affiche.

La rue de l’hôtel Royal Mansour est ensoleillée. C’est tant mieux pour ceux et celles qui sont venus en nombre tenter leur chance pour participer à l’émission. Parmi la foule (ils sont plus d’un millier), il y a surtout des jeunes entre 16 et 30 ans, et quelques parents venus encourager leur progéniture. La majorité des filles arborent un look de midinettes, avec talons hauts et maquillage calqué sur celui de Haifa Wehbe. Les garçons, eux, jouent aux playboys, chaussures pointues et lunettes mouches sur le nez. Tous ? Non. Il y a aussi ceux qui ont choisi de tout miser sur leur “talent”. Et si l’ambiance est bon enfant, l’enjeu est de taille. Normal, il y a moins d’un an, Dounia Batma a fait rêver les Marocains en allant jusqu’en finale d’Arab Idol. De quoi ajouter un peu de pression.

 

Les sentiers de la gloire

Attablée au Café des Fleurs avec ses amis, Fadwa attend pour passer son audition. Un verre de thé à la main, la jeune femme de vingt-six ans a le sourire et les yeux qui pétillent : “J’espère que je vais réussir et que je ne vais pas perdre mes moyens”. Fadwa a fait quatre années de conservatoire où elle a appris le solfège, le chant et la danse orientale. Et elle n’en est pas à son coup d’essai : “Il y a trois ans, j’ai passé le casting de la Star Academy. J’ai été sélectionnée pour l’émission mais ma famille n’a pas voulu que je participe”. Cette fois, Fadwa est déterminée à leur imposer son choix : “J’ai un bon travail mais mon rêve c’est d’être connue comme Dounia Batma. Je passerai des auditions jusqu’à soixante ans s’il le faut”. De l’autre côté de la rue, près de l’entrée de l’hôtel Royal Mansour, impossible de ne pas repérer Yassine et Adil, deux beaux gosses qui font le show. Ils chantent à tue-tête des tubes libanais. Yassine, 23 ans, steward à Qatar Airways, s’est déjà présenté deux fois à la Star Academy et une fois à Arab Idol. Adil, 24 ans, hotliner à la Marocaine des Jeux, a passé trois fois les castings de la Star Academy : “On gagne bien notre vie, mais on en veut plus. La musique, c’est une passion mais aussi un business”, explique Yassine. Les deux mousquetaires sont rodés et savent exactement ce que le jury attend d’eux : “Arab Idol cherche une matière, quelqu’un que la production pourra relooker, remodeler à sa guise et à qui il sera possible d’insuffler un style musical. Il s’agit donc d’être bon, mais pas parfait”. Des strass et des paillettes, voilà ce à quoi rêvent ces deux jeunes gens, mais pas question cependant de trop en faire. Adil et Yassine n’ont jamais pris de cours car ils estiment que l’art doit être spontané.

 

Le prix de la renommée

“Je travaille dans la production à 2M”, lance Amine, 27 ans. Il est venu avec sa guitare et quelques compagnons de galère. Elève au Conservatoire de Casablanca depuis 1997, le jeune homme est également membre d’un groupe de dead metal nommé “Under The Surface”. Ce n’est pas tout, le musicien est polyvalent : il chante aussi bien de l’oriental que du flamenco. Pour autant, Amine pense qu’il ne sera pas sélectionné : “Je connais l’envers du décor de ces émissions. Il y a un critère plus important que l’interprétation et la technique vocale : le physique. Et moi je ne suis pas un mannequin”. Depuis 2007, Amine a passé quatre castings pour différents programmes “J’ai été recalé à chaque fois, mais lorsque je croisais les membres du jury dans des soirées, ils me démarchaient pour que je donne des concerts privés”, affirme-t-il. Bien que désabusé, le jeune homme a choisi de tenter sa chance une fois de plus car il est convainu qu’un télé-crochet peut aider à se faire un nom et à être repéré par des professionnels : “On est obligé de passer par ces programmes. Au Maroc, on ne fait rien pour aider les artistes”. Même son de cloche du côté d’Amal, 34 ans, choriste pour 2M et pour la chanteuse Naïma Samih : “Dans ce pays, la production d’une chanson coûte environ 10 000 DH. L’Etat ne donne aucune aide, les droits d’auteur ne sont pas respectés et la vente d’albums ne rapporte rien”. Pour la jeune femme, se faire connaître est la condition sine qua non pour espérer trouver un manager et un producteur. Cependant, devenir une star n’est pas leur unique motivation : Amine et Amal aspirent surtout à vivre de leur musique en donnant des concerts privés chez des milliardaires ou des personnalités publiques. “Depuis Arab Idol, Dounia Batma est payée 15 000 euros de l’heure à chaque fois qu’elle se produit”, lance Amine, rêveur.

 

Le temps du chaos

Au cours de cette journée, impossible de pénétrer à l’intérieur de l’hôtel Royal Mansour pour les journalistes, à moins de disposer d’une autorisation de la part de MBC 1(la chaîne qui produit Arab Idol). D’après les candidats qui ont passé l’audition, le jury était composé de deux personnes : une femme et un homme d’origine libanaise, inconnus au bataillon. “Ils doivent travailler pour la production, je ne les avais jamais vus avant aujourd’hui”, déclare Nibou Chafik, un jeune chanteur retenu pour la prochaine étape du casting. Son passage a duré cinq minutes. Le jury lui a demandé de chanter un medley de trois chansons orientales et de réaliser une chorégraphie : “Ils m’ont également questionné pour savoir si l’équipe de tournage pouvait faire un reportage sur ma famille et moi”. A 17h, nombreux sont ceux qui ne sont pas encore passés. Les organisateurs, juchés sur une estrade, annoncent à l’aide d’un micro les numéros des participants attendus à l’intérieur de l’hôtel : “Je n’ai toujours pas de badge et seulement 200 personnes sont passées”, déclare Amine, qui commence à perdre espoir. Et il n’est pas le seul. Frustration oblige, quelques éclats de voix émanent parfois de la cohue. Cependant, une solution demeure : l’achat de badges. “Des gens ont obtenu un badge dans le but de le vendre à ceux qui veulent vraiment participer. Tout à l’heure, une fille voulait revendre le sien 1500 DH”, affirme Amine.  A l’issue des deux jours de casting, neuf cents candidats ont été auditionnés. Au total, une dizaine de Marocains ont été sélectionnés pour passer à la seconde étape du concours, qui aura lieu au Liban devant les caméras et le jury officiel (composé de Nancy Ajram, Ahlam, Hassan Chafaï et Ragheb Alama). Good luck !                 

 

Phénomène. Profession : candidat

À défaut de sortir des albums et de tenir le haut de l’affiche, certains candidats sont devenus de véritables pros de la téléréalité. Ils ne cessent d’écumer les télés-crochets et ce type d’émission est pour eux désormais un job dont ils vivent très correctement (en moyenne entre 10 et 15 000 DH pour chacune de leurs apparitions à la télé et entre 40 et 160 000 dirhams pour un concert privé). C’est le cas de Lamia Zaïdi, la Tangéroise qui a remporté Studio 2M en 2010. Cette année, elle participe à la version arabe de The Voice. Parcours similaire pour Mona Roukachi, Suédoise originaire de Tanger, finaliste de Studio 2M en 2005. Elle a certes sorti quelques singles mais aucun album solo à son actif. Par contre, on l’a revue dans plusieurs émissions et elle a participé à The Voice. De son côté, Badr Soultan, candidat à la troisième édition de Studio 2M en 2006, a enchaîné plusieurs émissions du genre, comme le concours de chant télévisé Najm Al Khaleej, à Dubaï en 2010, et The Voice cette année. And last but not least, Asmae Lazrak qui, depuis son échec lors de la demi-finale de Studio 2M en 2005, a participé à Najm Al Khaleej en 2011 et serait en lice pour d’autres émissions en préparation.