Entre les deux hommes, la poignée de main est franche et le visage tout sourire. Un classique. En marge de la réunion ministérielle de la Coalition mondiale anti-Daesh, le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, s’est entretenu le 6 février avec le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo. Une rencontre durant laquelle les deux hommes ont notamment abordé la question du Sahara, la coopération Maroc-États-Unis, ainsi que des thématiques plus internationales.
Félicité pour avoir fait barrage à l’Iran au Sahara
Ainsi, une première session du groupe de travail Afrique relevant du Dialogue stratégique entre les deux pays s’est tenue, dans le but de “consolider la coopération sur la base des intérêts communs des deux pays en Afrique », a indiqué, mercredi, le Département d’Etat américain. À Washington, Bourita et Pompeo « ont réaffirmé le partenariat stratégique de longue date unissant les États-Unis et le Maroc et examiné les opportunités d’élargir la coopération aux questions régionales », a déclaré le porte-parole adjoint du département d’État, Robert Palladino.
Parmi les points abordés, la question du Sahara. Le chef de la diplomatie américaine a reconnu la “participation constructive du Maroc aux discussions avec l’envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara”. L’occasion aussi pour le chef de la diplomatie américaine de “remercier le Royaume pour ses efforts résolus dans la lutte contre l’influence néfaste de l’Iran dans la région”, sous forme de soutien de Washington aux accusations portées par le Maroc à l’encontre de l’État chiite. En mai 2018, Rabat rompait ses relations avec Téhéran, l’accusant d’avoir facilité une livraison d’armes au Front Polisario par l’intermédiaire du Hezbollah et avec la complicité d’Alger. Plus récemment, s’exprimant sur la chaîne qatarie Al-Jazeera, Nasser Bourita évoquait avoir “observé des choses qui portent atteinte aux intérêts du Maroc, particulièrement la question sensible du Sahara”. “Pour l’instant, l’Iran n’a pas nié une quelconque relation avec le Polisario, et n’a toujours pas reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara”, jugeait le ministre le 23 janvier.
L’Iran est donc l’ennemi commun qui rapproche le Maroc et les Etats-Unis. De bonne augure sur le dossier du Sahara, puisque les Américains sont les portes plumes chargés de rédiger la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur le sujet. Un rôle capital, puisqu’à deux reprises et depuis près d’un an, cette position de pen holder a permis aux Etats-Unis – qui voit dans ce conflit régional un “exemple typique d’un conflit gelé et d’une mission onusienne qui ne sert plus d’objectif politique” – de réduire à six mois le mandat de la Minurso et ce contre l’avis du secrétaire général de l’ONU et d’autres membres du Conseil de sécurité.
Lobbyistes pro-israéliens et Venezuela
Lors de cette rencontre, à laquelle a aussi pris part l’ambassadrice à Washington, Lalla Joumala Alaoui, Mike Pompeo a aussi remercié le Maroc pour son soutien à Juan Guaido, auto-proclamé président par interim au Venezuela. Le Royaume a, comme une grande partie de la Communauté européenne et des États-Unis, décidé de reconnaitre ce jeune député de 35 ans nouveau président “légitime” de l’État sud-américain.
Le 28 janvier, le Maroc était alors le premier et seul Etat en Afrique à reconnaitre le président vénézuélien. Juan Guaido s’était entretenu le jour-même au téléphone avec Nasser Bourita, et donnant-donnant, le conseiller aux affaires étrangères du Vénézuélien affirmait dans la foulée que le Venezuela allait “reconsidérer sa reconnaissance de la République Sahraouie sous le gouvernement de Guaido”. Trois jours avant cet entretien Bourita-Guaido, le 23 janvier, des membres de la Republican Jewish Coalition, un groupe de lobbyistes américains pro-israélien, rencontraient le ministre marocain à Rabat. L’un d’eux, Elliot Abrams, avait été fraîchement chargé, par Mike Pompeo, de contribuer à “restaurer la démocratie” au Venezuela.
Lutte anti-terroriste
Enfin, les deux responsables ont discuté de la prochaine conférence ministérielle sur la promotion d’un avenir de paix et de sécurité au Moyen-Orient. Une étape jugée importante vers la construction d’un cadre de sécurité plus solide pour cette partie du monde. Une région qui était aussi au coeur du déplacement de la diplomatie marocaine à Washington pour la réunion ministérielle de la Coalition mondiale anti-Daesh, le 6 février. Le sommet a rassemblé soixante-dix-neuf États membres avec pour objectif de prévoir “des discussions approfondies sur la défaite territoriale imminente de Daesh en Irak et en Syrie”, explique la diplomatie américaine. Au-delà, c’est essentiellement “la façon de se prémunir contre la réapparition de Daesh à travers la stabilisation et l’assistance sécuritaire” qui a été au coeur du sujet, “dans un moment-clé dans notre combat coordonné”.
REUNION MINISTÉRIELLE DE LA COALITION MONDIALE #ANTI_DAESH
Intervention du Ministre des Affaires Étrangères et de Coopération Internationale, M. #Nasser_Bourita : https://t.co/OtaAdL9Cx8 pic.twitter.com/zdLzivxdzO
— MAECI Maroc 🇲🇦 (@MarocDiplomatie) February 7, 2019
L’occasion aussi pour Nasser Bourita de réaffirmer le rôle du Maroc en matière de lutte anti-terrorisme et de radicalisme. “En sa capacité de co-président du Forum Mondial de Lutte contre le terrorisme (GCTF), le Maroc est résolument déterminé à poursuivre la promotion de l’importance du développement et de la consolidation des capacités de la société civile pour qu’elle puisse se prémunir contre la résurgence de Daesh ou tout autre groupe partageant les mêmes desseins extrémistes violents”, souligne Bourita, dans des propos relayés par la MAP. Il a ainsi été vanté une approche “unique” et “reconnue” en matière de prévention et de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent, qui consiste en un “tryptique” : la formation adéquate des prédicateurs au sein de l’Institut Mohammed VI pour la formation des Imams Morchidines et Morchidates, la déconstruction de discours extrémistes et, enfin, la prévention et la lutte contre la propagation de l’extrémisme violent. Notamment dans les prisons, avec la réhabilitation et la réinsertion des détenus au travers d’un programme spécifique baptisé “Mosalaha”.