La crise du coronavirus s’est imposée à nous et a brutalement chamboulé notre mode de vie. La peur, l’effroi et l’incertitude sont devenus le lot d’un confinement mondialement anxiogène.
Qui aurait pensé que nous allions vivre une crise mondiale d’une telle ampleur, alors qu’il y a quelque temps encore nous étions tous plus ou moins absorbés par nos fausses urgences, nos habitudes, nos priorités, nos engagements, notre trop-plein d’illusions et de désillusions… Cette crise, nombreux sont ceux qui l’ont déjà dit, nous force à réinterroger, ici et dans l’après-crise, nos multiples défaillances, politiques, économiques et sociales, et plus particulièrement notre rapport à un écosystème ô combien malmené par l’arrogance absolue de l’avidité humaine. Cependant, cette crise est aussi profondément spirituelle, puisqu’elle nous met face à des questions existentielles, le plus souvent enfouies dans un coin de notre subconscient. Cette crise nous pousse, malgré nous, à nous interroger sur nous-mêmes, sur le sens de la vie, et surtout sur celui de la mort qui a toujours été là mais jamais avec une telle acuité. Cette crise remet en surface cette peur existentielle, somme toute banale, instinctive, de l’humain en face de l’imminence d’une fin que l’on imaginait autrement.
Je pense que l’on assiste à la naissance, certes douloureuse, mais à la naissance certaine d’un autre monde. Celle d’un monde qui va, difficilement mais sûrement, prendre conscience de son humanité commune. Spirituellement parlant, cette pandémie, par sa tragique propagation mondiale, remet les pendules à l’heure, elle rééquilibre ce monde malgré ses profonds déséquilibres écologiques, malgré ses disparités, ses inégalités, ses privilèges disproportionnés et ses innombrables injustices. Elle nous incite à enfin exprimer ce NOUS que nous avions tant de mal à concevoir, tellement nous étions aveuglés par toutes les formes d’égocentrisme imaginables, qu’ils soient nationalistes, politiques, idéologiques ou religieux. Et alors qu’il n’y a pas si longtemps nous vivions l’illusion de l’éternité, de la maîtrise du monde, des libertés sans limites, de la supériorité humaine par rapport à notre environnement naturel, voilà que cette vision du monde s’effondre d’elle-même et qu’elle met à nu notre vulnérabilité humaine commune.
L’espoir d’un renouveau spirituel
La crise du coronavirus nous dévoile une réalité longtemps reniée, à savoir celle du destin global et commun de notre humanité. Indépendamment de nos ancrages religieux, de nos convictions, de nos croyances ou non-croyances, nous nous retrouvons soudain tous, en tant qu’humains, face à ce sentiment d’appartenance humaine à une planète meurtrie par nos individualismes démesurés. Croyants, mystiques, athées, agnostiques, nous nous retrouvons tous, chacun à sa manière, en train de prier, d’espérer, de se dévouer, de se solidariser, d’aider, d’aimer, de donner… Les témoignages au quotidien durant cette crise nous le prouvent, l’heure est à la solidarité humaine, à la compassion, à l’abnégation et à l’empathie. Et cela, quelle que soit notre tradition religieuse ou autre, n’est autre que l’expression (re)naissante d’une spiritualité humaine encore à venir. Les témoignages du quotidien de cette crise nous montrent comment chacun de nous ressent la même peur pour l’autre, le besoin d’aider son voisin, la volonté d’aller au secours des plus vulnérables, l’esprit du sacrifice pour celles et ceux qui sont au premier front de cette crise, la culpabilité de ceux qui n’ont rien à offrir que leurs invocations… Toutes ces valeurs humaines relatées dans le quotidien de cette crise sont celles d’une conscience éthique spirituelle qui s’éveille et transcende nos particularismes théologiques, idéologiques ou sectaires.
Nous vivrons sûrement donc une renaissance de l’humain, cette fois-ci en fusion avec son environnement naturel et en rupture avec les dogmes en tout genre. La spiritualité naissante ne sera pas une nouvelle religion, mais plutôt une remise en cause de l’approche de toutes nos traditions religieuses, mystiques, ou idéologiques sectaires. Les religions institutionnalisées, portées par leurs représentants officiels, devront sûrement, dans cet après-crise, revoir leurs copies. Elles devront sortir de leur ethnocentrisme frileux, de ces concepts dogmatiques abstraits et vides de sens de mécréance, du bien et du mal, du peuple élu, du monopole de la Seule Vérité qui ont fait et font encore tant de dégâts autour de nous… Les enseignements à tirer de cette crise seront certainement innombrables, douloureux, difficiles à mettre en pratique, il y aura des résistances à tous les niveaux, car c’est le propre de l’être humain que de s’accrocher à ses habitudes et repères archaïques, mais une grande partie de notre humanité vivra ou vit déjà ce “déclic spirituel”. Celui d’une spiritualité qui, tout en étant enracinée dans sa tradition religieuse ou dans sa propre vision du monde, sera portée par un autre souffle libérateur et surtout inclusif. Une spiritualité intelligente, sereine, qui ne scindera pas l’humanité en croyants et mécréants, en privilégiés et indigents, entre ceux qui ont tous les droits et ceux qui n’en ont aucun…
Toutes les crises traversées par notre civilisation humaine ont donné naissance par la suite au meilleur comme au pire, prions ou rêvons pour que celle-ci soit celle du meilleur à venir… Autrement dit, un meilleur qui sera porté par une spiritualité du lien, recentrée sur l’essentiel, à savoir celui de la sobriété au lieu du consumérisme indécent, de l’humilité au lieu du mépris, de la paix au lieu du conflit et de la conscience de notre vulnérabilité humaine au lieu de l’inconscience de la suffisance humaine qui nous a menés là où nous sommes tous aujourd’hui : le confinement inhumain.
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