"Ce n'est pas Benkirane qui est fort, c'est l'opposition qui est faible"

Par Abdellah Tourabi

Abdelilah Benkirane a de quoi se réjouir et se flatter. Dans le sondage réalisé par le groupe TelQuel et publié la semaine dernière, la majorité des interviewés (54 %) ont déclaré faire confiance au Chef du gouvernement, et 49 % d’entre eux sont satisfaits de son bilan. Benkirane n’a pas manqué de rappeler ces chiffres aux militants de son parti lors d’un meeting tenu cette semaine, pour les rassurer sur la pertinence de ses choix. En l’absence de données qui nous renseignent sur l’évolution ou la régression de la cote de popularité du Chef du gouvernement, ces résultats peuvent être expliqués de plusieurs manières. Tout d’abord, il y a le style de l’homme, direct, décomplexé, parfois agressif et souvent populiste. Un vrai phénomène politique qui agace et fascine à la fois.  Ensuite, on retrouve l’impact des quelques mesures sociales entreprises par son gouvernement (augmentation des bourses aux étudiants, l’aide accordée aux veuves, etc.) qui ont trouvé écho auprès des couches sociales défavorisées. Mais la raison principale de cette confiance est plutôt politique. Elle réside dans l’absence d’une opposition forte, crédible et organisée, capable de se présenter comme une alternative au PJD. Car ce n’est pas Abdelilah Benkirane et son parti qui sont forts et dominants, c’est l’opposition qui est faible et inaudible.

Quand on observe le paysage politique marocain, on ne peut qu’être effaré par ce champ de ruine et de désolation que représente actuellement l’opposition. Entre l’USFP qui n’a pas fini de se saborder et de plonger dans une longue agonie, l’Istiqlal incarné par un leader truculent et imprévisible, le PAM qui essaye de gommer l’image du « parti de l’ami du roi », sans oublier une myriade de formations créées dans le passé pour gouverner et jamais pour contester, l’offre proposée par l’opposition peine à convaincre. Pour ces partis, la vie politique marocaine est réduite à des échéances électorales qui peuvent être remportées grâce aux notables et à leurs réseaux d’influence. Par mépris ou par inconscience, ils oublient ou sous-estiment le pouvoir des idées, le poids des valeurs à défendre, et la force de 
persuasion et de séduction qu’exercent encore les idéologies sur les individus. La victoire du PJD en 2011 était l’illustration de ce constat, et les partis d’opposition, notamment de gauche, devraient s’en inspirer et la méditer. Le citoyen a besoin d’être transcendé et hissé de la platitude de son quotidien pour scruter un horizon porteur d’espoir et de changement. Les utopies et les idéologies ne sont pas mortes, et les victoires successives des islamistes dans le monde arabe n’ont fait que le confirmer. Une vraie opposition au Maroc ne peut pas faire l’économie de ces rêves.