Erdogan et Poutine appellent à une trêve en Libye et une désescalade Iran/Etats-Unis

Les présidents turc Recep Tayyip Erdogan et russe Vladimir Poutine ont appelé ce 8 janvier au cessez-le-feu en Libye, où leurs intérêts divergent pourtant, et ont exhorté les États-Unis et l’Iran à la “retenue” pour faire baisser les tensions au Proche-Orient.

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Ozan KOSE/AFP

A l’issue d’une rencontre à Istanbul à l’occasion de l’inauguration d’un gazoduc consacrant le rapprochement entre leurs deux pays, Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine ont appelé “tous les belligérants en Libye à cesser les hostilités à minuit le 12 janvier”. La Turquie a déployé des militaires en Libye pour défendre le gouvernement d’union nationale, son allié, face à l’offensive des forces de son rival, le maréchal Khalifa Haftar, notamment soutenues, selon Ankara, par des mercenaires russes, ce que dément Moscou.

Amitié de circonstance

Dans une déclaration commune, Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine expriment en outre leur soutien à une conférence internationale prévue en janvier à Berlin afin de trouver une solution pour retourner au processus politique sous l’égide des Nations unies.

Alors que leurs différends sur la Libye et la Syrie menaçaient d’éclipser l’inauguration du gazoduc Turkish Stream, aussi appelé TurkStream, les deux présidents ont mis en avant le spectaculaire rapprochement entre leurs pays, qui avaient connu une crise majeure en 2015. L’entrée en service du gazoduc est un “événement historique pour les relations turco-russes et la carte énergétique régionale”, s’est félicité Recep Tayyip Erdogan, en ouvrant symboliquement les vannes de TurkStream avec son homologue russe.

Vladimir Poutine, qui peut désormais compter sur cette infrastructure pour alimenter l’Europe du sud sans passer par l’Ukraine, a lui noté un renforcement du “partenariat entre la Russie et la Turquie dans tous les domaines”. L’autre dossier brûlant abordé lors de cette rencontre est la Syrie, où le régime soutenu par Moscou a multiplié ces dernières semaines les bombardements meurtriers sur Idleb (nord-ouest), ultime bastion des rebelles dont certains sont appuyés par Ankara, provoquant un afflux de populations vers la Turquie.

Déclaration conjointe

Dans leur déclaration commune, les deux dirigeants ont brièvement mentionné la situation en Syrie, sans appeler à une nouvelle trêve, comme le réclame Ankara. Ils ont en revanche abordé l’escalade des tensions entre Téhéran et Washington après la mort du puissant général Qassem Soleimani, architecte de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, dans une frappe américaine.

Nous affirmons notre engagement à désamorcer les tensions dans la région et appelons toutes les parties à agir avec retenue et bon sens, et à donner la priorité à la diplomatie”, ont-ils déclaré, selon le communiqué conjoint.

L’opération qui a tué Soleimani “est un acte qui sape la sécurité et la stabilité de la région”, ont-ils souligné. La déclaration conjointe de Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine illustre leur volonté de mettre de côté leurs divergences pour se concentrer sur les intérêts communs. Sur fond de tensions croissantes avec l’Occident, Ankara et Moscou ont notamment renforcé ces dernières années leur coopération dans le secteur de la défense, avec l’achat par la Turquie de systèmes antiaériens russes S-400, et celui de l’énergie, comme l’illustre le gazoduc TurkStream.

Avec cette nouvelle infrastructure, dont la construction a débuté en 2017, la Turquie sécurise l’alimentation de ses grandes villes énergivores de l’ouest et s’impose un peu plus comme un carrefour énergétique majeur. Le gazoduc est formé de deux conduites parallèles longues de plus de 900 km qui relient Anapa en Russie à Kiyiköy en Turquie (nord-ouest). Au total, ces tuyaux pourront acheminer quelque 31,5 milliards de m2 de gaz russe chaque année.

TurkStream a déjà commencé la semaine dernière à alimenter la Bulgarie, frontalière de la Turquie, et est en train d’être prolongé en direction de la Serbie et de la Hongrie. Des responsables de ces trois pays étaient d’ailleurs présents à l’inauguration ce 8 janvier.