Touristes, missionnaires, journalistes ou écrivaines, près d’une centaine de femmes ont parcouru le Maroc dès la fin du XIX^e siècle.

C’est un ouvrage d’érudition d’une indéniable qualité. La bibliologue Latifa Benjelloun-Laroui s’est plongée dans les archives à la recherche des femmes occidentales, célèbres ou anonymes, qui ont voyagé au Maroc depuis l’ouverture imposée par le traité entre le Maroc et la Grande-Bretagne de 1856, et l’indépendance. Son interrogation : ces femmes, 45 simples voyageuses, 19 journalistes et 26 femmes de lettres, accompagnant un époux, prosélytes, médecins, assistantes sociales ou enseignantes, « ont-elles porté sur le Maroc un autre regard que celui de leurs collègues masculins ? » Dans l’ensemble, non. Leurs textes présentent le même goût pour l’observation ethnographique et l’exotisme (les fameux dromadaires, que Simone de Beauvoir « s’obstine à appeler des chameaux ! », l’appel à la prière et le thé à la menthe). Leurs pages, empreintes d’un paternalisme et d’un sentiment de supériorité pénibles, n’ont qu’un intérêt « documentaire ».

Il y a toutefois des parcours intéressants : Isabelle Eberhardt, Isabella Bird, qui finançait ses voyages par les ventes du récit précédent… Latifa Benjelloun-Laroui rappelle à quel point le récit de voyage a été un genre littéraire populaire, à une époque qui ignorait le tourisme de masse. Elle salue « le courage et l’endurance de ces femmes » parcourant un pays manquant alors de routes et de ponts, où il y avait parfois un risque d’enlèvement, sans parler des maladies… Ces témoignages, présentés dans un ordre chronologique, évoquent un monde disparu. On suit l’apparition de la diligence, du car et du chemin de fer, l’évolution politique et sociale du pays. Et on se demande si sont conservées, sur ces sujets, les mémoires des Marocaines de l’époque…