Le phénomène des harraga 2.0 ou l'incitation à l’immigration clandestine sur le Net

Partagées sur les réseaux sociaux, parfois même en direct, des vidéos montrant des Marocains de tous âges embarquant clandestinement vers l’Europe inondent la Toile.

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Des Marocains, jeunes et moins jeunes, filmés tout sourire, brandissant un V de la victoire devant la caméra d’un smartphone à bords des « pateras », pressés sur des jet-skis, ou embarqués sur de simples jouets de plage pneumatiques alors qu’ils quittent les côtes marocaines en direction l’Espagne. Ces scènes se multiplient sur la Toile et interpellent les internautes.

Résolus à rejoindre l’autre bord de la Méditerranée, ces Marocains se disent en quête d’une « vie meilleure » ou d’une « liberté non retrouvée chez soi ».

Depuis le début de l’été et le retour du beau temps, ces extraits montrant exclusivement des Marocains candidats à l’immigration clandestine sont devenus viraux. Même les chanteurs s’y sont mis…

En darija ou en amazigh, des titres sont parus sur YouTube. Leurs auteurs y justifient l’acte de « Hrig » («immigration clandestine» en darija, tiré du mot amazigh « ahrag », signifiant « être en colère »). Ils y racontent l’histoire des « harraga» («les immigrés clandestins»).

Parmi les séquences les plus vues sur les réseaux sociaux, il y a celles montrant des jeunes qui ont préféré tenter l’aventure en solo. C’est le cas de ce Marocain, secouru par un chalutier espagnol, alors qu’il dérivait seul en haute mer, sur un simple jouet pneumatique, sans rame. Son sauvetage in extremis rappelle les dangers de la traversée.

La Méditerranée a été « plus mortelle que jamais » pour les migrants toutes nationalités confondues au cours des premiers mois de 2018. Plus de 1.600 personnes ont trouvé la mort depuis le début de l’année, selon un rapport du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR) publié début septembre.

Or, les vidéos qui font actuellement le buzz sur la Toile, peuvent donner l’image que gagner clandestinement le Vieux continent serait une partie plaisir.

« Raïss démarre le moteur !», « plutôt se faire manger par des requins que vivre avec les Marocains », « que le tout dernier éteigne la lumière », « on se retrouvera dans des jours meilleurs » sont quelques-unes des formules choisies par ces harraga 2.0 pour motiver leur traversée pour le moins risquée.

A moins que partager en live sa traversée ne soit un exutoire pour la rendre moins périlleuse en apparence. Dans les vidéos, ces jeunes saluent leurs familles. Ils y manifestent également leur enthousiasme à l’idée de « quitter le pays » en invitant leurs amis à « vaincre la peur » et à « goûter à l’aventure ». D’autres n’hésitent pas à fredonner les chants de leurs équipes de football favorites…

C’est sans oublier ceux qui ont décidé d’échouer sur les côtes andalouses à bord de jet-skis conduits par des passeurs très adroits lorsqu’il s’agit d’esquiver la Guardia civil espagnole.

Ci-dessous, une récente vidéo montre encore comment une « patera » remplie de passagers clandestins a pu échapper au contrôle d’une vedette de la Guardia civil. Arrivés à bon port, les harraga fuient dans toutes les directions.

Du côté des officiels marocains, la question de la recrudescence des flux migratoires en direction de la rive nord de la Méditerranée n’est plus éludée.

Soulignant que le Royaume ne serait pas « un gendarme protégeant les frontières (de l’Europe, NDLR) », le porte-parole du gouvernement Mustapha El Khalfi avait notamment déclaré le 6 septembre dernier à Rabat que ce dossier relevait d’« une responsabilité partagée ».

C’est dans ce registre qu’il a rappelé les mesures prises par le Maroc unilatéralement. « Le nombre total de rapatriés volontaires a atteint 1.400 personnes en 2018 », a-t-il précisé, ajoutant que « depuis 2004, 22.000 personnes ont bénéficié de ce processus ». Mustapha El Khalfi a en outre expliqué que cette opération se déroule sous la supervision de l’Organisation internationale des Migrations (OIM).

 

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