Droits humains: le dernier rapport accablant le Maroc est-il partial?

Interdictions de manifester, torture, atteintes à la liberté de se déplacer : une ONG dénonce à nouveau la violation des droits de l’Homme au Maroc. Les autorités critiquent sa « partialité ». Qu’en est-il ?

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Des ONG ont boycotté le moment du Forum mondial des droits de l'Homme organisé à Marrakech en 2014. Crédit : Rachid Tnioui.

Encore un nouveau rapport pointant du doigt la situation des droits de l’Homme au Maroc. Ils se multiplient ces derniers mois. Mais les autorités nient souvent les faits dont elles sont accusées. Mustapha El Khalfi est par exemple intervenu à la sortie du rapport de Human Right Watch ou de celui de Reporter sans frontières. Et c’est encore le cas pour celui-ci. Émanant du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), il a été rendu public le 19 mars. Il fait suite à la visite d’une délégation du collectif au Maroc entre le 14 et le 21 septembre. Les autorités ont-elles raison de remettre en cause l’objectivité et l’impartialité du rapport ?

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La délégation interministérielle aux droits de l’Homme (DIDH), dans son communiqué, dénonce que « ce [rapport] ait omis, pour des raisons inconnues, de faire référence aux progrès réalisés par le Royaume du Maroc dans le domaine des droits de l’Homme, en particulier depuis l’adoption de la Constitution de 2011 ». Pourtant, le rapport du REMDH, collectif d’ONG, fait bien référence plusieurs fois aux avancées en matière de droits humains : « Il convient de rappeler le processus qui a mené à l’adoption d’une nouvelle Constitution au Maroc, et de mettre en avant les avancées ainsi que les éléments problématiques qui découlent de celle-ci ».

Le rapport liste les avancées entérinées par la Constitution (séparation des pouvoirs, parité etc.) et même les avancées concrètes (loi sur les tribunaux militaires, relaxe d’un homme dont les aveux avaient été obtenus sous la torture…). Aussi, le rapport évoque à plusieurs reprises « la coopération dont elle a bénéficiée de la part du CNDH et des autorités marocaines à travers la DIDH qui a facilité les réunions officielles » ou le fait que « les participants ont pu accéder au Maroc et au Sahara occidental sans encombre ».

Un focus sur le Sud ?

Le communiqué de la DIDH critique le fait que le rapport se concentre sur les régions du Sud « en ne laissant qu’une partie mineure aux autres régions du Royaume ». Il est vrai qu’une grande partie du rapport (16 pages sur 33) se concentre sur ces régions. Mais d’après le REMDH, c’est aussi là que les accusations d’atteintes aux droits de l’Homme sont les plus nombreuses.

Aussi, si l’on se réfère à la conclusion du rapport, le paragraphe concernant le Maroc en général est presque deux fois plus long que celui qui s’intéresse aux régions du Sud. Et les recommandations qui concernent tout le royaume sont au nombre de 11, contre 6 pour celles qui se focalisent sur les régions du Sud.

Un manque de prise de recul ?

Aussi, les autorités dénoncent « un ensemble de défaillances au niveau de la méthodologie et des propos fallacieux au niveau du contenu », regrettant « le manque de crédibilité scientifique » des résultats du rapport. Le communiqué explique que le REMDH « a complètement adopté les allégations faites par des individus dont l’exploitation des questions des droits de l’Homme à des fins politiques et dont l’hostilité à l’unité territoriale du Royaume du Maroc sont bien connues » et s’appuie sur « ces cas isolés ou non justifiés ».

Sur ce point, la délégation interministérielle a en partie raison. Il est vrai que le rapport du REMDH n’utilise pas une méthodologie scientifique. En revanche, à aucun moment dans le rapport le collectif ne prétend suivre une telle démarche. De plus, le rapport précise qu’il n’a pas pu aborder de manière exhaustive l’état des libertés publiques et individuelles.

Ensuite, si le REMDH ne prend pas toujours la peine de préciser qu’il s’agit de témoignages et de la version des victimes présumées, il avertit quand même à plusieurs reprises par exemple que « les témoignages ont fait état d’intimidation… » ou encore que « les militants associatifs sahraouis ont tous affirmés » au lieu de prétendre une vérité générale.

En outre, le rapport se base également sur l’expérience même de la délégation de l’association. Elle évoque par exemple le fait que celle-ci a « constamment été suivie par des forces de sécurité en civil ».

Les autorités avouent l’arbitraire des interdictions d’activités

Il est important de remarquer que dans son introduction, le rapport précise que le REMDH a demandé à plusieurs reprises l’autorisation d’accéder aux camps de Tindouf, mais que le Polisario n’a jamais satisfait ses requêtes. Et le collectif fait part de son inquiétude « devant le manque de transparence des autorités du Polisario ». Une remarque qui permet d’affirmer qu’il n’a pas de parti pris pro-Polisario.

La délégation s’est enfin entretenue avec Charki Draïss, ministre délégué auprès du ministère de l’Intérieur. Il aurait reconnu, ou du moins, pas nié, que des interdictions d’activités associatives avaient été arbitraires : d’après le rapport, le ministre « n’a pas récusé le fait que les activités publiques de l’AMDH sont frappées par des interdictions arbitraires ».

Lire aussi : A Tindouf, peu de place pour les dissidents

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  • Donc pour TelQuel il suffit que le REMDH s' »inquiète » de la non transparence du Polisario pour oublier ses méfaits dans les camps de Tindouf.

    Le Maroc devrait donc fermer les portes à ces ONG pour qu’elles se contentent de s’inquiéter comme le fait aussi la junte d’Alger dans l’Algérie entière et pas que dans les goulags de Tindouf.

    Même les torchons du régime algerien ne se seraient pas donnés autant de mal à décortiquer (à la décharge du Maroc ) ces rapports plus que tendancieux.