L'artiste peintre et photographe Hicham Benohoud va exposer ses photos à Paris

Peintre, photographe, plasticien… la multiplicité des techniques fait la singularité de l'œuvre d'Hicham Benohoud. L'artiste va exposer du 13 septembre au 12 novembre 2017 lors de la biennale des photographes du monde arabe contemporain, organisée par la Maison européenne de la photographie (MEP) et l'Institut du monde arabe (IMA) à Paris.

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"Version soft", Hicham Benohoud

Dans son appartement-atelier casablancais, des centaines de photos d’identité de Hicham Benohoud jonchent le sol. Rarement intactes, souvent découpées, colorées ou déchirées, ces images constituent la base des œuvres que l’artiste a présenté en juin à la Loft Art Gallery de Casablanca. Seize tableaux colorés et monochromes, réunis dans une exposition intitulée “Recto Verso” autour du thème de l’identité, mettant en scène des clichés, de dos ou de face, de l’homme au crâne rasé. Artiste multi support, ce sont ses photos, dont la série Mais ce sont ses photos qui des deux séries « The Hole » et « Acrobatics » qui seront présentées à la Maison européenne de la photographie de Paris, du 13 septembre au 12 novembre.

Hicham Benohoud dans son atelier casablancais. DR
Hicham Benohoud dans son atelier casablancais. T. Ollivier

Hicham Benohoud a scellé depuis quelques années sa collaboration avec la galerie des sœurs Berrada qui a vu le jour en 2009. “Nous avons entendu parler de Hicham dès lors qu’on est entré dans le monde de l’art. Ses œuvres ont été exposées dans de grands musées internationaux comme le Tate Modern de Londres, Beaubourg à Paris ou encore le Reina Sofia de Madrid”, explique Yasmine Berrada, l’une des fondatrices de la galerie marocaine. Depuis trente ans, l’artiste jongle entre photographies, mises en scène, peinture et œuvres plasticiennes.

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De Vinci, Rembrandt et les autres

Tout a commencé en 1989. Hicham Benohoud, alors jeune enseignant d’arts plastiques dans un collège de Marrakech, réalise qu’il ne maîtrise absolument pas le dessin. Pas comme il le voudrait, lui qui est fasciné par l’extrême réalisme des toiles des grands maîtres, comme Rembrandt ou De Vinci.“Un dessin, pour moi, doit être aussi précis qu’un cliché. J’ai donc acheté un appareil pour prendre des photos et les reproduire par la suite”, explique l’artiste. Objectif : acquérir les techniques hyperréalistes et s’approprier la peinture orientaliste. “J’ai commencé à prendre des centaines de photo-portraits de mes élèves, que je reproduisais ensuite au crayon gras puis à la peinture à l’huile”, décrit celui qui se sentait “déjà artiste dans (sa) tête” alors qu’il n’avait encore jamais exposé.

"La salle de classe", Hicham Benohoud
« La salle de classe », Hicham Benohoud

En 1995, à 27 ans, Hicham Benohoud fait la connaissance de Reine Prat, la directrice de l’Institut français de Marrakech, où il suit un atelier de photographie documentaire. “Hicham semblait bouleversé par ce qu’on avait voulu lui enseigner pendant ce stage. Une démarche qui remettait en cause sa conception de la photographie et à laquelle il n’était pas près de renoncer. Sa réaction était très singulière. C’est ce qui m’a poussée à m’intéresser à lui, à son travail”, se souvient Reine Prat. Hicham Benohoud l’invite alors chez lui pour lui montrer ses peintures. “Il était évident qu’il avait quelque chose de très particulier à dire, que c’était un artiste avec son propre univers, son langage”, raconte-t-elle. Mais contre toute attente, ce sont les photographies de ses élèves qui ont attiré l’attention de l’ancienne directrice de l’Institut français. “Elle n’a pas aimé mes portraits de femmes hyperréalistes”, se rappelle encore Hicham Benohoud.

Reine Prat est ensuite revenue accompagnée du critique d’art français Jean-Louis Froment, qui lui confirme qu’il faut exposer le jeune artiste. “Mais Hicham ne voulait pas présenter les portraits de ses élèves à l’institut, où on aurait pu les reconnaître. Il est donc revenu me voir avec ses portraits retravaillés, grattés, avec des traces de peinture, traités avec du dissolvant et scarifiés afin de les rendre méconnaissables. Puis il les a réduits au format de photos d’identité”, décrit Reine Prat. Après de longues discussions, la première exposition personnelle de Hicham Benohoud “4455 petites images sur un mur” est installée à l’Institut français de Marrakech en 1998. Dans la foulée, l’artiste expose à la galerie Actua de la BCM, ancêtre d’Attijariwafa bank. S’ensuit la très connue série photographique “La salle de classe”, où il met en scène ses élèves de 1994 à 2001.

Le corps retrouvé

Grâce à ces deux expositions, je suis devenu très visible, à l’instar d’autres jeunes artistes comme Hassan Darsi ou Faouzi Laatiris”, relate Hicham Benohoud. 1999, année du Maroc en France, lui offrira ensuite la possibilité de montrer son travail dans l’Hexagone et de se déployer à l’international. “En 2001, j’ai pu arrêter l’enseignement pour me consacrer pleinement à l’art”, précise l’artiste, qui jusque là n’avait photographié que ses élèves. “En résidence à Bruxelles, j’ai pensé à tourner l’appareil vers moi-même. C’est ce qui a donné la série autobiographique ‘Version Soft’”, explique l’artiste à propos de cette série très connue — l’une des plus dures et des plus perturbantes qu’il ait montrées — où on le voit torse nu, le visage droit et le regard fixe, avec dans chacun de ses clichés soit une pierre sur le crâne ou le visage sanglé, enfermé, voire clouté.

"Version soft", Hicham Benohoud
« Version soft », Hicham Benohoud

Le langage de Hicham Benohoud est très original au Maroc. Se mettre en scène, mettre en avant son visage, son corps, n’est pas habituel dans la culture marocaine, où la discrétion est de mise. Il a eu ce courage et ce culot”, explique Yasmine Berrada de la Loft Art Gallery. Mais s’il plaît auprès des connaisseurs et des amateurs d’art, ce culot n’est pourtant pas toujours bien reçu au Maroc où la série “Version Hard”, qui met à rude épreuve son corps entièrement nu, n’a jamais pu être exposée.

Alors qu’il traite de questions sociétales au Maroc, Hicham Benohoud ne se présente pas comme un artiste engagé. Il concède avec humilité qu’il pose un “regard critique sur ce qui ne marche pas dans la société marocaine hypocrite”, comme dans ses photos sur la misère de la jeunesse à Azemmour, ou dans son intrusion dans l’intimité des foyers de la médina de Marrakech avec les séries “The Hole” ou “Les Acrobates”. Hicham Benohoud, qui “ne peut pas travailler dans le calme”, est d’ailleurs un féru d’actualité. “Je suis casanier mais je dois savoir ce qu’il se passe sous ma fenêtre”, insiste celui qui écoute les émissions d’actualité à la radio dès 8 heures du matin quand il débarque dans son atelier. Si ses photographies ont d’abord marché à l’étranger, notamment en Europe, c’est d’abord parce que “le travail photographique n’est pas encore considéré comme un art à part entière. L’absence de galeries et de musées dans les années 2000 est donc la seule raison qui m’a fait quitter le Maroc”, souligne l’artiste.

Peinture un jour, peinture toujours

De 2001 à 2010, j’ai vécu à Paris de mon art mais c’est devenu plus compliqué après 2007, avec la crise économique”, se rappelle-t-il. Quand le galeriste et critique d’art Aziz Daki lui propose d’intégrer la galerie L’Atelier 21, l’artiste marocain décide de rentrer au pays. “Mais il m’a demandé de faire de la peinture, car c’est ce qui marche ici”, se souvient Hicham Benohoud, qui a repris ses pinceaux après les avoir abandonnés pendant vingt-cinq ans. “C’est comme arrêter de nager ou de faire du vélo, on appréhende au début mais ça revient vite”, sourit l’artiste tout en nous montrant les toiles accumulées dans les pièces du fond de son atelier. Toutes contiennent sa photo d’identité, devenue la base de tout son travail plasticien, en miroir à sa première œuvre exposée à l’Institut français de Marrakech.

Hicham Benohoud
« Recto Verso », Hicham Benohoud

Je suis très heureuse qu’il revienne à la peinture. C’est comme une boucle car il s’en était détourné. Je me suis toujours demandée s’il y reviendrait un jour et comment il ferait”, témoigne Reine Prat. Mais l’artiste plasticien n’abandonne pas pour autant la photo. “Pendant longtemps, le marché de l’art au Maroc n’était pas assez mûr et ouvert pour accueillir l’œuvre photographique de Hicham dans son intégralité. Mais désormais il y a un engouement pour cette forme d’expression”, décrypte Yasmine Berrada de la Loft Art Gallery. Après son exposition à Paris à la très chic Maison européenne de la photographie en septembre prochain, Hicham Benohoud veut se lancer dans un nouveau projet photographique au Maroc, où il compte mettre en scène les paysages marocains.

PROFIL

1968 : Voit le jour à Marrakech

1989 : Achète son premier appareil photo

1998 : Présente sa première exposition personnelle à l’Institut français de Marrakech

2001 : Quitte l’enseignement et s’installe en France

2010 : Rentre au Maroc et se remet à la peinture

Juin 2017 : Montre “Recto Verso” à la Loft Art Gallery de Casablanca

Septembre 2017 : Montre les séries photos « The Hole » et « Acrobatics » à la MEP[/encadre]

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