Affaire Hamieddine: Les 10 "vérités" sur lesquelles la défense mise pour prouver l'irrecevabilité de la plainte

Selon la défense de Abdelali Hamieddine, figure du PJD poursuivi une seconde fois pour son implication présumée dans le meurtre d’un étudiant gauchiste en 1993, son inculpation est irrecevable. Pour le démontrer, ses avocats ont dressé une liste de 10 «vérités».

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Si le procès de Abdelali Hamieddine devant la Cour d’appel de Fès n’a pas encore commencé, ses avocats savent déjà sur quels points ils vont miser pour rejeter la nouvelle accusation dont il fait l’objet. Le conseiller parlementaire et membre du secrétariat général du Parti de la justice et du développement (PJD) a été, en effet, inculpé le 7 décembre dernier pour « participation à un homicide volontaire » dans le meurtre de l’étudiant gauchiste Mohammed Ait Ljid Benaïssa, en 1993. Une affaire pour laquelle il avait déjà été condamné à l’époque à deux ans de prison avant d’obtenir réparation auprès de l’instance équité et réconciliation (IER).

Selon le document de la décision prononcée par le juge d’instruction de la Cour d’appel de Fès, dont TelQuel Arabi détient une copie, c’est une nouvelle plainte déposée par la famille de la victime qui a motivé son inculpation. Une plainte qui toutefois, estime la défense, est « irrecevable ». Pour le démontrer, ses avocats ont dressé une liste de dix « vérités » censées justifier son irrecevabilité. Les voici telles qu’elles sont citées dans le document:

1.Les faits qui font l’objet de la nouvelle plainte et qui ont eu lieu le 25 février 1993, ont fait l’objet d’une enquête préliminaire détaillée, pour laquelle un procès-verbal a été rédigé par la police (n°296 du 1er janvier 1993) et un autre par la police provinciale de Fès (n°4789 du 15 avril 1993). Les deux procès-verbaux sont d’ailleurs classés dans le dossier de plainte en cours.

2. Sur la base de ces deux procès, Abdelali Hamieddine a été présenté au procureur général près de la Cour d’appel de Fès, aux côtés de Haddioui El Khammar, le prétendu témoin qui a été présenté dans ce nouveau procès comme étant nouveau, et une autre personne.

3.Après avoir examiné le contenu des procès-verbaux susmentionnés, le ministère public près la Cour d’appel de Fès avait décidé d’inculper Abdelali Hamieddine pour « coups et blessures ayant entrainé la mort sans intention de la causer et complicité de meurtre et détérioration de biens d’autrui ayant causé des pertes matérielles », conformément aux articles 403, 129, 130 et 608 du Code pénal.

4.Une enquête préliminaire a été menée et a abouti à une décision rendue le 17 avril 1993 de renvoyer le dossier n °17 relatif aux poursuites pour « coups et blessures ayant entrainé la mort sans intention de la causer » et « détérioration de biens d’autrui ayant causé des pertes matérielles ».

5.La chambre criminelle de Fès ( …), après avoir entendu toutes les parties accusées, témoins, procureurs et police judiciaire, a décidé que la responsabilité de M. Abdelali Hamieddine dans la mort du défunt Mohammed Ait Ljid n’était pas prouvée. La justice avait alors retenu seulement le motif d’implication dans des affrontements entre étudiants qui ont conduit à la mort de l’un d’eux. Le même témoignage qui avait motivé cette décision a été repris pour justifier cette nouvelle inculpation.

Dans son témoignage,Haddioui El Khammar avait expliqué qu’il se trouvait à bord d’un taxi avec la victime : « Nous nous dirigions vers le quartier de Lirak, près de l’usine de Coca-Cola. Une voiture avait alors bloqué le passage devant le taxi. Une foule s’est rassemblée autour de la voiture. Ils ont fait descendre la victime et l’ont violenté. Dans la foulée, il a été blessé au niveau de son œil, puis dans sa main par une barre de fer. Erramach et Hamieddine faisaient partie des agresseurs ».

Le témoin avait également ajouté que les agresseurs étaient au nombre d’une trentaine environ.

6. La chambre criminelle de Fès avait (…) finalement décidé de poursuivre Abdelali Hamieddine pour participation à une altercation ayant entrainé la mort et l’avait alors condamné à deux ans de prison ferme.

7.  La Conseil suprême a décidé (…) d’annuler le pourvoi en cassation en date du 11/06/1998.

8. Il en résulte que la décision pénale n ° 164  a entraîné l’expiration de la procédure publique (…) ce qui constitue un empêchement juridique. La plainte présentée dans la présente affaire ne peut donc être entendue.

9. Il est également clair que le 22/11/2012, le procureur général du roi près la Cour d’appel de Fès a reçu une plainte portant le numéro 562/3101/2012, sur la base des mêmes faits présentés dans la plainte actuelle et émis, selon une décision claire à préserver. Ainsi, le Procureur général du roi peut être lié par le pouvoir de l’affaire requis par ladite décision pénale de respecter les règles de la sécurité judiciaire et la crédibilité de la justice.

10. Dans cette affaire, l’ordre de justice avait ordonné de ne pas ouvrir d’enquête en vertu de la résolution 168/13. Cette décision était entièrement et parfaitement fondée sur les mêmes faits que la plainte actuelle (…). L’ordre de justice a été expliqué comme suit:  l’une des raisons de ne pas ouvrir une enquête est que les faits qui font l’objet de la plainte directe n’exigent pas légalement de mesures de suivi, car il existe des motifs de poursuite. Ce qui est important dans cette décision, c’est aussi le fait que « la même personne ne peut pas être poursuivie deux fois pour les mêmes faits (…). 

Pour rappel, le meurtre de l’étudiant Mohammed Ait Ljid Benaïssa, proche de la mouvance de gauche, remonte au 25 février 1993, pendant des affrontements avec des militants islamistes à l’Université Dar El Mehraz de Fès. Condamné en 1994 à deux ans de prison ferme pour son implication présumée dans le meurtre, Abdelali Hamieddine avait alors purgé sa peine avant d’être reconnu « victime » à son tour par l’IER qui a décidé de l’indemniser. Ce sont les proches d’Aït El Jid qui ont voulu rouvrir le dossier sur la base de nouvelles révélations attribuées à Haddioui El Khammar, le seul témoin des faits.