Environnement, maintenance... La Cour des comptes creuse dans la gestion de l'OCP

Dans un rapport publié le 18 mars sur le contrôle de la gestion des activités minières de l'OCP, la Cour des comptes pointe plusieurs défaillances dans la gestion de l'office. L'OCP insiste sur la digitalisation pour dépasser ces écarts.

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La Cour des comptes a scruté l’activité minière de l’OCP. Dans un rapport publié le 18 mars, l’institution présidée par Driss Jettou pointe des défaillances liées à la planification de la production, à la maintenance du matériel ainsi qu’à l’impact environnemental.

Cependant, le document publié n’est qu’une synthèse du rapport d’origine. L’institution justifie ce choix par “la sensibilité des aspects traités dans le cadre de cette mission et de la nature des données utilisées, dont la publication pourrait porter préjudice à la société.”

Manque de planification de la production

Le rapport de synthèse pointe ainsi “certaines insuffisances relatives aux études minières” dans le cadre de la stratégie de développement des capacités de production minières lancée par l’office en 2008. C’est le cas par exemple des études relatives aux mines en développement et qui, selon la Cour des Comptes, “devaient donner plus d’importance à l’affinement de la reconnaissance géologique des gisements.”

Les magistrats de la Cour des Comptes reprochent aussi à l’OCP l’insuffisance de l’étude sur l’échéancier de mise en service des nouvelles mines au niveau de certains sites. “Le programme de production à l’horizon 2050, qui constitue le document de référence en matière de planification, n’a fait qu’identifier les gisements de relève sans préciser les éléments pris en compte et les critères retenus pour prioriser entre ces gisements,” peut-on lire dans le document. La Cour des Comptes recommande ainsi de baser le programme de production sur “une analyse comparative au regard du critère d’optimisation du rapport dépenses d’investissement / charges d’exploitation.”

Le développement des activités minières de l’OCP exige aussi un encadrement “par un dispositif formalisé et documenté” du processus d’acquisition de l’assiette foncière. “Avec la modification du statut juridique de l’organisme, passé en 2008, d’établissement public à celui de société anonyme, il s’avère nécessaire de mettre en place de règlements adaptés et consacrés pour suivre les programmes d’extension des mines et la programmation de l’ouverture de nouvelles mines en plus de l’acquisition du foncier nécessaire,” écrit le rapport.

Pour programmer sa production minière à court terme, l’OCP se base sur le processus de “pilotage de la marge.” Comme l’explique le document, le pilotage de la marge “vise à établir, sur une base trimestrielle, un programme de production et de vente optimal en termes de marge bénéficiaire qui tient compte des contraintes et des opportunités qui se présentent.”  La mise en œuvre du programme de production optimisé dans le cadre du processus de “pilotage de la marge” est marquée par “un recours récurrent, en cours d’année, à la modification des circuits prévisionnels d’exploitation sur lesquels ont été construits les projets d’exploitation des différentes mines.” Et même “la structure de qualité du phosphate produit au niveau de certaines mines présente des écarts significatifs récurrents par rapport aux objectifs de production” fixés par ce processus. Pour remédier à cela, “la préparation du projet annuel d’exploitation des mines, qui constitue un document essentiel pour garantir une programmation appropriée des activités de production, gagnerait à être basé sur un cadre de référence unifié et documenté,” recommande la Cour des Comptes.

En réponse à ses remarques, l’OCP a indiqué le lancement en 2017 d’un programme de transformation digitale qui couvre le Mine Planning. Cette technique permet la planification à différentes échéances des activités minières sur une plateforme unique pour l’ensemble des sites. Le Mine Planning est aujourd’hui déployé sur 2 sites et couvrira l’ensemble des sites miniers en 2019, assure l’OCP. Le programme concerne aussi le Fleet Management pour la supervision et l’optimisation de la flotte d’engins en temps réel. Des tours de contrôle centralisées au niveau de chaque site permettront aussi de superviser en temps réel 320 engins mobiles connectés (camions, bulldozers, draglines, etc…). Enfin, la gestion intégrée de la supply chain de la mine au port doit permettre un pilotage de bout en bout de la performance et de la qualité.

Maintenance du matériel insuffisante

Concernant le traitement du phosphate, la Cour des Comptes fait remarquer “que la gestion des stocks, à l’entrée et à la sortie des laveries, gagnerait à être formalisée de manière à définir, notamment, des valeurs optimales de stocks de sécurité de produits garantissant une autonomie raisonnable et assurant un rythme de marche normal de ces laveries.” Le pilotage des activités des laveries n’est pas approprié, selon le rapport. “En effet, à cause du retard dans le déploiement d’un système informatique permettant la génération automatique des indicateurs liés à ces activités, les entités continuent à assurer le suivi sur des supports inappropriés engendrant un risque significatif sur la fiabilité des données et la disponibilité des indicateurs de pilotage de la performance en temps opportun,” écrivent les magistrats de le Cour des Comptes.

Pour le parc du matériel d’exploitation, l’institution note que l’office “ne dispose pas de plan de réforme et de renouvellement du matériel à même d’optimiser son utilisation.” Elle fait également remarquer que “le recours à la sous-traitance pour la réalisation de certains travaux miniers nécessite d’être basé sur un cadre de référence qui en fixe les principes et les règles.”

Si la maintenance du matériel est un élément clé dans l’activité de l’OCP, qui a engagé dans ce sens de “nombreux chantiers et actions pour porter la maintenance au niveau des standards internationaux pour augmenter le taux de disponibilité du parc et maitriser les coûts de sa maintenance,” le rapport pointe des retards significatifs dans plusieurs de ces chantiers. “En effet, la politique de maintenance du matériel et des équipements utilisés dans l’extraction et le traitement des phosphates n’a été adoptée qu’en 2018 après l’engagement de plusieurs projets en matière de maintenance,” peut-on lire dans le document.

La maintenance du matériel souffre aussi “d’une double insuffisance dans l’utilisation de la maintenance préventive et dans l’exécution des travaux de maintenance planifiés.” Pour l’activité de maintenance, l’OCP connait un manque en ressources humaines “au niveau de plusieurs unités, de certaines spécialités et compétences requises pour la réalisation des travaux de maintenance dans des conditions optimales.”

Sur la maintenance, l’OCP fait remarquer que le processus de digitalisation de la maintenance complétée à 100% en 2019, et que l’office développe aussi des algorithmes de prédiction des pannes utilisant l’intelligence artificielle.

Même si le rapport salue l’effort déployé par l’office pour réduire l’impact environnemental de son activité à travers le programme d’excellence environnementale lancé en 2013, “certaines insuffisances restent à rattraper en matière d’impact sur l’environnement,” note le document. Il en est ainsi “du problème d’évacuation des boues issues des processus de lavage et de flottation du phosphate, marquée par l’accroissement des bassins utilisés (digues d’épandage) pour leur stockage et partant, la dégradation de ces terres et les effets sur l’environnement que peut entrainer ce mode.”

Sur ce point, l’OCP indique qu’elle a lancé la réhabilitation et de la plantation de 1000 ha/an (oliviers, arganiers, caroubiers,…), ce qui correspond à deux fois la consommation annuelle de terrain. Objectif : réhabiliter et planter l’ensemble des terrains exploités depuis un siècle. L’office a aussi mis en œuvre cette année des essais industriels de filtration des boues de lavage, dont l’objectif est d’éliminer définitivement les digues d’épandage à partir de cette année. Ceci doit permettre de réduire la consommation d’eau à la mine de près de 20%.