Leïla Slimani : "Le Maroc est un laboratoire intéressant pour la langue française"

Nommée représentante personnelle d'Emmanuel Macron à l'Organisation internationale de la francophonie le 6 novembre, l'écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani se confie sur les contours de sa mission, sa vision intime de la francophonie et ses projets littéraires.

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© Ludovic Marin / POOL / AFP | Leïla Slimani reçue à l'Élysée par le président Emmanuel Macron, le 6 novembre 2017.

Lors de son rendez-vous le 6 novembre à l’Élysée, le Président français Emmanuel Macron lui a remis sa lettre de mission lui attribuant sa nouvelle fonction de représentante personnelle à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Une fonction bénévole, transversale, qui fera d’elle le porte-drapeau de la France au sein de l’OIF. À la question « êtes-vous légitime ? » posée sur l’antenne de RTL, elle répond: « La légitimité est quelque chose qui se prouve, donc je vais essayer de la prouver et de ne pas faire les choses seules, mais de mobiliser le plus possible« . Une chose est sûre: son amour de la langue française et sa volonté de défendre les valeurs humanistes derrière les mots ne sont, eux, plus à prouver.

Telquel.ma : quelles actions concrètes prévoyez-vous de mettre en œuvre en premier dans le cadre de votre nouvelle mission ?

Leïla Slimani : Je n’ai pas encore investi officiellement ma fonction, je le serai le 24 novembre lors du premier Conseil de la francophonie, à la suite duquel je présenterai à la presse mes actions concrètes. Pour le moment, j’entame une phase de consultations avec les membres du gouvernement qui sont impliqués dans la francophonie, notamment le quai d’Orsay, le ministère de l’Éducation nationale, le ministère de la Culture et de la Communication…

Vous avez dit vouloir « déringardiser la francophonie ». Qu’entendez-vous par là ? 

L’image vieillotte qu’on attribue à la francophonie, c’est quelque chose qui est reconnu par beaucoup d’acteurs culturels, d’écrivains, qui sont tristes de constater que la francophonie est méconnue, mal connue. Les gens ne savent pas à quoi cela correspond, ils ne se rendent pas compte de ce qu’il y a derrière. Le mot même de « francophonie » a perdu de sa valeur, alors qu’il recouvre pourtant des réalités très diverses et bénéficie d’un vrai dynamisme.

Pourriez-vous nous donner votre définition personnelle, émotionnelle, de la francophonie ?

Ce que cela m’évoque d’abord… Vous m’appelez du Maroc, je suis marocaine et on se parle en français. C’est quelque chose d’étrange et d’extraordinaire, le français est une langue qui nous unit. C’est d’abord une langue en partage. On a beaucoup tendance à mettre en avant ce qui nous divise. Or on peut beaucoup partager grâce à la langue, qui permet de faire de l’humour, des jeux de mots par exemple (NDLR, Emmanuel Macron a fait un jeu de mots sur son compte twitter lors de sa rencontre avec l’écrivaine – cf ci-dessous). Le français est la langue de la liberté, du savoir et de la culture. Moi-même, je suis purement un produit de la francophonie: ancienne élève du lycée français au Maroc, j’ai vu mes premières pièces de théâtre en français, etc.

Le Maroc est impliqué dans la préservation de la francophonie, pourquoi a-t-il intérêt à la défendre alors que le français a plutôt tendance à reculer dans le monde ?

On a l’impression que le français recule, il est vrai qu’il y a un danger qui pèse. Mais, en même temps, de nombreux horizons s’ouvrent. Par exemple en Afrique, des pays comme le Nigéria, le Ghana développent beaucoup l’apprentissage du français, et en Chine on n’a jamais autant enseigné le français. Il y a des pays dans lesquels la langue française est établie et dont il faut protéger le patrimoine. En cela, le Maroc est un laboratoire très intéressant, car on y réintroduit le français, et c’est un pays ouvert sur le reste du monde. Il faut rester attentif à cette dynamique en faveur de la francophonie au Maroc. Défendre le français, c’est aussi défendre la liberté culturelle. Ce n’est pas parler qu’une seule langue, c’est permettre à tous de s’ouvrir vers de nouvelles langues, de nouveaux horizons linguistiques et culturels. C’est un cercle vertueux qu’il faut promouvoir de manière générale.

Cette nouvelle fonction va-t-elle vous laisser le temps d’écrire ? Avez-vous de nouveaux projets littéraires ?

Je suis en train de commencer les recherches pour mon prochain roman. Il sera ambitieux, je vais prendre le temps pour l’écrire et je vais bientôt rentrer dans cette phase très agréable qu’est l’écriture. Je vais aussi beaucoup voyager, ce qui permettra d’enrichir mes personnages. Je ne peux encore rien vous dire concernant le thème, mais il y aura certainement plus de voyages que dans mes précédents romans.

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