Chronique: Requiem for a gream

Par Ayla Mrabet

Sans vouloir verser dans les dédales de l’alarmisme, il nous faut vous l’annoncer : les Internets marocains ne sont plus sûrs. Alors que d’honnêtes philologues s’abreuvent à la fontaine du savoir, nombre d’ennemis de la nation en devenir barbotent éhontément  sur les berges de votre réseau local. Plus pernicieux encore que les insulaires de l’îlot nihiliste, – reconnaissables à leurs cris de ralliement, pancartes et autres attroupements -, des apprentis félons assiègent vos Internets par la raillerie. Bien qu’il soit ardu de fermement les identifier, il est néanmoins possible de s’en méfier,  car comme dirait Helen Keller, il y a des signes qui ne trompent pas.

Parmi les habitudes empreintes de calomnie propres à tout ennemi, il serait judicieux de s’attarder sur celle  dénigrant avec une constance maladive tout processus de créativité musicale initié par  monarchisme citoyen. Pour ces gens-là, Darga peut bien rendre hommage à  Abdelkrim Khattabi et Hoba Hoba Spirit nous sommer écouter la voix du peuple. A croire que la subversion consiste à brailler à la gloire d’un résistant mort en jellaba, ou à réverbérer les caprices d’une poignée d’émeutiers accomplissant l’exploit d’être arabes et communards à la fois. Mais dès lors qu’un artiste, du tréfonds de ses entrailles, fait trémuler sa glotte pour dédier son génie à Moulay El Hassan ou Mohammed VI, roi du Maroc et commandeur des croyants, il est accusé d’aspirer à l’obtention d’une Grima.

Que celui qui comprend cet étrange grief nous paie la première bière : de quoi faudrait-il avoir honte ? Sa Majesté, dans sa grande générosité, n’aurait-il pas le droit de faire quelques cadeaux épars à ses sujets ? L’économie de rente, n’en déplaise au serial-listeur du gouvernement, n’est-elle pas simplement la représentation chiffrée du concept de Baraka auquel est attaché, presqu’autant qu’à son patrimoine séculaire équestre, le royaume chérifien ? Les insinuations malhonnêtes à l’encontre de ces respectables chanteurs à texte tentent vainement de cacher la réalité de leur démarche : l’amour du roi. Un amour pur et sincère, pour lequel les boutchichis n’ont pas hésité à défiler,  exhibant, au passage, leurs plus beaux colliers de figues, et pour lequel certains Yamakasi se hissent parfois au sommet d’un consulat algérien pour en cueillir le drapeau.

Comme l’explique à la perfection ce rappeur volubile et courageux de Fès, auteur du tube  We Love Mohammed VI, premier single de l’album Ventoline : « nous aimons le Roi, et alors ? Dis-le et remplis-t’en la bouche. »  Alors oui, pour lutter contre l’ennemi, gargarisons-nous de cette passion, vocalisons notre allégeance éternelle, envers et contre tous. Sachons prendre le meilleur de l’expérience nord-coréenne, dont le premier satellite artificiel a diffusé, d’après la presse du Bukhan, la chanson du Général Kim Il Sung et celle du Général Kim Jong Il dans l’espace. Laissons l’Algérie battre notre record de la plus grande omelette d’Afrique, puis reprenons-le en améliorant la performance. Cassons nos œufs et organisons, à l’unisson, un lip dub national au rythme de l’œuvre la plus éclatante après Nidaâ Al Hassan et la récente Mal7ama:  Zwine Zwine Zwine.