Près de deux ans après la mort d’Abdessalam Yassine, Al-Adl Wal Ihsan (AWI) se transforme progressivement. Mais quel futur s’offre alors à l’organisation ? C’est ce que s’est demandée Vish Sakthivel, chercheuse au « Washington institute for near east policy ».

Dans son étude intitulée « Al-Adl wal-Ihsan inside Morocco’s islamist challenge », Vish Sakthivel dresse trois scénarios possibles. AWI peut par exemple se réconcilier avec le système. Certains membres semblent plus enclins qu’avant à adopter des éléments de stratégie politique classiques comme des campagnes et des négociations avec le makhzen, par exemple. Les outils nécessaires à la conduite d’une réelle activité politique sont bien présents : branches locales, sections pour les jeunes, sections féminines etc.

Mais à en croire les leaders cités dans l’étude, cette intégration ne dépendrait pas d’AWI. « La transformation du groupe en parti politique n’est pas le problème du groupe mais plutôt celui de l’Etat qui ne permet pas l’établissement de partis qui ne se soumettent pas à l’avance aux lignes rouges » estime notamment Fathallah Arsalane.

Attendre, au risque de continuer à perdre des militants

L’auteur insiste, cette intégration de AWI au système est loin d’être imminente. Certains de ses membres ont peur que l’association suive trop le pas du PJD. Ensuite, même si l’organisation a déjà développé un discours sur les problèmes politiques de fonds comme l’économie, le chômage, les affaires religieuses ou la politique étrangère, ses positions ont toujours été fondées sur son opposition à la monarchie. Enfin et surtout, cette intégration suppose que l’association assouplisse drastiquement ses positions antimonarchistes.

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Deuxième scénario évoqué par Vish Sakthivel : l’attente. Elle pourrait se justifier par la place centrale du « rêve » dans la culture de l’association. Mais cette hypothèse doit faire face à la défection. Plus AWI attend, plus ses membres quittent le mouvement. D’après l’étude, ce serait surtout le cas des jeunes et des femmes se plaignant de la place trop importante du patriarcat dans l’organisation. De manière plus générale, l’organisme doit faire face à de grosses tensions internes depuis la mort de son leader historique, à l’image des oppositions entre Fathallah Arsalane et Nadia Yassine, par exemple.

La place offerte aux femmes se dégrade

Vish Sakthivel évoque très brièvement une troisième et dernière hypothèse : la collaboration avec d’autres partis politiques plus ou moins marginalisés, du M20F au PJD. Elle se base sur quelques déclarations. A en croire Fathallah Arsalane par exemple : « les valeurs communes comme la justice sociale » lient AWI aux groupes laïcs.

Hormis ces trois scénarios, Vish Sakthivel s’attarde sur d’autres points, comme celui de la place de la femme au sein de l’organisation. D’après ses recherches, les personnalités féminines seraient moins valorisées que sous l’ère Yassine. L’auteur cite une ancienne militante : « Sheikh Yassine voulait vraiment que la femme ait un rôle ans l’organisation. Les nouveaux leaders voient juste les femmes comme des prètes-nom pour montrer au monarque et à l’occident ‘ regardez, nous avons des femmes ‘, mais notre rôle est diminué maintenant ».

L’auteur rappelle un épisode datant de 2005 : en prétendant que « les musulmans ont infligé une terrible injustice aux femmes au nom de l’islam » sur la BBC, Nadia Yassine avait beaucoup dérangé une partie de l’organisation.