Tendance : Zen, soyons zen

Par Meryem Saadi

De plus en plus de Marocains sont devenus adeptes du yoga, qu’ils pratiquent régulièrement, dans des salles spécialement dédiées à cette discipline. Un phénomène qui n’a rien d’un effet de mode.

“Fermez les yeux et libérez-vous des énergies négatives. Faites taire les voix qui murmurent dans votre tête”, explique cette professeure de yoga à la dizaine de personnes qui assistent à son cours ce soir-là à Rabat. Plus facile à dire qu’à faire, surtout après une dure journée de travail et une séance de 30 minutes de Hatha Yoga, où l’on a étiré tous les muscles de son corps dans tous les sens possibles et imaginables. “Ça parle trop dans votre tête, éteignez cette radio et concentrez-vous. Vous êtes trop tendus”, lance l’enseignante de l’autre bout de la salle, lorsqu’elle réalise que, loin de méditer, certains laissent voguer leurs pensées. Après plusieurs tentatives, une vague de calme finit par envahir l’assistance. “C’est ce qui s’appelle être dans un état de pleine conscience, qui permet d’être totalement réceptif à ce qui nous entoure”, nous explique Laïla, une trentenaire adepte de yoga, à la fin de la séance. Elle est devenue incollable sur les postures, le lexique, les préceptes, et surtout les bienfaits du yoga.

Yoga pour tous

A en croire Blaise Llorca, professeur de yoga à Casablanca et fondateur du site Yogamagazine.com, l’introduction de cette discipline au Maroc ne date pas d’hier : “Un professeur de yoga de l’énergie, Rémy Chaloin, pratiquait cette discipline au Maroc pendant la Seconde guerre mondiale. La communauté indienne faisait aussi venir régulièrement des gourous indiens. Une enseignante de yoga leur avait alors demandé d’en faire profiter tout le monde”. Jusqu’au début des années 2000, le yoga était principalement réservé à une population féminine issue de la classe aisée, mais ces dernières années, les choses ont clairement changé. “Des personnes aux profils très différents assistent à mes cours. Des hommes, attirés par l’intériorité de la discipline, des jeunes et des moins jeunes, des personnes actives ou encore des retraités ou des femmes au foyer”, constate pour sa part le professeur de yoga Atmen Ajjanda. Et contrairement aux idées reçues, ces personnes ne viennent pas toutes d’une “minorité francophone occidentalisée”, qui ne ferait que suivre une tendance qui cartonne en Europe ou en Amérique du Nord. “J’ai des arabophones comme des francophones à mes cours. Parmi eux, il y a beaucoup d’hommes qui étaient déjà dans une démarche de questionnement sur le fait religieux et qui voulaient ouvrir leur pratique de l’islam à d’autres formes de spiritualité”, témoigne Blaise Llorca.

Sus au stress

Parallèlement à l’augmentation de la demande, l’offre a explosé. “Il y a maintenant des dizaines de salles de yoga, principalement à Casablanca. De nombreux styles sont proposés et permettent de choisir entre un travail axé sur le corps et un travail plutôt axé sur l’esprit”, affirme le yogi. Si plusieurs genres de yoga existent aujourd’hui au Maroc, le plus populaire est le Hatha Yoga, suivi du Yoga Bikram (pratiqué dans une salle très chauffée), du Yoga Kundalini (axé sur le contrôle du souffle) et du Yoga Ashtanga (séries de mouvements avec des niveaux d’intensité graduels).

Ce qui attire les Marocains dans le yoga, c’est évidemment la relaxation et la quête de soi. “J’ai commencé le yoga parce que j’ai voulu me reconnecter avec moi-même, me débarrasser de la toxicité qui m’entoure dans ma vie quotidienne. Je n’en pouvais plus d’être victime de mon stress et d’être constamment angoissé”, explique Faudel, étudiant en marketing. Même motivation pour Laïla, attachée de presse de son état, qui s’est mise au yoga lorsqu’elle a senti qu’elle était au bord du “burn-out” : “Je sentais que j’allais exploser. Mon rythme de vie trop speed me causait plusieurs problèmes de santé. Du coup, mon psychologue m’a conseillé le yoga. J’étais un peu perplexe au début, mais ça a marché”. Et cette façon de trouver le bien-être est de plus en plus conseillée par les médecins, comme l’explique Atmen Ajjanda : “Les découvertes scientifiques récentes sur les bienfaits de la pratique régulière du yoga poussent les médecins à le recommander à leurs patients, pour mieux gérer les états d’anxiété, d’angoisse et de dépression”.

Méditation à domicile

La plupart n’ont pas attendu les conseils de leur médecin. “C’est à travers la lecture de plusieurs livres sur le sujet que j’ai décidé de m’y mettre. En particulier des ouvrages du Dalaï Lama, où il met l’accent sur l’importance d’être en paix avec soi-même”, explique Omar, un jeune musicien rbati. En effet, les livres, les DVD ou les coffrets 100 % yoga ou méditation sont de plus en plus faciles à trouver depuis l’ouverture d’enseignes telles que la Fnac ou Virgin. “Ces dernières années, le yoga a clairement gagné en popularité grâce à l’organisation d’ateliers sur le sujet, de conférences, de retraites et de stages proposés au grand public”, souligne Atmen Ajjanda. Internet a aussi énormément contribué à la vulgarisation du yoga, en particulier auprès des plus jeunes. “Je fais du yoga chaque jour depuis plus de deux ans, et j’ai appris sur Internet. Je n’ai jamais fait de cours avec un prof, mais j’ai regardé des centaines de vidéos sur YouTube, jusqu’à ce que je trouve par moi-même le type de yoga qui me convient le plus”, avoue Hicham sans aucun complexe. Namaste, comme on dit en Inde.