Jalil Tijani, l’humoriste qui ne “bêêâit pas comme les autres”

Le nom de ce comédien r'bati ne vous dit peut-être rien. Pourtant, il vous imite éventuellement dans son nouveau spectacle.

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Jalil Tijani. Crédit : Tniouni

Elle porte des lunettes de soleil mouche, mâche une meska comme si sa vie en dépendait – bouche ouverte –, et appelle les garçons par les marques de leurs voitures. Jalil Tijani a fait la première partie de l’humoriste franco-sino-marocain Karim Duval et présente son personnage de «la fille de la Corniche». Illustre inconnu jusqu’à ce soir là, l’humoriste de 28 ans n’en conquit pas moins la salle du Mégarama et quitte la scène sous des applaudissements chaleureux. Vous pourrez le découvrir le 17 juin 2016, la à salle Gérard Philippe, à l’Institut français de Rabat où il assurera son propre spectacle.

Depuis le mois d’avril, le jeune comédien peaufine ce spectacle qui sera organisé dans des petites salles du pays. Une «galerie de personnages, caricatures ou victimes» qu’il épingle ou à qui il prête sa voix, avec l’aide de Yassine Aït Benhassi, son metteur en scène. «Bon, ça va faire cliché ce que je vais dire, mais j’ai décidé que je voulais faire ce métier devant un lac, tout seul, au Costa Rica», glisse-t-il en guise d’une blague. Mais son sourire reste pudique.

Le jeune comédien r’bati fait son entrée dans l’œil du public l’été dernier, au moment où il publie une vidéo parodique sur internet, après le lynchage d’un jeune travesti et présumé homosexuel, à Fès. «J’ai vu douze mecs sur un seul gars. Je me suis dit que c’était le Moyen Âge», confie-t-il, consterné. Sur un fond vert incrusté dans une scène de la très populaire série américaine Game of Thrones, le comédien joue Game of Tkalekh [le jeu des idiots en français, NDLR] et tourne en dérision les agresseurs. Sa vidéo sera visionnée presque 22 000 fois. Mais Tijani, en t-shirt noir et Stan Smith aux pieds, ne souhaite pas s’étaler sur la question. S’il dit user du rire pour provoquer une «résonance sociale», il refuse le choc frontal. «Nommer les choses, ce serait leur redonner le poids que je leur ai enlevé en les caricaturant», avoue-t-il.

«Le Maroc est l’Eldorado des humoristes»

Le phrasé est soigné, comme son éducation au jeu, et ses références. Après un baccalauréat au lycée Descartes de Rabat, le comédien, qui se sent alors encore « aliéné », s’oriente vers des études « classiques » d’éco-gestion et d’hôtellerie, en France. «Je faisais encore partie du troupeau mais je voyais bien que je ne “bêêâis” pas comme les autres !», plaisante-t-il.  À 23 ans, au terme d’un stage dans un écogîte au cœur d’une forêt humide costaricaine, il perd patience, «laisse le monstre sortir» et l’emmène à Paris. Direction l’école du Jeu, où une place importante est faite à l’utilisation du corps. Tijani, lui-même, parle beaucoup avec ses mains. Qu’il cogne contre son cœur quand il parle de son travail ou qu’il lève vers le ciel quand il cherche ses mots. Comme un méditerranéen mais surtout comme un travailleur passionné, qui cite Molière, Shakespeare et les philosophes Friedrich Nietzsche et Henri Bergson parmi ses maîtres à penser. Et ce, avec un naturel qui défend de lever les yeux au ciel.

Le fruit d’une réflexion initiée lors de ses études théâtrales en France, c’est au Maroc que le rbati écrit son premier spectacle. «Tout ce que je griffonnais, tout ce qui m’inspirait était lié au Maroc… l’Eldorado pour un humoriste ! (rires)», s’écrie celui qui aime s’inspirer de ses rencontres pour créer des personnages plutôt haut en couleur. De retour au pays, Tijani rejoint l’équipe d’improvisation nationale. « Pour moi, l’impro est le sport extrême du théâtre, il y a un côté ‘courage’ que j’aime bien. » Et décroche un rôle dans la saison 3 de la série française Kaboul kitchen, diffusée sur Canal +, pour laquelle il a tourné plusieurs scènes au Maroc en avril dernier. «Je veux faire plein de choses, jouer, réaliser, écrire… pour ne pas dépendre des autres en tant que comédien», déclare-t-il avant de nous quitter. Car Jalil Tijani est en route.

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