Tandis que la guitare flamenca de Niño Josélé donne le tempo, lent et saccadé, la voix caressante et mystique d’Aziz Sahmaoui lui répond. Entonnant un chant en arabe puis empoignant sa guitare n’goni (version sahélienne du guembri gnawa), l’artiste marocain fait le pont entre ses origines maghrébines et celles de son ami espagnol. D’une vibration de corde, il traverse le détroit de Gibraltar. Et sous un jeu de lumières tantôt couleurs soleil d’Orient tantôt couleurs bleu andalou, démarre alors une suave conversation entre les deux musiciens.
Dans la salle, la fièvre du samedi soir est palpable. Conquis par cette fusion musicale aussi atypique qu’éclectique, certains lancent des « Olé ! » pendant que des femmes entonnent des youyous. D’autres, plus téméraires, se lèvent et dansent sur les rythmes de plus en plus entêtants. Assistant pour la première fois à un concert d’Aziz Sahmaoui, une jeune Française est enthousiasmée par sa découverte : « Ce concert me fait vraiment prendre conscience de toute la richesse de la musique maghrébine qui ne se cantonne finalement pas qu’au raï. »
Au-delà de la Méditerranée
Avant-gardiste, la musique d’Aziz Sahmaoui ne se laisse effectivement pas figer dans un seul et même style de musique. Ses compositions sont entremêlées de tradition gnawa, d’influences berbères, de chaâbi marocain, de jazz, de fusion. « Il n’y a pas une musique d’Aziz Sahmaoui mais des musiques », note Nazim, un fan de la première heure qui suit le chanteur depuis ses débuts dans l’Orchestre national de Barbès. « À l’époque, c’était une vraie nouveauté, se souvient-il. Pour la première fois, un groupe osait mélanger musique traditionnelle maghrébine avec des musiques du monde telles que la salsa, le reggae, le jazz, le funk, ou encore le rock. »
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Une modernité que continue d’entretenir aujourd’hui Aziz Sahmaoui avec son groupe University of Gnawa, qui l’a rendu populaire au-delà de la Méditerranée. Le chanteur a su se régénérer à travers ses rencontres musicales avec le guitariste Niño Josélé bien sûr, mais aussi avec des jazzmen américains et européens ou encore des musiciens de talent originaires d’Afrique subsaharienne. Parmi ces derniers, le Sénégalais Alioud Wade, qui l’accompagnait à la basse électrique ce soir-là. Tandis qu’à la calebasse, instrument typiquement africain, le percussionniste Adil Mirghani finissait de donner au concert toute sa diversité.
« La musique est une des raisons qui nous font vivre, vibrer et se rapprocher de l’autre. Venir pour un cachet ne m’intéresse pas. Je préfère faire un concert pour aider, pour partager et pour apprendre de mon prochain », confie Aziz Sahmaoui. Une vision des choses que le chanteur a mis en pratique lors de ce concert-hommage à l’incroyable richesse d’une culture maghrébine en perpétuel renouvellement.
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Louise Pluyaud
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