Cour des comptes: le ministère de la Santé entre «manque de maîtrise» et «opportunisme»

Dans son rapport annuel, la Cour des comptes fait état de plusieurs défaillances sur la construction d’infrastructures par le ministère de la Santé.

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Crédit : Yassine Toumi.

La première partie de cette enquête porte sur les dysfonctionnements constatés par l’institution dirigée par Driss Jettou quant aux projets de construction, d’extension et d’aménagement des infrastructures sanitaires. Le contrôle de la Cour des comptes s’est fait sur une période allant de 2003 à 2013.

Durant ces dix années, 49 projets de construction, d’extension et d’aménagement ont fait l’objet « d’un examen approfondi des différentes phases des projets et de visites sur place ».

Carte sanitaire non respectée    

Suite à ces examens, la Cour a notamment constaté que la carte sanitaire du royaume, qui détermine les normes et les critères pour l’implantation des établissements de santé, n’a pas été respectée.

Les magistrats de la Cour des comptes ont également relevé que les outils de planification dont dispose la Direction de la programmation et des ressources financières au sein du ministère de la Santé se focalisent seulement sur le « critère relatif à la population en ce qui concerne les établissements de soins de santé de base (ESSB) ». Les magistrats de la Cour des comptes regrettent que la mise en place de ces infrastructures se fasse en fonction d’un découpage administratif, et non pas selon les besoins épidémiologiques de la région. Pire, au moins 151 ESSB à travers le royaume ont été répertoriés par la Cour des comptes comme étant « non fonctionnels ».

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L’institution dirigée par Driss Jettou note également que les critères retenus pour la création d’un hôpital n’ont pas changé « depuis le plan quinquennal 1973-1977 », ce qui illustre, selon la Cour, une absence de vision prenant compte des besoins d’effectifs au niveau régional et local.

« Approche opportuniste »

En l’espace de 12 ans, de 2000 à 2012, le ministère de la Santé a mis en place quatre plans d’action pour le développement des infrastructures sanitaires. L’ensemble de ces plans n’a pas fait l’objet de bilan, alors que ces plans ont été financés par des prêts contractés par l’État auprès d’institutions comme la Banque européenne d’investissement ou le Fonds saoudien.

Ce manque de bilan pose des problèmes au niveau de la modernisation ou la construction d’infrastructures. A titre d’exemple, les magistrats de la Cour des comptes évoquent la modernisation de structures vouées à être abandonnées, ce qui a entraîné des retards dans la construction de nouveaux établissements. La Cour critique également l’ « approche opportuniste » de la gestion immobilière du ministère de la Santé au détriment d’une « vision à moyen et long termes articulant étroitement l’anticipation des progrès médicaux et l’évolution des modes de prise en charge, ainsi que la recherche d’une organisation efficiente ».

Constructions défaillantes

La Cour des comptes a aussi identifié des défaillances au niveau de constructions réalisées par le département de la Santé. Les magistrats de l’institution ont remarqué que certains travaux entrepris par les responsables de la Santé n’ont pas fait l’objet d’une bonne définition des besoins et des « spécifications techniques du projet (ou travaux, ndlr) ». Parce qu’il y a un « manque de maîtrise de la phase d’étude», l’institution dirigée par Driss Jettou signale un taux de dépassement de plus de 200% de la quantité de travaux pour certains projets.

La Cour des comptes a également relevé plusieurs défaillances relatives aux contrats liant le ministère de la Santé et certains architectes. A titre d’exemple, le rapport mentionne que certains accords omettent des « obligations invitant les architectes à vérifier, examiner et valider les situations mensuelles partielles et définitives relatives à l’exécution des travaux à chaque fin du mois ».

L’absence d’obligation concerne également « la vérification et la certification des bordereaux de prix des travaux supplémentaires ». L’institution de Driss Jettou signale également que les responsables du ministère de la Santé « recourent à la conclusion de contrats d’architecte pour des opérations ne nécessitant aucune conception architecturale ».

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Des équipements achetés avant la fin de la construction et qui se détériorent

Dans une autre partie de son bilan annuel, la Cour des comptes pointe la faiblesse de la gestion du ministère de la Santé mais cette fois-ci en ce qui concerne les équipements biomédicaux.  L’institution dirigée par Driss Jettou note des problèmes d’organisation et de planification, et « les fonctions d’évaluation  de contrôle et d’inspection de la gestion de la maintenance » sont qualifiées de « faibles ». Les magistrats de la Cour des comptes constatent également qu’il existe un retard dans la mise en œuvre du système « d’information sanitaire et d’évaluation de la qualité des soins ».

L’institution fait état d’« un déphasage » entre l’acquisition d’équipements et l’avancement de travaux de construction.  Un décalage qui cause des problèmes « de gestion des réceptions techniques, notamment, des risques relatifs à sa conservation, à la sécurité du matériel et à la perte de la garantie dans le cas où le matériel est stocké pendant une longue durée ». Enfin, le rapport des magistrats de la Cour des comptes révèle une centralisation, à hauteur de 94%, des équipements acquis par le ministère de la Santé. Un équipement qui bénéficie « essentiellement aux CHU » qui représentent « 64,8% des engagements et 62,7% des paiements ».

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