La photographe Chaimae Chekkar déconstruit les codes de la masculinité

En explorant la masculinité et la vulnérabilité à travers le prisme de la photo, Chaimae Chekkar rétablit la notion de sensibilité masculine et révoque les injonctions à la virilité. Trois questions à la photographe Chaimae Chekkar.

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Crédit : Chaimae Chekkar

Les représentations du masculin changent, et la photographie le montre. S’interroger sur la redéfinition de l’identité de genre est une quête humaine, sociale et artistique. Dans la série انت (Enta/Enti, Toi), la photographe marocaine Chaimae Chekkar explore les complexités de la masculinité chez les jeunes marocains. Les visages expriment chacun une façon singulière et plurielle de vivre sa virilité. 

Crédit : Chaimae Chekkar

Vous êtes une photographe autodidacte. Comment la série انت  est-elle née ?

Durant toute l’année 2018, j’ai travaillé en workshop avec une vingtaine de jeunes artistes marocains sur la thématique « Art et masculinités » via l’association Maroc Volontaires. On a exploré la masculinité, mais aussi la féminité, en jouant avec les stéréotypes, en inversant les rôles, en les réunissant parfois, grâce au théâtre, à la photographie et la vidéo. Sensibiliser les jeunes artistes aux questions du genre, c’est un premier pas vers une déconstruction des stéréotypes dans les médias. 

Crédit : Chaimae Chekkar

Pourquoi utiliser le médium silencieux de la photographie ?

L’image est une parole. Prenez un magazine, un journal, une publicité… La photo parle bien plus à l’oeil que le texte. C’est plus démocratique aussi, tout le monde peut comprendre l’image. Photographier, c’est comme une méditation pour moi, et le meilleur moyen que j’ai trouvé pour transmettre mes messages, en toute liberté. Mes modèles photo sont principalement Hakim Achak et Houda Cyclis, experts en genre et masculinités. Ils ont bénéficié des formations avec l’ONU-Femme Maroc, Egypte, Liban et Palestine et Quartiers du monde. Je ne voulais pas photographier des personnes qui ne croient pas à 100% au projet.

Crédit : Chaimae Chekkar

Comment êtes-vous parvenue à saisir la manière d’être homme en image ?

Les femmes et les hommes sont partenaire dans l’incompréhension du concept de masculinité. Mes photos essayent de déconstruire les modèles genrés, je parle de l’humain, de la vie, de la mort. Pas spécifiquement de l’homme ou de la femme. Mon objectif est de sortir du cercle vicieux de la normativité, des stéréotypes fondés sur la discrimination et de la violence au nom d’une soi-disant virilité. La question du genre est une problématique totalement nouvelle pour les marocains. Les mentalités masculines, en tant qu’autorité de pouvoir et de domination, modélisent les esprits, les distordent.