Le changement d'heure, entre précipitation et improvisation

Entérinée 48 heures avant le passage à l'heure d'hiver qui devait avoir lieu dimanche, la décision surprise du gouvernement d'adopter le GMT+1 a déstabilisé de nombreux citoyens, administrations et services. Retour sur une annonce précipitée qui sème la pagaille dans les pendules marocaines.

Par

«Du coup, il est quelle heure ?« Ce dimanche matin du 28 octobre, la question était sur toutes les lèvres. Et s’est répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Et pour cause : les smartphones et les ordinateurs ont avancé leur horloge d’une heure, pas encore prévenus que le passage à l’heure d’hiver n’aura finalement pas lieu.

«Regardez vos montres, il n’y a que ça de fiable!», conseille une internaute. C’est en effet en «dernière minute», le vendredi 26 octobre, que le gouvernement a décidé de régler les horloges du Royaume sur le fuseau GMT+1.

Un Conseil des ministres en urgence vendredi

Jeudi 25 octobre au matin, Saad Eddine El Othmani préside un Conseil de gouvernement ordinaire, où il est question du projet de loi de finances, de la charte nationale de déconcentration administrative, de la maîtrise du taux de la dette…mais pas du changement d’heure. C’est vers 21 heures que les ministres sont informés, par message du Secrétariat général du gouvernement, que se tiendra le lendemain matin un Conseil de gouvernement extraordinaire pour discuter du projet de décret n°2.18.855 relatif à l’heure légale. Deux d’entre eux l’apprendront même par l’article publié en exclusivité sur TelQuel Arabi dans la soirée du 25 octobre.

Pourquoi ne pas avoir mis le sujet à l’ordre du jour du Conseil de gouvernement du jeudi ? Pourquoi ne pas avoir anticipé davantage une décision qui chamboule l’organisation de tout un pays ? Joint par nos soins, le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, botte en touche: «la réponse à cette question dépend des mesures d’accompagnement sur lesquelles le ministère de la Réforme de l’Administration et de la Fonction publique travaille». Il nous renvoie vers le ministre chargé du dossier, Mohammed Benabdelkader. Ce dernier est pour l’heure resté injoignable. Son entourage précise qu’il est actuellement en déplacement en Azerbaïdjan.

Opération de Com’ floue ce lundi

Dans une déclaration à la MAP ce lundi, le Chef du gouvernement reconnaît que cette décision, adoptée vendredi par le Conseil de gouvernement, a «accusé quelque retard qui a suscité un certain embarras et plusieurs réactions». Certains internautes ont en effet laissé éclater leur colère et leur incompréhension.

Pour calmer les inquiétudes, venant même du groupe parlementaire du PJD qui réclame la publication de l’étude invoquée par le gouvernement, Saad Eddine El Othmani s’est exprimé devant le Parlement lundi après-midi, rappelant que «cette décision est liée à la consommation d’énergie» et à «la sécurité énergétique». Selon lui, le passage à GMT+1 permettrait d’économiser 240 millions de dirhams de facture énergétique. Encore une fois, aucune précision n’a été donnée.

Une étude préalable «fantôme« ?

«Nous avons fait une étude sur le bilan de cinq ans d’application de l’heure d’été, avec des critères pris en compte pour la première fois, comme l’impact sur la santé, mais aussi des critères économiques et sociaux. L’étude a conclu que le changement d’heure provoque effectivement des perturbations chez les citoyens. Nous avons aussi réalisé un sondage d’opinion auprès d’un large échantillon, et plus de 65 % ont exprimé leur mécontentement quant à ces changements, et dit qu’ils préféraient la stabilité», nous expliquait vendredi dernier le ministre chargé de la Réforme de l’Administration et de la Fonction publique, en réponse aux critiques sur le caractère unilatéral d’une décision impactant l’ensemble des citoyens.

Mais de combien de personnes était composé ce «large échantillon»? Impossible pour l’heure d’en savoir plus. «Les résultats de l’étude ont été présentés au ministère de la réforme de l’Administration et de la fonction publique le 9 octobre. C’est le ministère qui a la possibilité de rendre l’étude publique», élude le porte-parole du gouvernement.

Une chose est sûre : il n’y a pas eu de consultation publique auprès de tous les concitoyens, comme l’a récemment fait la Commission européenne. «La consultation en ligne s’est déroulée du 4 juillet au 16 août 2018, a recueilli 4,6 millions de réponses provenant des 28 Etats membres et près de 84% des Européens ont plébiscité la fin du changement d’heure semestriel», rappelaient début septembre nos confrères de L’Economiste.

Des «mesures d’accompagnement» non anticipées

Suite à l’annonce du changement d’heure, plusieurs départements ministériels ont dû réajuster leurs montres en urgence. Saïd Amzazi, le ministre de l’Éducation nationale, a ainsi annoncé le 26 octobre que tous les établissements d’enseignement publics et privés suivraient désormais les horaires suivants : de 9h à 13h puis de 14h à 18h. Cette mesure sera appliquée dès le 7 novembre, date de la fin des vacances scolaires et la reprise des cours. «Cela permettra aux élèves de rejoindre et de quitter leurs établissements dans des conditions sécurisées», déclare-t-il sur 2M. Mais cette mesure est loin de satisfaire tout le monde, des parents d’élèves à certaines écoles privées.

Du côté des administrations, alors que le ministre Benabdelkader a annoncé vendredi que «nous nous dirigerons vers plus de souplesse dans les heures d’entrées de sorties des écoliers et des fonctionnaires», nos confrères de Médias24 indiquent aujourd’hui que «le ministère de la Réforme de l’Administration et de la fonction publique proposera une plage horaire d’arrivée entre 8h30 et 9h30 et de départ entre 16h30 et 17h30. Un décret sera adopté dans les prochains jours pour valider ce choix».

De son côté, un responsable ministériel confie qu’il y a «une panoplie de mesures qui ne sont pas encore annoncées, concernant l’administration et l’éducation». Il nous donne rendez-vous jeudi prochain, après le Conseil de gouvernement hebdomadaire pour «présenter toutes les clarifications nécessaires».

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer