Cryptomonnaies, taux directeur, privatisations : les explications de Jouahri

Si le conseil trimestriel de Bank Al-Maghrib du 18 juin a décidé de maintenir le taux directeur à 2,25%, la conférence de presse qui s'en est suivie a été, comme d'habitude, l'occasion pour le wali de la banque centrale de commenter l'actualité économique du pays.

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Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale. Crédit: Rachid Tniouni/TELQUEL

Aucune annonce majeure à l’issue du conseil trimestriel de Bank Al-Maghrib (BAM), qui s’est tenu ce 18 juin. La banque centrale a décidé de maintenir le taux directeur inchangé à 2,25%. BAM n’a pas non plus révisé la réserve obligatoire des banques.

En 2016, le taux de cette réserve que les banques sont tenus de déposer auprès de la banque centrale est passé de 2% à 4%. Une baisse de ce taux pourrait donner plus de liquidités aux banques, ce qui permettrait de distribuer plus de crédits. “Nous avons préféré garder cette touche du piano pour soutenir une autre politique. La réserve obligatoire peut nous aider au lancement et à la mise en œuvre de la stratégie nationale d’inclusion financière”, a confié le wali.

Annoncée en avril 2018, cette stratégie vise à réduire les disparités en termes d’accès aux services financiers. “Les banques qui feront des efforts dans le cadre de cette stratégie, nous allons leur donner cette carotte”, a expliqué Abdellatif Jouahri.

3,6% de croissance non agricole

Pour la croissance du PIB, la banque centrale s’attend à ce qu’il redescende à 2,8% cette année contre 3% l’année dernière. Une petite correction due notamment à la mauvaise campagne agricole, puisque la valeur ajoutée agricole sera, selon les prévisions de BAM, de -3,8% en 2019.

Cependant, d’autres indicateurs de l’économie nationale permettent de contrebalancer les mauvais chiffres de l’agriculture, notamment la valeur ajoutée non agricole qui fera 3,6% de croissance cette année. “L’accord sur le dialogue social permettra aussi de donner un supplément de pouvoir d’achat non négligeable, ce qui aura pour effet d’encourager la consommation des ménages”, prévoit Jouahri.

Evolution de la position sur les cryptomonnaies

Alors que Facebook vient d’annoncer le lancement de sa cryptomonnaie Libra à partir du premier semestre 2020, la banque centrale marocaine va-t-elle changer sa position concernant les monnaies virtuelles ? Le 21 novembre 2017, dans un communiqué conjoint, Bank Al Maghrib (BAM), le ministère des Finances et l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) avaient mis en garde contre l’utilisation de ces monnaies. “Nous avions dit qu’on n’avait pas de texte pour interdire, et qu’on a pris le biais de la protection du consommateur pour sortir notre communiqué. A ce moment-là, les organisations internationales et en particulier le FMI avaient la même position. Maintenant, du côté du FMI on voit une évolution sur cette question. Et puis il y a eu des banques centrales qui ont commencé à émettre ou à réfléchir à émettre leur propre cryptomonnaie”, a expliqué Jouahri.

“Devant ces évolutions, et puisque nous avons adapté notre feuille de route digitale, nous avons inclus dans le cadre de cette réflexion la cryptomonnaie. Et la meilleure approche, c’est de nous mettre en contact avec les banques centrales qui se sont déjà lancées là-dedans pour leur demander de nous expliquer les tenants et les aboutissants des cryptomonnaies, ce qui nous permettra d’examiner à l’avance ce problème-là”, poursuit le wali de la banque centrale.

Un suivi plus strict des privatisations

Concernant la reprise des privatisations et la cession de parts détenues par l’Etat comme prévu par la loi de finances 2019, Jouahri a expliqué que “quand on privatise, il faut non seulement que ça soit une recette, mais que ça soit l’occasion de participer soit à la création d’un écosystème, soit à valoriser un écosystème. Et qu’il y ait des évaluations post-privatisation pour qu’on puisse savoir si ces résultats ont été obtenus ou pas.

J’ai été président de la BMCE. J’ai été privatisé, mais je n’ai jamais vu un bilan de cette privatisation. C’est pour ça qu’il ne faut pas revenir encore et faire les mêmes choses. Qu’a fait le privé avec cette entreprise, est-ce qu’il a créé de la valeur? Est-ce qu’il a respecté le cahier de charges? Il faut savoir”, a encore déclaré Abdellatif Jouahri.