À l’épreuve du temps. Électeur cherche parti désespérément

Par Abdellah Tourabi

C’était il y a cinq ans, c’était il y a une éternité. Le Maroc explorait sa propre voie parmi les multitudes de possibilités offertes par le Printemps arabe. Le royaume a choisi alors le chemin des réformes et du gradualisme. Quand d’autres pays arabes vivaient pendant cette période une exaltation révolutionnaire, où l’on pense que l’Histoire s’écrit en poésie et non pas en prose, le Maroc avançait à son propre rythme, mais avec un enthousiasme et optimisme prudents. Les élections législatives de 2011 ont été perçues par une grande partie des Marocains comme un moyen de changer le pays sans tenter le diable et sans naviguer dans les tumultes de l’inconnu. Avec un modeste, mais respectable taux de participation (45%), les électeurs se sont accrochés à un espoir et à un objectif : donner aux partis et aux politiques la possibilité de réformer le pays. Pendant cette période, les formations politiques ont eu une occasion inespérée pour redorer leur blason, regagner la confiance des Marocains et disposer de véritables leviers constitutionnels et politiques pour mettre en œuvre leurs idées et leurs programmes. Aujourd’hui, et sans une once de populisme ou de démagogie, on est très loin du compte.

À quelques mois du scrutin du 7 octobre, bienheureux celui qui sait à quel parti il offrira sa voix. Le désarroi est grand et les choix se réduisent. Le PJD est évidemment le grand favori, mais il ne sortira pas indemne de l’usure progressive du pouvoir et sera amené à présenter un bilan à ses électeurs. Le parti islamiste pourrait encore s’appuyer sur les “Benki-show”, ces grands raouts électoraux où Abdelilah Benkirane, le Chef du gouvernement, excelle dans l’art de l’anecdote, les petites phrases assassines et les formules drôles. Toute la prochaine séquence électorale reposera alors, pour le PJD, sur les épaules de son patron et sa forme du moment. Mais ça s’arrête là. Le bilan du parti de la lampe est maigre, ses réalisations sont difficilement identifiables, ou en deçà des attentes et des promesses distribuées en 2011 (rappelez-vous des 7% de croissance et autres merveilles brandies par le PJD, il y a 5 ans). Mais le plus grand allié et vecteur de victoire probable du PJD est le vide en face, chez ses adversaires. On ne le répétera jamais assez, ce n’est pas le PJD qui est fort, ce sont les autres qui sont faibles.

Le PAM, principal adversaire du PJD, demeure une machine électorale sans âme ni identité. Avec son armée de notables et son appui sur le monde rural, il reproduit les mêmes recettes que d’autres partis ont essayées depuis 1962. Sauf que la Maroc et sa sociologie électorale ont bien changé. Les résultats des élections régionales et communales de septembre dernier illustrent bien ce changement. Le positionnement du PAM sur le plan des valeurs, en tant que parti moderniste et progressiste, est de l’ordre de l’incantatoire et de la méthode Coué. Car, comme pour l’amour, il n’y a pas de modernité, mais des preuves de modernité, et le PAM en fournit si peu. Quant au reste de l’échiquier partisan, il s’agit d’un vaste champ de désolation et de ruines où tout est à faire ou à refaire. 2011 n’a probablement jamais existé.