Traitors, de l’Américain Sean Gullette, est un thriller féminin et rock qui suit la course d’une jeune femme jouant au chat et à la souris avec des trafiquants de drogue. L’intrigue tendue, à l’image du port de Tanger qui lui sert de décor, est portée par Malika (campée par Chaimae Ben Acha, découverte dans Malak de Abdeslam Kelai), héroïne férue de punk-rock aux prises avec la survie, prête à détourner les codes de la zone franche. Entre deux concerts dans des lieux improbables, cette chanteuse vedette d’un groupe formé de jeunes Tangéroises escroque habilement les touristes : après avoir empoché leur argent, elle les assomme brutalement à la sortie des bars sans jamais les suivre. Taiseuse, solitaire, elle promène avec discrétion sa silhouette androgyne dans les venelles sombres de la ville. Parce que sa famille est menacée d’expulsion, Malika pactise avec un redoutable baron de la drogue, séduit par son sang-froid. Elle doit mener une opération de contrebande avec une autre fille, Amal (jouée avec justesse par Soufia Issami, excellente en fille-crevette dans Sur la planche de Leila Kilani) : « Je ne vole pas, je me rembourse. Je ne cambriole pas, je récupère. Je ne trafique pas, je commerce ».

Super-héroïne arabe

« J’ai entendu l’histoire troublante d’une jeune femme qui voulait arrêter de travailler comme mule pour des trafiquants. Cela s’est mal fini, la fille était de la même génération que Malika », nous explique le cinéaste américain, compagnon de route de Darren Aronofsky et coscénariste de Pi, dans lequel il incarne aussi le premier rôle. Ce tandem au féminin nous embarque sur le fil du rasoir, entre humanité et désespoir, où triomphe la fureur de vivre. «  Je voulais montrer une super-héroïne arabe, issue d’un milieu modeste. Malika incarne une jeunesse pleine d’audace, aux intentions pures, mais qui peuvent s’avérer impitoyables. Il n’est pas étonnant que le militantisme, la musique, l’apprentissage de la vie flirtent avec  la criminalité », confie Sean Gullette. Traitors rappelle les valeurs retrouvées d’une jeunesse forcée de respirer un air vicié, mais prête à résister.

Fouzia Marouf