"Fuite des cerveaux": Le damage control d'Atos à Casablanca

Après avoir été accusée d'organiser une fuite des cerveaux marocains vers l'étranger début février, la société Atos revient au Maroc avec des promesses de création d'emplois et de construction d'un centre d'intelligence artificielle.

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Francis Meston, Directeur IMEA d'Atos aux assises de la transformation digitale en Afrique en 2017. Crédit: DR

Lors d’une rapide visite à Casablanca le 28 février dernier, Francis Meston, le président de la région IMEA (Inde Moyen-Orient, Afrique) d’Atos, spécialiste français des services informatiques, est venu redorer l’image du groupe au Maroc. Objectif : démontrer son implication dans le développement d’un tissu économique qualifié au Maroc. Cette visite fait suite à l’annonce d’un évènement de “job dating” organisé par Atos à Casablanca au mois de février. Face à la levée de boucliers de la Toile marocaine qui s’insurgeait contre cette session “scandaleuse” de fuite des cerveaux, Atos avait annulé l’évènement en invoquant dans un communiqué une “initiative, locale et isolée, immédiatement annulée par le groupe Atos dès qu’il en a pris connaissance”. Position réitérée par un cadre de l’entreprise  qui déclare que “l’évènement avait été pris à l’échelle locale”, et qu’il s’agissait d’un “incident isolé qui n’avait rien à voir avec la stratégie du groupe Atos”.

Calmer le jeu

Trois semaines après la polémique, le géant des services numériques promet par le biais de Francis Meston, des emplois supplémentaires pour sa filiale marocaine. Objectif : “passer de 1.600 salariés en 2018 à 2.000 d’ici 2020”. Sur le sol marocain, l’entreprise emploie principalement des ingénieurs, dont 70% de jeunes diplômés selon le directeur IMEA d’Atos.

Contacté par TelQuel, un cadre au sein de l’entreprise est formel : “Monsieur Meston avait cette réunion prévue à Casablanca depuis quelque temps dans son agenda. Il n’a pas fait le déplacement exprès suite à la polémique de début février. Il en a profité pour annoncer les recrutements qui allaient être faits sur le sol marocain ainsi que l’ouverture d’un centre dédié à l’intelligence artificielle au Maroc”. Cependant, le directeur régional d’Atos ne s’est pas étalé sur les détails concernant le lieu, l’échéance, ni l’investissement nécessaire pour ce centre. “A ce stade-là, nous n’apporterons pas d’informations complémentaires. Nous le ferons en temps voulu”, confirme un cadre d’Atos.

Entre l’annonce de la session de recrutement et le déplacement de Francis Meston, d’autres éléments sont venus fragiliser la défense d’Atos. En effet, selon LeDesk.ma qui signe une enquête appuyée sur plusieurs sources, “la démarche [d’Atos] tient d’une stratégie de ‘fuite des cerveaux’ autorisée par Thierry Breton [le PDG du groupe] et ses lieutenants à Paris”.

Quelle fuite des cerveaux ?

Selon la même source, Atos a de surcroit bâti cette stratégie en s’appuyant sur le dispositif des contrats ANAPEC. Selon LeDesk.ma, Atos a eu recours en 2018 à plus de 250 contrats ANAPEC mais n’en a transformé que 17% en CDI. Or, il est obligatoire pour un employeur ayant recours à ces contrats de les convertir en CDI à hauteur de 60%.

Interrogé par Yabiladi.com sur ce point, le directeur de l’ANAPEC, Abdelmounaïm Madani a nié. “Tout est dans notre système et les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations sont bloquées. Atos ne traite avec l’ANAPEC que dans la conformité avec les lois et règlements”.

Quant au phénomène de “fuite des cerveaux”, Abdelmounaïm Madani plaide pour une liberté de mobilité de la part des Marocains. “La fuite des cerveaux, je ne la connais pas et ne la reconnais pas, car c’est contraire aux règles de base des droits humains. Parce que la fuite implique que vous êtes séquestré, alors que moi je suppose que tous les êtres humains sont libres et à leur tête les jeunes Marocains”, déclare-t-il à Yabiladi, à rebours du ministre de l’Education Saaid Amzazi qui le 15 janvier dernier posait la question au parlement : “comment récupérer ces compétences marocaines qui excellent à l’étranger?”.

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